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"Les études supérieures, utiles mais longues, et mal adaptées au marché"

"Le Monde", 9 septembre 2008

samedi 13 septembre 2008, par Laurence

Les études supérieures sont-elles un bon investissement ? Pour la première fois, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui compare annuellement les systèmes d’éducation en vigueur dans les pays membres, a calculé les bénéfices économiques de l’allongement des études. Dans l’édition 2008 des "Regards sur l’éducation", publiée mardi 9 septembre, l’OCDE constate que les étudiants "gagnent" globalement à poursuivre leurs études. Cependant, l’obtention d’un diplôme du supérieur est plus ou moins "rentable" selon les pays.

En France, en Allemagne, en Espagne, en Norvège et en Suède, l’investissement est moins attractif que dans d’autres pays. Pour estimer ce taux de "rendement" de l’éducation, l’organisation internationale a pris en compte les coûts (frais de scolarité, manque à gagner pendant la poursuite des études…) et les bénéfices (salaires potentiellement supérieurs, moindre chômage…) résultant de l’allongement de la scolarité.

L’OCDE ne s’est intéressée qu’à l’impact individuel de l’élévation de la formation, laissant de côté les gains pour l’ensemble de la société. Si la France et les pays du nord de l’Europe ont un faible "rendement", c’est en partie en raison d’une fiscalité et de cotisations élevées. Mais pour le cas français, d’autres facteurs entrent en ligne de compte.

Si la performance y est moins bonne qu’ailleurs, c’est aussi parce que les étudiants ont tendance à faire des études plus longues. Un diplômé du supérieur anglais se place sur le marché du travail à l’issue de trois ans d’études supérieures. Son homologue français, lui, le fera à l’issue d’au moins quatre ou cinq années universitaires. Cette durée pèse de façon négative sur la rentabilité des études ; le retour sur investissement est au final plus long.

Comme dans la plupart des pays de l’OCDE, la proportion de jeunes qui achèvent des études supérieures n’a cessé d’augmenter en France : 41 % des 25-34 ans sont maintenant diplômés du supérieur, contre 19 % chez les 45-54 ans.

SALAIRES AU MOINS 40 % PLUS ÉLEVÉS

Pour ces étudiants français, un meilleur niveau d’éducation procure néanmoins un avantage substantiel en termes d’insertion sur le marché du travail. "Plus on a de diplômes, plus les probabilités d’être au chômage se réduisent", explique Eric Charbonnier, chercheur à l’OCDE. Pourtant, en France, l’amélioration du taux d’emploi (le pourcentage de la population active qui a un emploi) est beaucoup plus nette entre ceux qui ont atteint le niveau du secondaire et ceux qui n’ont pas atteint ce niveau, qu’entre les diplômés de fin d’études secondaires et ceux de l’enseignement supérieur.

Les études continuent d’apporter un gain financier : les diplômés français du supérieur perçoivent des salaires au moins 40 % plus élevés que ceux qui n’ont pas atteint la fin du lycée. Mais à l’image de ce qui se passe dans d’autres pays de l’OCDE, ce bénéfice salarial tend à diminuer. Il est plus important chez les diplômés aujourd’hui âgés de 55 ans que chez les plus jeunes.

Il est plus intéressant d’être étudiant puis jeune travailleur en Hongrie, en Pologne et en République tchèque. Dans ces trois pays, un parchemin de fin d’études supérieures entraîne des avantages considérables, car la proportion de diplômés dans la population de 25 à 65 ans y demeure très inférieure (entre 13 % et 18 %) à la moyenne de l’OCDE (27 %). Ceux qui ont poursuivi des études profitent donc de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et peuvent obtenir des salaires bien plus élevés que les employés moins diplômés.

Au Royaume-Uni, malgré des frais de scolarité élevés, le passage par une université demeure aussi un bon investissement. "La sélection à l’entrée y est forte mais, à l’issue de leurs études, les étudiants sont embauchés à des niveaux de salaires intéressants", constatent les experts de l’OCDE.

Malgré les moindres performances de la France, les experts de l’OCDE insistent sur la nécessité d’inciter les jeunes à poursuivre des études après le baccalauréat. Ils estiment que la France doit engager une réflexion sur l’orientation de ses étudiants et sur ses filières. "Il y a un problème d’adéquation entre le marché du travail et les diplômes, estime Eric Charbonnier. La France se caractérise par deux choses : les jeunes sans diplômes ont du mal à trouver un emploi. D’un autre côté, certains obtiennent des diplômes qui ont peu de valeur. Ainsi, on estime que 40 % des titulaires d’un master en sciences humaines sont sous-employés sur le marché du travail."

Catherine Rollot