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La formation des profs au milieu du gué - L’Humanité - 9 juillet 2013

À peine créées, les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation suscitent déjà des interrogations sur la réalité des moyens mis en œuvre et leur application disparate.

samedi 13 juillet 2013

Pièce maîtresse de la loi de la refondation de l’école, la réforme de la formation des enseignants provoque déjà l’inquiétude. Les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espe), qui remplacent les IUFM dès la rentrée 2013, révèlent les concurrences entre les universités et le manque de moyens de l’enseignement supérieur.

Le changement était attendu, alors que les concours d’enseignement attirent de moins en moins de candidats – en mathématiques, seuls 652 ont été admis pour 950 postes, l’an dernier. Pourtant, les Espe, présentées le 1er juillet par Vincent Peillon et Geneviève Fioraso, reviennent peu sur le processus de «  mastérisation  » mis en place en 2009. Un dispositif qui a organisé « le dépeçage des IUFM au profit des universités », rappelle Yvan Moulin, professeur d’EPS et formateur à Grenoble. «  Le fait de sortir du master, la préparation aux concours et la formation professionnelle n’est aujourd’hui pas remis en cause par la nouvelle réforme  », regrette-t-il. Quatre mentions de master «  métiers de l’éducation  » (Meef), liées aux concours, sont créées : premier degré, second degré, encadrement éducatif et ingénierie de la formation. La première année sera consacrée aux concours, avec les écrits en avril et les oraux en juin. La deuxième année verra l’étudiant préparer un mémoire et exercer un mi-temps d’enseignement (9 heures en classe par semaine) comme fonctionnaire stagiaire, ce qui était jusqu’alors le cas en troisième année. «  Ce qui est prévu par les deux ministres tente un compromis intenable sur deux ans entre les systèmes d’avant et d’après 2009  », résume 
le Groupe reconstruire la formation des enseignants (GRFE), réunissant 200 chercheurs et formateurs qui s’étaient opposés aux réformes sarkozystes. «  Avec un stage à mi-temps en complète responsabilité, les lauréats ne pourront que préparer leurs cours du lendemain (…) 
Et donc, ne pourront pas bénéficier d’une authentique formation en alternance  », dénonce 
le groupe dans une lettre 
ouverte à François Hollande.

l’absence de cadrage clair pour les acteurs

«  Le vrai problème, ce n’est pas le fond de la réforme, mais l’absence de cadrage clair qui laisse les acteurs décider au niveau local  », estime Chantal Amade-Escot, professeure en sciences de l’éducation à Toulouse. En Midi-Pyrénées, l’Espe disposera d’un budget, transfuge de l’IUFM, amputé de 25 % pour la rentrée 2013. Dans un contexte d’autonomie financière depuis la LRU, «  les universités se tirent la couverture et chacune a fait de l’Espe sa variable d’ajustement  ». La formatrice regrette surtout «  la baisse les volumes de formation  », de 850 à 750 heures sur la durée du master.

« La cadence de travail imposée est incompatible avec la démocratie et la réflexion », confirme Yvan Moulin, qui s’est vu confier, début juillet, la mise en place du master premier degré à Grenoble. «  On éloigne les acteurs de terrain des lieux de décision. Le conseil d’école de l’Espe comprendra 30 membres, mais seulement 9 directement concernés – 3 étudiants, 3 personnels enseignants et 3 non-enseignants  », le reste étant réparti entre des personnalités extérieures à la formation. Selon le formateur, «  si rien ne change en termes de moyens et d’ambition, les Espe risquent de n’être que des coquilles vides  ».

Benoît Delrue

A lire sur le site de l’Humanité