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Le Snesup écrit à sa ministre - 21 janvier 2014

samedi 25 janvier 2014, par Mariannick

Madame la Ministre,

Le SNESUP-FSU a lancé l’alerte depuis des mois sur la situation très préoccupante des universités : toutes ont été contraintes en 2013 à ponctionner dans leur masse budgétaire en gelant des postes, en réduisant les congés pour recherche, en remerciant des contractuels... afin d’assurer tant bien que mal leurs missions fondamentales de formation et de recherche ; malgré la sévérité des mesures déjà mises en œuvre, le quart des universités a terminé l’année 2013 avec un budget déficitaire.

Face aux cris d’alarme lancés de toutes parts, par les organisations syndicales, au premier rang desquelles le SNESUP-FSU, par les présidents d’universités, par le CNESER, par l’Académie des Sciences, vous avez tout au plus rejeté la responsabilité sur le gouvernement précédent, qui aurait mal accompagné le passage à l’autonomie des établissements...

Face aux situations budgétaires de plus en plus tendues, comme à Montpellier 3, comme à l’Université du Maine, voire dramatiques, comme à l’Université de Versailles Saint Quentin, vous avez tenté de jeter le discrédit sur les directions d’universités, accusées d’incompétence : évaluations erronées de leurs recettes ou de leurs dépenses, choix de gestion inconséquents...

Face au risque accru de multiplication de budgets déficitaires en 2014, vous vous êtes contentée d’annoncer le projet de suppression de la tutelle rectorale et vous avez eu le front d’affirmer la nécessité de mettre en place un cycle de formation pour les équipes de direction des universités...

Face aux situations d’urgence, aux demandes répétées d’ouverture d’un collectif budgétaire et d’une programmation pluriannuelle des moyens, votre réponse a été immuablement celle de la temporisation, à travers les annonces d’aides financières ponctuelles sous forme de prêts, l’envoi de missions d’inspection dans les établissements en difficulté, la révision des critères de répartition du modèle SYMPA...

L’année 2013 s’est terminée, pour la communauté universitaire, par l’annonce d’une ponction supplémentaire de 45 millions (M€) au budget 2014 de la MIRES, pourtant déjà incapable d’assurer ne serait-ce que le maintien des budgets 2013. Dans le même temps, le Crédit Impôt Recherche, que vous avez vivement soutenu, contre tous les rapports concluant à son inefficacité, consommera jusqu’à 6 milliards en 2014.

L’année 2014 s’ouvre sur des situations budgétaires catastrophiques dans de nombreuses universités, dont les budgets prévisionnels vont jusqu’à menacer l’existence de formations, la poursuite de programmes de recherche, et obèrent gravement l’avenir en amplifiant le déficit déjà considérable de recrutements dans la recherche scientifique française.

Deux établissements fort différents en fournissent des exemples révélateurs :

  • à l’Université de Versailles Saint Quentin (UVSQ), les aides ministérielles, annoncées en décembre, n’ont jamais été concrétisées dans le budget 2014 ; le 14 janvier, le CA a voté un budget en déséquilibre de 7 M€, malgré la prise en compte de mesures drastiques pour épargner 4 M€ ; le recteur conditionne maintenant à la programmation de nouvelles économies, un hypothétique accompagnement de l’État pour arriver à un budget en équilibre dans un mois. Jusqu’où ira cette course folle à l’austérité ? Comment pouvons-nous accepter que vous mainteniez les personnels et les étudiants de l’UVSQ dans une telle incertitude sur l’avenir de leur université ?
  • à l’Université de Strasbourg (UdS), le 13 janvier, la direction de l’université a informé les élus du conseil d’administration d’une décision de diminution de 20% des crédits affectés aux services, composantes et laboratoires de l’université. Cette décision est présentée comme la conséquence de la dotation d’État dont le montant est inférieur de 3,8 M€ à celui qui a été inscrit au budget primitif 2014 adopté le 17 décembre par le CA. Quoi qu’il en soit de l’éventuelle responsabilité du président de l’UdS qui a, semble-t-il, présenté, en connaissance de cause, un budget insincère à son CA en décembre, c’est celle du ministère qui est posée et de la pression insupportable qu’il exerce sur les établissements, par l’attribution de budgets notoirement insuffisants.

Face au risque de cessation de paiement et d’activité des universités, dont témoignent ces deux situations, et dont les exemples vont, à n’en pas douter, se multiplier dans les semaines à venir, le SNESUP-FSU vous demande solennellement que soient prises de toute urgence les dispositions suivantes :

  • la mise en place d’un collectif budgétaire pour 2014 accompagné de la remise en cause du Crédit Impôt Recherche afin de dégager des ressources immédiates pour les universités, correspondant à la réalité des besoins indispensables pour assurer leurs missions de service public ;
  • un fléchage des budgets permettant de garantir les formations de 1er cycle sur la base d’un cadrage national des diplômes (contenu, taux d’encadrement, volume horaires) ;
  • la mise en œuvre des réformes de structure permettant le retour de la gestion de la masse salariale par l’administration centrale et la sortie de la spirale d’appauvrissement des établissements engendrée par le désengagement de l’État inscrit dans les Responsabilités et Compétences Élargies.

Après le mépris de la situation des 54 000 enseignants – chercheurs, qu’a témoigné votre absence répétée à la réunion du CTU sur le décret statutaire, l’absence de réponse à nos demandes ne pourra être interprétée que comme un désintérêt manifeste pour la situation des 1,5 millions d’étudiants des universités.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre profond attachement au Service Public d’Enseignement Supérieur et de Recherche.

Claudine Kahane - Marc Neveu
Co-secrétaires généraux