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Précarité : un nouveau scandale à l’Inserm ? Sylvestre Huet {Sciences2} Libération, 8 juillet 2014

mardi 8 juillet 2014, par Hélène

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En mars dernier, le tribunal administratif de Nantes condamnait l’Inserm à embaucher sur CDI une ingénieure qui cumulait 11 années de CDD dans l’un de ses laboratoires. Une affaire similaire se profile, avec le refus de la direction de l’Inserm de cédéiser un chercheur qui a cumulé plus de 7 ans de CDD à l’Institut de Myologie, installé sur le site de la Pitié-Salpêtrière, dans un laboratoire mixte de l’Inserm, l’université Pierre et Marie Curie (UPMC), le CNRS et l’AIM (association créée par l’AFM-téléthon).

Lors du procès, l’avocat de l’Inserm avait plaidé que l’ingénieure avait eu plusieurs employeurs différents durant ces 11 années, ce qui est exact (Association de recherche du Centre hospitalier universitaire, l’Inserm, le CHU et le CNRS), mais pour un même travail. Or, le gouvernement a publié une circulaire signée de trois ministres sur ce sujet. Elle stipule que les CDD avec multi-employeurs doivent être considérés comme les CDD uni-employeur dans le cas de la loi Sauvadet qui prévoit une requalification en CDI après six ans de CDD.

Le nouveau cas est donc très similaire. Il concerne Cyril Catelain dont j’avais cité l’exemple dans l’article publié par Libération le vendredi 13 juin. Un cas tout à fait représentatif de milliers de jeunes scientifiques, dupés les politiques gouvernementales. Embauchés sur des CDD à répétition, comme chercheurs post-doctorants, ingénieurs ou techniciens, ils sont aujourd’hui mis à la porte... pour être remplacés par d’autres précaires. Un gachis humain et scientifique, contre lequel, malgré des déclarations compatissantes tant du gouvernement que des députés de la majorité depuis 2012, rien de sérieux n’a été entrepris.

L’affaire Cyril Catelain prend un tour nouveau, avec appel à la justice, comme en témoigne le communiqué syndical que je reproduis ci-dessous :


Viré après 7 ans de CDD : l’Inserm se mettra-t-elle de nouveau hors-la-loi ?

Cyril Catelain est depuis 7 ans et 3 mois chercheur à l’Institut de Myologie sur le site de la Pitié-Salpêtrière, dans un laboratoire sous cotutelle de l’Inserm, l’université Pierre et Marie Curie (UPMC), le CNRS et l’AIM (association créée par l’AFM-téléthon). Ses travaux portent sur les maladies cardiaques et aboutiront en fin d’année au dépôt d’un brevet en médecine régénératrice cardiaque à partir de cellules tirées d’autres muscles. Une avancée qui pourrait servir aussi pour les myopathies. Sauf que Cyril est arrivé à la fin de son dernier contrat de travail. Il a été employé avec des CDD financés pendant presque 4 ans par l’Inserm, puis 2 ans par l’université Pierre et Marie Curie, et enfin un an et demi par l’AFM pour rédiger une demande de brevet européen. L’AFM n’a pas reconduit son contrat après le 30 juin dernier, laissant ses recherches prometteuses au milieu du gué et surtout le laissant sur le carreau après plus de 7 ans d’investissement dans son travail.

La loi oblige tout employeur public à faire bénéficier d’un CDI un agent ayant plus de 6 ans de CDD cumulés. L’Inserm étant dans ce cas, l’employeur de fait, doit attribuer un CDI à Cyril. L’Inserm a déjà été condamnée pour refus injustifié de CDIsation depuis le recours d’une collègue à Nantes qui était soutenue par le SNTRS-CGT et qui a eu un écho médiatique important. Il faut aussi souligner la responsabilité de l’AFM, tout comme celle de l’UPMC. Le stratagème consistant à faire passer les salariés par des associations de droit privé telles que l’AIM pour contourner le droit public n’est pas admissible.

Le SNTRS-CGT et la FERC Sup CGT de l’UPMC ont accompagné Cyril a un rendez-vous le 27 juin dernier avec les DRH de l’UPMC et de l’Inserm, suite à l’envoi d’un courrier de son avocat mettant en demeure l’Inserm de faire bénéficier Cyril dès le 1er juillet d’un CDI. Lors de cette réunion la déléguée régionale de l’Inserm a feint de ne pas avoir eu connaissance du courrier de l’avocat, mais s’est engagée à donner une réponse le plus rapidement possible sur cette demande de CDIsation. Cinq jours plus tard elle nous a annoncé que la réponse était reportée. Elle interviendrait dans le délai réglementaire de deux mois, ce qui d’expérience laisse à craindre un refus de l’Inserm et contraindrait Cyril à un recours au Tribunal Administratif. Le comportement de l’Inserm, employeur de fait, mais aussi celui de l’UPMC et de l’AIM, sont intolérables dans cette affaire. Il est scandaleux de laisser sur le carreau un chercheur après plus de 7 ans de recherche au sein du même laboratoire et de ne rien lui proposer.

On peut, de plus, se demander si les personnes qui financent ces recherches par leurs dons au Téléthon seraient aussi généreuses si elles connaissaient la précarité des salariés qui les mettent en œuvre. Il est inacceptable qu’un organisme public comme l’Inserm se permette de tout faire pour contourner la loi et ne pas CDIser les salariés ayant l’ancienneté requise. Cette situation est malheureusement emblématique de la situation des précaires dans la recherche, qu’ils soient chercheurs, ingénieurs, techniciens ou administratifs, que l’employeur soit l’Inserm, le CNRS ou une université.

Le SNTRS-CGT et la FERC Sup CGT de l’UPMC appellent l’ensemble des précaires à faire valoir collectivement leurs droits, et les titulaires à les soutenir.

Paris, le 8 juillet 2014