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L’Académie des sciences tacle Hollande - Sylvestre Huet, Sciences2, Libération, 9 octobre 2014

jeudi 9 octobre 2014, par Hélène

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L’Académie des sciences ne prend pas son vélo pour rejoindre les cortèges de Sciences en marche qui convergent vers Paris, mais presque. La vénérable assemblée vient en effet de s’exprimer de manière très polie, style oblige, mais très ferme sur la politique de recherche du gouvernement. Sous la forme d’un message envoyé le 7 octobre au Président de la République, François Hollande, au Premier ministre, Manuel Valls, et aux membres du gouvernement concernés par le sujet, Najat Vallaud Belkacem et Geneviève Fioraso, ainsi qu’au président et au vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques. Et le message est clair : ça ne va pas.

« Redéfinition du périmètre du Crédit d’impôt recherche ».

Le contenu général est sans ambiguïté : le gouvernement doit changer de politique. Sur plusieurs points précis, l’Académie rejoint les analyses et demandes du mouvement « Sciences en marche ». En particulier sur l’embauche de jeunes scientifiques et la situation de précarité trop longue qui décourage des « brillants éléments » et sur le moyen de financer les laboratoires par la « redéfinition du périmètre du Crédit d’impôt recherche ». Sur ce point, on attend les députés de gauche courageux qui sauront proposer à l’Assemblée nationale les amendements nécessaires et utiles.

La communication « Inquiétudes dans les laboratoires de recherche », présentée en intégralité ci-dessous a été votée à l’unanimité par le Comité restreint de l’Académie des sciences le 30 septembre dernier. Ce Comité réuni le bureau de l’Académie (le Président Philippe Taquet, le Vice-président Bernard Meunier et les Secrétaires perpétuels : Catherine Bréchignac et Jean-François Bach), deux membres élus de la Commission administrative, le délégué aux relations internationales, les 9 délégués de section et 9 membres élus en Comité secret (le nom délicieusement suranné qui désigne… l’Assemblée générale, ou plénière, des membres de l’Académie).

Des députés de gauche courageux

Cette unanimité ruine l’argumentaire gouvernemental sur le soutien que sa politique récolterait dans les laboratoires et le caractère minoritaire de la contestation animée par Sciences en marche. Au-delà des divergences politiques, les scientifiques de toutes disciplines et de toutes catégories partagent l’analyse selon laquelle la politique actuelle dégrade la capacité de recherche du pays et met en cause son développement nécessaire.

Alors que les cortèges de Sciences en marche partis de Marseille et Aix, Montpellier, Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Strasbourg, Lyon et Nantes convergent vers Paris pour un rassemblement devant l’Assemblée nationale le 17 octobre, cette déclaration de l’Académie des sciences donne un visage nouveau à cette contestation. Un visage plus pondéré, moins… effervescent, mais susceptible de convaincre les députés de gauche, majoritaires à l’Assemblée, d’agir sur ce terrain pour obtenir du gouvernement un infléchissement de sa politique.


Communication à la presse Paris, le 8 octobre 2014

Inquiétudes dans les laboratoires de recherche

« L’Académie des sciences rappelle la nécessité impérieuse du maintien d’une recherche fondamentale de haut niveau dans notre pays, recherche souvent à l’origine des plus grandes découvertes et des applications les plus importantes. L’Académie avait déjà souligné de nombreux points de faiblesse de la recherche française actuelle dans son rapport de septembre 2012, puis dans son communiqué de décembre 2013 avait manifesté son inquiétude face à la diminution des crédits de base des laboratoires de recherche publics.

La situation ne fait hélas que s’aggraver. De nombreux laboratoires se débattent pour survivre dans un environnement défavorable et un contexte international de plus en plus compétitif. La très forte diminution des crédits de l’Agence nationale de la recherche affecte sévèrement les « projets blancs » et tarit une source essentielle de financement des chercheurs qui s’engagent dans des recherches originales. Le taux de rejet important lors des appels d’offres laisse sans espoir de très nombreux chercheurs. La sélection favorise trop souvent les thèmes de recherche « à la mode », laissant de nombreuses équipes de haut niveau à l’écart.

La longue période entre le doctorat et l’embauche dans une structure de recherche (financée par des contrats-relais dont la gestion est aggravée par des mesures administratives inutilement contraignantes) conduit de plus en plus de brillants éléments à quitter la recherche ou même le pays, ceux-là mêmes qui auraient dû prendre la relève dans la décennie qui vient, après avoir reçu une formation payée par les impôts de tous. La France commence à perdre les meilleurs talents des nouvelles générations, jeunes chercheurs, le sang neuf des laboratoires, mais aussi décourage des chercheurs confirmés assurant l’introduction de nouveaux thèmes. Les mesures de simplification de la gestion de la recherche recommandées et attendues n’ont pas été mises en place, ni dans la vie quotidienne des laboratoires, ni dans les méthodes d’évaluation. L’Agence pour l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur semble avoir seulement changé de nom.

Dans cette période de difficultés économiques et budgétaires, l’Académie est bien consciente que les efforts ne peuvent passer que par des solutions originales, mettant en jeu la créativité de tous, afin de retrouver les marges de manœuvre dans le fonctionnement de la recherche, sans augmentation notable du budget global, y compris en sachant transgresser les résistances. L’Académie est prête à faire des propositions. En particulier, une partie du crédit-impôt-recherche, servant actuellement de soutien à des secteurs éloignés de la recherche scientifique et de l’innovation, pourrait être redirigée vers les besoins réels des laboratoires tout en continuant à soutenir les jeunes entreprises innovantes. Une redéfinition du périmètre du crédit-impôt recherche permettrait de mieux dynamiser la recherche et l’innovation.

Faute de changements rapides, il ne sera possible que de préserver quelques îlots de très haut niveau, dont la communauté sera très fière, mais qui ne permettront pas d’assurer l’avenir de notre recherche et sa traduction technologique et industrielle. »