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HCERES : une réforme floue, anti-démocratique et dirigée contre les personnels - Communiqué SupAutonome-FO, 6 juin 2014

vendredi 6 juin 2014

Depuis la conférence de Berlin, début 2002, la France, alors dirigée par le gouvernement Jospin, s’est engagée à mettre en place, comme les autres pays européens, une agence indépendante d’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche. De cet alignement sur la norme européenne date la mise en place de l’AERES, au début de 2007, à l’initiative du gouvernement Villepin et sous le ministère Goulard. L’on en connaît le coût exorbitant (à la création, 147 emplois à plein temps, contre 19 à 23 pour la MSTP qui l’a précédée, primes considérables du président, des directeurs et délégués de section, explosion des frais de missions), le rendement très faible (bureaucratisation, évolution vers une fonction d’évaluation des procédures d’évaluation des EPST et des universités, repli du dispositif d’évaluation sur le seul MESR) et l’absence de transparence (choix des membres de son conseil et de ses experts, dans une très large mesure « proposés » par la CPU et les organisations « amies » du ministère).

Le 27 mai dernier, le ministère a présenté aux syndicats son projet de décret relatif au Haut conseil de l’évaluation, de la recherche de l’enseignement supérieur (HCERES). Censé se substituer à l’AERES, à nouveau sous la forme d’une « Autorité indépendante », ce « Haut Conseil » non seulement en reconduit tous les défauts, mais encore les aggrave. Il s’agit d’une réforme bâclée, fondée sur un simulacre de concertation. Elle s’inspire du rapport Pumain-Dardel, mais, censé s’appuyer sur la consultation de toutes les organisations syndicales représentatives, ce rapport n’a pris l’avis que de quelques-unes ; à l’exception de toutes les autres. Pire, le projet de décret, pourtant rédigé dès février, de l’aveu même de l’administration, alors que Madame Fioraso était encore ministre, n’a été soumis à notre réflexion que courant mai.

Bâclée, cette réforme est floue, le texte du décret ne faisant que reprendre l’essentiel de la loi ESR de juillet 2013 sans en éclairer les dispositions (incertitude quant à la reconduction des trois sections antérieures), tout en laissant clairement entrevoir l’annexion du CNU par le « Haut Conseil ».

Bâclée et floue, la réforme apparaît aussi largement cosmétique. L’HCERES demeurera au moins aussi coûteux et bureaucratique, surtout si on lui annexe, comme le préconise le décret, l’Observatoire des Sciences et Techniques (OST). Elle sera plus inefficace encore avec l’abandon en réalité de tout contrôle externe des équipes et des formations au profit d’une simple certification des procédures d’évaluation selon le vœu de la CPU. Après la substitution de l’accréditation à l’habilitation des formations, une nouvelle étape s’engage au profit des présidents, de leurs directeurs généraux des services et de leurs conseils d’administration.

Bâclée, floue et cosmétique, la réforme est aussi anti-démocratique. Cette « autorité administrative indépendante », comme la précédente, verra ses membres nommés par le gouvernement, dont certains seulement parmi des personnes proposées par des instances élues, au mépris du principe de l’évaluation par des pairs majoritairement élus, qui préside notamment au fonctionnement du CNU. Ce « Haut conseil » fonctionnera avec des règles de déontologie quasi inexistantes : les « experts » pourront toujours examiner le fonctionnement d’un laboratoire dont ils ont fait partie récemment, ou qui est dirigé par un membre de leur famille…

Enfin, la réforme constitue une atteinte frontale aux droits des personnels. Nul doute que l’attaque implicite contre le CNU précède une nouvelle tentative de remise en cause du décret statutaire chèrement acquis en 2009. Il s’agit aussi, à travers l’accélération de la mise en place des COMUE, de précipiter le désengagement de l’État. Nulle part, le décret ne fait référence à la pseudo-stratégie nationale mise en avant dans la loi ESR. En revanche, il insiste sur le fait que le véritable rôle du « Haut Conseil » sera, dans le cadre de la calamiteuse régionalisation issue de la loi Fioraso, de veiller à ce que les fusions, communautés et autres regroupements régionaux d’universités aient des conséquences également sur les équipes de recherche qui subiront le même sort que les formations : mutualisations, réductions des moyens pour toutes, disparition pure et simple pour certaines.

Avec le « Haut conseil » prévu par la loi Fioraso rien ne change, si ce n’est le nom de l’instance. Même opacité, même absence de déontologie, même mépris de la démocratie universitaire. Pour l’Université, pour l’Enseignement Supérieur, le démantèlement c’est maintenant. Du démembrement de l’État, nous entrons maintenant dans sa phase de dépérissement, voire de dissolution.