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Une analyse du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche - Sergio Chibbaro (Maître de conférences UPMC, FERC-SUP CGT), mai 2013

mardi 7 mai 2013, par Mariannick

Contexte législatif

Le présent projet apporte des changements plus ou moins importants au code de l’éducation et au code de la recherche. Une partie de ces articles avait été modifiée de façon très significative avec la loi dite LRU, notamment les articles concernant l’organisation de l’université. Une présentation comparative a été faite par SLU (à lire ici).
Il est essentiel de souligner ici un point exprimé de façon limpide par P. Aghion et E. Cohen (Éducation et Croissance 2004) : les “réformes” doivent être menées de façon incrémentale, procédant “par création - sans supprimer ce qui existe déjà - pour ouvrir des possibilités nouvelles au sein du système ancien”. Cela dénote un cynisme machiavélique absolu. Le recours à l’ « enfumage » et au « saucissonnage » devient la règle. Il est par conséquent très important, afin de comprendre et éventuellement de combattre la logique de la réforme, d’une part de connaître complètement le modèle qui se construit et d’autre part de ne jamais sous-estimer les petits changements introduits, qui mènent à petit pas à la perversion complète du système.

Contexte économique

Le projet de loi s’insère dans un moment de crise endémique et incontestée du système de l’enseignement supérieur. Les effets néfastes de la LRU en lien avec une diminution budgétaire continue depuis 2002 ne se sont pas fait attendre. Comme il était prévisible, et cela a été confirmé par la nouvelle ministre (Fioraso France Inter 02.02.13), la plupart des universités sont en difficulté pour gérer leur propre masse salariale, et cela a mené à une diminution drastique de toute forme de financement de la recherche et du fonctionnement des composantes, la suppression de postes dans toutes les catégories, une coupe sans fin dans l’offre de formations, l’augmentation du rapport entre le nombre d’étudiants et le nombre d’enseignants (déjà très élevé en France par rapport aux autres systèmes internationaux) et l’explosion du recours à l’externalisation des services et des enseignements. Si on essaie d’en comprendre la logique globale, ces effets apparaissent d’ailleurs comme les véritables objectifs des diverses réformes approuvées pendant les 10 dernières années et non pas comme des effets collatéraux inattendus.
Il est très important de souligner que les raisons ressassées par tous les acteurs appartenant à la classe dominante, ministres, présidents, journalistes, économistes officiels, de droite comme de “gauche”, sont artificielles et utilisées pour affirmer encore un peu plus l’hégémonie de la culture néolibérale qui est sous-jacente à cette reforme comme aux précédentes.

Les dépenses pour l’école et l’université ne sont pas particulièrement élevées en France. Les chiffres officiels donnent des repères :

  • selon la Cour des comptes, il y a eu depuis 2008 plus de 3000 suppressions de postes ;
  • selon l’OCDE, le rapport BIATSS/étudiants était en 2007 de 1/7.5 en moyenne, et de 1/36 en France ; le rapport Enseignants/étudiants était de 1/15 en moyenne, et en France de 1/18 ; selon le centre stratégique (février 2011) le rapport Enseignant/étudiants est tombé à 1/20 en France, contre 1/25 en Grèce et 1/9 en Suède.
  • selon l’OCDE, en 2008, le pourcentage du PIB investi dans l’enseignement supérieur était de 1,4% en France (un peu en dessous de la moyenne), loin derrière les Etats-Unis (2,7% de leur PIB), mais aussi la Corée (2,6%) et le Canada (2,5%) . Selon un rapport de 2011 de l’OCDE :
  • la part du PIB consacrée à la recherche en France était en 2002 de 2,23%, en 2010 de 2,16% ;
  • concernant le rang basé sur l’effort pour la recherche globale : France se plaçait en 6ème position parmi les pays de l’OCDE en 1995 (près d’un quart de point au-dessus de la moyenne de ses pays), 11ème en 2005 et, de cette date à 2008, l’effort a constamment baissé : elle atteignait la 13ème position en 2008.
  • Pour les seuls crédits de R&D civile, la France se plaçait au 26ème rang des pays de l’OCDE en 2008, très en deçà de la moyenne de l’Union européenne.

Ces chiffres cachent une réalité encore moins reluisante, car avec l’autonomie des universités le budget du ministère pour l’université et la recherche est constamment gonflé à cause du simple transfert de certaines dépenses qui étaient jadis de la compétence d’autres ministères. A ce propos, le nouveau gouvernement marque une continuité totale dans la pratique de camouflage et de baisse des crédits. Notamment, dans la loi de finances – budget 2013 (présenté en décembre 2012) il a été annoncé une augmentation (d’ailleurs très faible) de 2.2% du budget ESR, avec création de 980 postes (dont 46% enseignants-chercheurs, 22% enseignants 2 degré, 32% BIATSS), dont la répartition est basée sur le système SYMPA. Or cette hausse ne couvre même pas les augmentations structurelles de la masse salariale : le GVT (glissement vieillesse technicité) doit à partir de cette année être assumé par les universités, et celles-ci doivent prendre en charge une part de l’augmentation des cotisations retraites. Sans parler de l’inflation (1.8-2%), et du fait que les surcoûts engendrés par le transfert de la gestion de la masse salariale ces dernières années n’ont jamais été compensés. D’autre part, le budget comprend le financement des nouveaux postes créés, et il doit couvrir certains crédits engagés pendant l’exercice précédent. Enfin, il faut également compter les structures et modalités nouvelles (Idex, PRES...) qui génèrent de nouveaux besoins.
En contrepartie de ces chiffres accablants, il faut rappeler que l’état des finances publiques (dette et déficit) n’est en rien lié aux dépenses de l’état. Sans détailler, rappelons qu’en 2007 une crise financière aux proportions historiques a totalement été causée par la spéculation sans limites des institutions financières. Ces institutions (y compris les plus grandes banques européennes) auraient fait faillite sans le sauvetage voulu par les gouvernements européens et américains, dont le coût est à estimer à environ 15000 milliards $ (plus de 4000 en Europe). La dette a grimpé en 2007, alors que les dépenses pour l’état social étaient stables depuis 10 ans (en particulier, les dépenses pour le fonctionnement l’étaient depuis 30 ans, voir les rapports du ministère). La crise financière dont la responsabilité complète relève des banques privées, avec ses coûts directs et indirects (chômage, maladies, etc.) explique grosso modo l’augmentation de la dette (voir à ce propos le “Manifeste des économistes atterrés”, 2010). Le déficit ne peut et ne doit pas être expliqué par des dépenses exorbitantes qui n’ont pas eu lieu. Par contre, la cour des comptes estime que cela est dû principalement au manque de recettes fiscales, conséquence de la politique d’exonération pour les riches et les entreprises menée avec acharnement depuis 20 ans. Notamment, la cour estime à 70 milliards par ans le coût des niches fiscales pour la période 2000-2007 (ENTREPRISES ET "NICHES" FISCALES ET SOCIALES, rapport cour des comptes 2010) ; ce chiffre a encore augmenté et est passé à 150 milliards par an en 2011 (rapport cour des comptes 2011). L’actuel gouvernement a encore augmenté de 20 milliards ces exonérations. Rappelons que le crédit impôt recherche est une niche fiscale à la hauteur de plus de 5 milliards par ans. Il est en outre important de mettre en relief que même la par ailleurs très libérale cour des comptes argue que :
Les dispositifs dérogatoires applicables aux entreprises constituent un ensemble très hétérogène, répondant à des objectifs d’une grande diversité, qui ont souvent évolué au cours du temps et s’avèrent parfois contradictoires entre eux. Éloignés de leurs objectifs initiaux, les dispositifs dérogatoires s’avèrent souvent mal ciblés, ce qui limite d’emblée leur efficacité.

Considérations d’ensemble

Le projet de loi se présente comme l’idéale continuation de la précédente, montrant une fois de plus la contiguïté absolue entre PS et UMP sur tous les thèmes politiques, y compris le rôle de la culture et de l’éducation. En effet, le présent projet confirme pleinement le cadre précédemment établi avec quelques ajouts, qui ne doivent pas pour autant paraître anodins. Au contraire, à travers ces innovations, le projet de loi veut enfoncer encore un peu plus le système universitaire dans “la nouvelle école capitaliste” (cf. C. Laval et al. 2011), c’est à dire intégrer encore un peu plus l’idéologie produite par la structure économique néolibérale. L’aspect faussement “incrémental” relève toujours du cynisme nécessaire à faire passer des « réformes ».
Les principes à l’œuvre sont : 1) l’intégration de l’enseignement supérieur dans “le marché mondial de l’éducation” ; 2) la subordination de l’université aux exigences des entreprises.
Le premier point est fortement axé sur la production de subjectivité et se traduit par une ultérieure diminution de l’autonomie des enseignants-chercheurs et d’une augmentation de la transformation de type managériale. Le deuxième point amène à plusieurs nouveaux dispositifs pour identifier encore plus la connaissance avec sa “forme valeur de la connaissance”, c’est à dire comme simple moyen de profit. Le projet de loi introduit à plusieurs reprises une conception totalement utilitariste de la culture et de l’université. La prédominance de la logique de la compétence dans l’enseignement et la logique de l’innovation est fortement affirmée dans plusieurs articles.
Globalement, le projet de loi contient des éléments de violence extrême contre les principes humanistes qui ont fondés l’université et va au delà des réformes de la présidence Sarkozy.

Principales modifications

Le rôle de l’Université est redéfini en termes purement utilitaristes dès les premiers articles ; la connaissance est dorénavant une marchandise qui est échangée sur le marché du travail. Seul les besoins économiques sont désormais contemplés. L’homme n’est vu que dans sa dimension d’“homo economicus”. Cette modification est profonde et encadre toutes les modifications successives.
L’enseignement numérique est introduit pour la première fois. Sa mise en place était même présentée comme obligatoire dans la première version du texte de loi envoyée au CNESER. Dans la version actuelle, la loi demande aux établissements de le rendre disponible si la formation le permet. Il s’agit d’un changement considérable.
De manière cohérente avec le premier point, le transfert de résultats de la recherche vers le monde socio-économique est affirmé en tant que mission de l’Université et de la recherche. Il s’agit d’une étape fondamentale dans le processus de marchandisation et individualisation de la recherche.
La loi prévoit la régionalisation de l’université et de nouvelles étapes dans sa soumission aux intérêts privés. On trouve dans la nouvelle organisation une véritable aliénation du contrôle de l’Université par les pouvoirs extérieurs à l’Université. Dorénavant les personnalités extérieures (en partie venant obligatoirement des entreprises) éliront (sic) les présidents du CA des universités. Ils seront au moins aussi nombreux que les MCF et le double des BIATOS. Les personnalités extérieures pourraient compter pour jusqu’à un tiers du conseil d’administration ! Parallèlement, la Loi préconise une augmentation de l’aspect managérial, du rôle du ministre et des entreprises avec une limitation contextuelle des travailleurs. La construction managériale proposée par cette réforme est bien plus baroque que la précédente.
La professionnalisation de l’enseignement supérieur est soulignée. Les enseignements en alternance (avec les entreprises) sont proposés comme cadre normal pour toute formation.
Les pratiques du new public management sont vigoureusement affirmées. L’évaluation à tous les niveaux est établie comme méthode base pour réorganiser en sens capitaliste l’université : établissements, formations, individus seront tous évalués plus au moins souvent par une agence dont les membres sont nommés. Une place prépondérante est donnée aux politiques (sic) et au secteur privé. La référence aux pratiques internationales est particulièrement préoccupante si on considère l’état avancé de la dénaturation de l’université dans la plupart des pays, notamment anglo-saxons.

Analyse

Le projet de loi présente des changements qui peuvent paraître négligeables mais qui après analyse plus profonde s’avèrent de taille.
La philosophie purement utilitariste est affirmée dès les premiers articles du code de l’éducation et de la recherche, avec l’élimination des derniers restes d’humanisme laissés par l’activité législative passée. Il s’agit d’une métamorphose historique qui encadre l’activité culturelle au sein de la structure présente du néolibéralisme. Par ailleurs, cela montre à quel point ce gouvernement ne diffère pas idéologiquement et donc pratiquement du précédent. La véritable mission du service public de l’enseignement supérieur serait le transfert technologique et l’insertion professionnel.
Le présent projet de loi expulse idéalement des pans entier de la recherche et de l’enseignement du périmètre indiqué des objectifs de l’université, notamment les sciences humaines qui devraient dans un futur disparaître. L’idée fondatrice de l’université, que l’homme puisse se réaliser à travers sa croissance intellectuelle et spirituelle, est définitivement rayée. Les disciplines se voient très fortement limitées dans leur indépendance, car seul ce qui est considéré rentable du point de vue de l’entreprise privée a droit d’exister. La recherche fondamentale et la recherche critique en sciences sociales, par ailleurs déjà malmenées, devraient à terme être éliminées.
La mise en pratique de ce changement est prévue avec un renforcement des pouvoirs du ministère (dès le premier article du code L123-1), et le fait de faire élire le président de l’université directement par des dirigeants d’entreprises. L’aspect démocratique et d’autonomie est fortement réduit en faveur de la “gouvernance”. Dans ce cadre, la réaffirmation du principe d’évaluation continuelle et individuelle apparaît essentielle. Cet aspect, loin d’être anodin, est le bras armé de la transformation de la connaissance dans sa forme valeur. Seul une direction managériale et une norme quantitative est acceptée. “Cette normalisation qui fait comme si la connaissance était une marchandise prépare sa métamorphose en marchandise réelle” (Laval et al 2011). Il ne faut pas oublier ou sous-estimer l’aspect disciplinant de cette pratique. Le fait de préciser jusque dans la loi que la pratique de l’évaluation individuelle est nécessaire, met objectivement les agents dans une position plus subalterne, dans laquelle leur autonomie est minée par les mécanismes de primes/sanctions liés à l’évaluation.

L’introduction du numérique est un changement très important, potentiellement dévastateur. Il amène 3 effets principaux :
Disciplinante individuellement ; les enseignants conscients d’être enregistrés et donc potentiellement contrôlés auront beaucoup moins de liberté dans leurs propres cours. L’attaque à la relative autonomie dans l’enseignement est l’un des piliers de la politique actuelle néolibérale. Les nouvelles technologies pourraient être efficaces dans l’élimination totale de toute forme de critique.
Économique et philosophique ; c’est de cette manière qu’en Angleterre on a vidé les classes. Il n’y aucune envie de dépenser de l’argent pour une activité considérée inutile voir dangereuse comme l’enseignement et la recherche en dehors du cadre très restreint précédemment indiqué, donc il y aura de moins en moins d’enseignants, d’où l’intérêt des cours numériques. L’apport philosophique est aussi important. On peut mesurer à quel point la classe dominante méprise l’université et quel discrédit vise toute forme de liberté de pensée. Le message est : ce qui n’est pas rentable est parasitaire, la culture est parasitaire.
Économique et disciplinante globalement ; Le coût de la mise en ligne de tous les cours pour les rendre accessibles aux étudiants sera important. Étant donné qu’aucun moyen n’est prévu ni sera affecté, les universités se verront encore un peu plus sombrer dans la pénurie. Comme précisé par la lettre de Sarkozy en 2007 et dit clairement par le député M Apparu (UMP), la pénurie, notamment de postes, obligera l’institution à changer. Ce nouveau coup indirect dirigé contre l’Université rendra encore un peu plus soumis et dociles (si possible) les dirigeants d’Université envers le ministère et les changements demandés.
Concernant l’enseignement, outre à préciser la forme et la quantité de la réduction de son autonomie, le présent projet va un peu plus loin dans l’affirmation de la logique de la compétence. Comme précisé au premier article, l’objectif de l’Université est l’employabilité : les formations en alternance (c’est à dire en partie dans une entreprise) sont donc introduites comme façon normale d’organiser les cours et des formations purement technologiques sont conçues (article 611 et suivant). Les étudiants sont dès les études main d’oeuvre (gratuite) pour les entreprises.

Le dernier point est la régionalisation de l’université. C’est un point important mais qui a été discuté de façon approfondie ailleurs (notamment par la FERC-SUP CGT).

Conclusions

Le présent projet de loi représente une nouvelle étape dans la construction d’une nouvelle école capitaliste, superstructure de l’actuel capitalisme financier ou néolibéral. L’esprit qui traverse le projet est le même qui a inspiré le gouvernement précédent et qui constitue la base idéologique de l’Europe (La grande mutation, Bruno, Clément, Laval 2009). La référence à l’Europe est d’ailleurs un des ajouts du présent texte. Le gouvernement et le parti socialiste se montrent encore une fois des acteurs de classe en faveur du capital (F Lordon, blog Le Monde Diplomatique, 12 avril 2012).
Il est important de garder à l’esprit que l’objectif de cette loi est d’aligner l’université à la structure économique dominante et nullement de vouloir améliorer ou réformer progressivement quelques-uns des maux qui affligent certainement l’Université française. A ce propos, l’histoire récente et les études spécialisées ont clairement montré que : autonomie gestionnaire, « managérialisation », évaluation individuelle et soumission aux exigences extérieures n’ont aucun sens dans le champ culturel et amènent inéluctablement à des conséquences néfastes sur l’enseignement et la recherche (voir les œuvres citées et celles de Yves Gingras sur l’évaluation). Qui plus est, la perte d’indépendance dans la recherche et l’enseignement représente un moyen sûr pour faire tarir la recherche de demain (P. Bourdieu, Sciences de la science et réflexivité). Le projet trahit aussi une totale ignorance (ou indifférence) des bases de l’économie politique. L’idée promue que le transfert technologique de la recherche publique aux entreprises privées puisse aider les travailleurs ou leur possibilité d’emploi est totalement fausse. Au contraire, il sera possible de faire payer deux fois les avancées technologiques (d’abord à travers les fonds publics à la recherche et ensuite en tant que procédés brevetés par des privés). Surtout, il a été démontré théoriquement et historiquement que les avancées technologiques ne peuvent être que contre l’emploi et les travailleurs dans le cadre capitaliste actuel (K Marx « Le Capital », Livre I sec IV, VII). En outre, cette idiotie de l’économie du savoir qui a fait les délices de la Commission européenne ne peut avoir qu’un seul effet (celui réellement escompté), de remettre aux individus la responsabilité de se rendre employables, sans jamais parler des causes structurelles qui détruisent l’emploi.

Le projet permet d’envisager le futur du supérieur en France : d’une part le maintien des quelques écoles privilégiées (publiques, privées ou mixtes) qui servent à reproduire les membres de la classe dominante (ENS, Polytechnique, Écoles d’ingénieurs, EHESS, Science-Po) ; d’autre part une université dépourvue de tout moyen financier propre et de toute autonomie dans la formation et dans la recherche. L’université aura le rôle de formation d’une nouvelle classe de manœuvres formés seulement techniquement pour être employés dans les entreprises dans une atmosphère où la soumission au pouvoir, la docilité et la préparation à la flexibilité sont les valeurs bases à intérioriser. La recherche est réduite à sa dimension purement appliquée, le laboratoire deviendra à vocation de recherche industrielle.
Dans ce panorama, la formation universitaire sera de piètre qualité et les étudiants des clients en quête de compétences à dépenser sur le marché de l’emploi. Les conditions de travail des agents seront de plus en plus dégradées avec une sorte de concurrence généralisée, une hiérarchisation accrue et l’augmentation systématique des taches à accomplir.
L’Université en général et la française en particulier a sans doute des défauts, notamment celui d’être depuis beaucoup de temps une institution qui, au moins dans une certaine mesure, participe à l’inégalité, la reproduction de la classe dominante, la manipulation. Cependant, l’Université de demain, imaginée par l’actuelle classe gouvernante et esquissée dans le présent projet n’aura plus de lien avec l’Université telle qu’elle a été conçue à son origine, car l’esprit humaniste qui en est la base aura été totalement dénaturé.

Sergio Chibbaro (Maître de conférences UPMC, FERC-SUP CGT)