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Deux articles du Monde sur la peste brune à l’université - 8 & 9 mars 2014

dimanche 9 mars 2014

Recrudescence d’incidents homophobes ou racistes sur les campus.

Isabelle Rey-Lefebvre, 8 mars (abonnés), à lire ici.

Les organisations étudiantes, UNEF et FAGE en tête, le constatent depuis la rentrée universitaire : les campus sont de plus en plus souvent la cible d’actions d’intimidation de groupuscules d’extrême droite, tags racistes, homophobes, nationalistes et parfois même coups de poings.

Jeudi 20 février, jour d’élection à l’université Lyon-III, François Billy, sympathisant de l’UNEF, tracte avec un camarade : « Il était 17 heures quand on a vu un groupe de sept hommes et trois femmes habillés en noir, blousons de cuir et rangers, et se réclamant du GUD , s’en prendre à nos tracts. J’ai eu le malheur de dire que ce n’était “pas très intelligent” et je me suis pris un coup de casque de moto sur la tête. J’ai eu le réflexe de me protéger avec la main. » La troupe disparaît avant que le service de sécurité n’arrive et François Billy s’en tire avec un hématome à la main. Il a déposé plainte et la vidéosurveillance permettra peut-être d’identifier les agresseurs.

Le 27 février, sur les réseaux sociaux, apparaît une caricature représentant un gros rat (emblème du GUD) qui tabasse, avec un casque, un étudiant, ainsi légendée : « Face à l’UNEF, ayez le bon réflexe. » En réponse, le syndicat étudiant a déposé une nouvelle plainte, à Paris, pour incitation à la haine.

« UN ACTE ANTIRÉPUBLICAIN »

Les étudiants de l’université de Dijon ont découvert, mardi 4 mars, sur le mur extérieur de l’établissement, deux tags d’une même main : « Vive la France » et « A mort LGBT » (pour lesbien, gay, bi et trans). Le président de l’université de Bourgogne, Alain Bonnin, a dénoncé sur son compte Twitter un « acte antirépublicain ».

L’incident n’est pas isolé : en novembre 2013, une statue du campus était vandalisée avec le slogan « Hollande démission » signé « ONLR » pour « On ne lâche rien », mot d’ordre des partisans de la Manif pour tous. «  Les manifs anti-mariage pour tous ont donné des ailes à ces extrémistes », juge Jean-Baptiste Bourdillon, de l’UNEF Dijon.

Et le phénomène s’étend : les murs de l’université Toulouse-I Capitole et de divers locaux ciblés (association locale LGBT, siège du NPA) ont, le 19 février, été recouverts de croix gammées, de croix celtiques – symbole repris par plusieurs groupuscules d’extrême droite – et de sigles OAS, du nom de l’organisation clandestine terroriste qui milita pour l’Algérie française. Le forfait s’est produit durant le week-end : « Je suis persuadé qu’il ne s’agit pas d’étudiants de chez nous », affirme le président de l’université, Bruno Sire.

INCIDENTS À ANGERS, POITIERS, BORDEAUX, RENNES

A Strasbourg, le 9 février, on pouvait lire, sur les murs de la bibliothèque de l’université « Alsace nationaliste » et « La France aux Français », assorties d’une fleur de lys stylisée, symbole du Renouveau français, mouvement se disant « pour la renaissance nationale ». « Ce n’est qu’un incident d’une longue série, et ils vont crescendo », témoigne Flavie Linard, présidente de l’UNEF Strasbourg, qui se souvient des tags « A mort les socialistes », des autocollants et affiches siglés GUD ou encore des distributions de journaux Action universitaire française. « On ne voit jamais les fauteurs de troubles, ce qui me conduit à penser qu’il s’agit d’éléments extérieurs », confirme l’étudiante, à l’origine, avec d’autres associations, d’un comité de vigilance.

« Un sale climat s’installe aussi à Clermont-Ferrand », juge Pauline Maximi, militante de l’UNEF. Un drame a même été évité de justesse, le 17 janvier, lors du concert organisé par Réseau universitaire sans frontières (RUSF), en soutien à une famille arménienne expulsée. Un skinhead, Kevin Pioche, a tiré des coups de feu, faisant deux blessés légers. Il a été, depuis, condamné à deux ans de prison ferme. Mais les militants UNEF et RUSF se sentent toujours menacés, puisque, début février, les murs de la faculté de lettres ont été graffités de slogans « Europe jeunesse génération » et « Pasaran quand même », référence au régime franquiste.

Angers, Poitiers, Bordeaux, Orléans, Nantes, Rennes ont aussi eu leurs lots d’incidents. « Tous ces groupuscules d’extrême droite se structurent et sont de plus en plus visibles », juge Julien Blanchet, président de la FAGE, qui tient désormais une minutieuse comptabilité de leurs manifestations.


Le FN crée un collectif étudiant pour s’implanter sur les campus.

Nathalie Brafman, 9 mars, à lire là.

Le Front national s’est doté, samedi 8 mars, d’un « think tank » [1] étudiant. Baptisée Collectif Marianne, cette nouvelle structure associative, associée au Rassemblement Bleu Marine, est le pendant du Collectif Racine lancé en octobre 2013 pour les enseignants. Ce collectif entend défendre la « méritocratie » et dénonce « la massification de l’enseignement supérieur » productrice de « dépréciation de la valeur des diplômes ». «  Les détenteurs d’une licence, d’un master ou même d’un doctorat peinent toujours davantage pour trouver un travail. Cette situation ne sera à terme plus tenable », peut-on lire dans le texte fondateur.

Pour autant, le Collectif Marianne, qui demande une cotisation de 10 euros, n’entend pas être un syndicat étudiant. « Nous n’allons pas faire de militantisme ou tracter dans les établissements. Nous voulons être une plateforme de réflexion et de proposition pour la jeunesse. Nous n’avons pas vocation, comme les militants de l’UNEF pour le Parti socialiste à être les futurs cadres du Front national », indique son président, David Masson-Weyl, étudiant en master 1 en droit à Paris-II Assas et en histoire à Paris IV Sorbonne, qui se dit souverainiste. Ce dernier espère séduire rapidement plusieurs centaines d’étudiants grâce à un site Internet et aux réseaux sociaux.

ÉVEILLER « LES CONSCIENCES FACE À LA DÉPOLITISATION »

L’objectif de ce collectif : s’implanter dans les grandes écoles et les universités pour éveiller « les consciences face à la dépolitisation ». David Masson-Weyl a ainsi donné quelques exemples de l’engagement des étudiants vis-à-vis du syndicalisme universitaire : « Université de Bourgogne : 26 711 inscrits, 4 410 votants ; Nanterre (Paris X) : 32 457 inscrits, 3 257 votants et enfin Lyon II : 28 828 inscrits, 2 363 votants. Les faits sont là ! Ils sont peu reluisants. »

Pour Sylvain Crépon, sociologue et chercheur à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense (Paris X), la démarche du FN est tout à fait compréhensible : « Pour un parti qui s’est lancé dans une stratégie de dédiabolisation et qui est avide de normalisation, pénétrer dans l’université est tout à fait logique. »

Le Collectif Marianne veut peser sur tous les grands sujets qui concernent la vie étudiante : la santé ou encore les bourses. S’il s’oppose fermement à la massification de l’enseignement supérieur, il n’est pas forcément pour une sélection à l’entrée. « Une année de propédeutique pourrait permettre de savoir qui peut aller ou non à l’université. On peut réfléchir à une sélection au fur et à mesure ou à des programmes d’accompagnement », déclare David Masson-Weyl. Ce qui existe déjà, il faut le dire, dans de nombreuses universités.

« UNE TELLE INITIATIVE PEUT PRENDRE », SELON M. REYNIÉ

Sur le volet des étudiants étrangers, le président du collectif Marianne, qui reconnaît avoir eu la chance d’étudier six mois au Japon, estime qu’il « n’est pas possible d’accueillir tous les étudiants étrangers qui voudraient venir en France. Il faut que l’on accueille les meilleurs ou ceux qui en tireraient le plus grand bénéfice ».

Marine Le Pen venue en marraine a salué « l’initiative de cette jeunesse française qui entend se battre pied à pied pour retrouver sa souveraineté perdue ». La présidente du Front national a attaqué Geneviève Fioraso, la ministre de l’enseignement supérieur, qui « ne tarit pas d’éloges pour tout ce qui dépasse nos frontières. Elle ne cesse de dire qu’une Silicon Valley à la française est possible, grand bien lui fasse ! Pourquoi aller chercher à l’autre bout du monde l’inspiration qui vous manque ? », a-t-elle lancé, critiquant au passage le projet Paris Saclay, projet phare du Grand Paris qui regroupera grandes écoles, université, organismes de recherche et entreprises… « Mais avec la présence de Danone ou de Kraft Foods, la recherche sera-t-elle indépendante ? », s’est interrogée Marine Le Pen. Elle s’en est aussi pris à la volonté de la France d’être présente dans les Mooc, ces cours en ligne massivement ouverts, mais porteurs d’une « déshumanisation totale des savoirs ».

Reste à savoir si les idées du Front national séduiront la jeunesse étudiante jusque-là plutôt réticente ? « On avait une surreprésentation du FN chez les jeunes non diplômés. Mais on constate aujourd’hui une présence forte chez les jeunes mal diplômés ou diplômés mais qui ont le sentiment d’être déclassés. Une telle initiative peut prendre dans un pays fermé à l’ouverture aux nouvelles générations et aux entrants dans le système », estime Dominique Reynié.

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[1Un sink tank ? un stink tank ??? (note de SLU)