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Licence modulable, « contrat pédagogique » : vers une université soumise aux intérêts privés - Maly Drazkami, "Révolution permanente", 31 octobre 2017

mercredi 24 janvier 2018, par Laurence

Le gouvernement a récemment dévoilé son projet concernant l’Enseignement Supérieur. Entre autres mesures en germe dans ce « Plan Étudiants », une licence modulable et un « contrat pédagogique » qui auront comme effet immédiat d’empêcher les jeunes issus des milieux les plus défavorisés de poursuivre leurs études.

Le gouvernement publiait ce lundi son « Plan Étudiants » -. Un de ses projets pour l’université : « une licence transformée, personnalisée et modulable (+ ou – 3 ans) qui prendra mieux en compte leur parcours et leurs aspirations et qui pourra être plus professionnalisante  ». Sous ces mots édulcorés se cache la casse de l’université telle qu’on la connaît et qui restait, en théorie, « ouverte à tous ».

Des licences « modulables »

Derrière le terme de licence « modulable » se dessine la possibilité de choisir différentes UE (unités d’enseignements) ou « modules ». Les parcours-types par discipline seraient remplacés par une série d’UE et de modules que l’étudiant pourrait choisir selon, en théorie, ses affinités ou son projet. Dans les faits, cela risque très fortement de remplacer une licence où le savoir délivré est assez approfondi et permet d’avoir un diplôme reconnu par d’autres universités, par une série de compétences très spécifiques correspondant pour beaucoup aux besoins du patronat. Exit, donc, l’idée que l’université devrait permettre à chacun d’accéder à un savoir critique.

Ce type de licence très « ouverte » où il existe donc des UE équivalentes dans d’autres domaines est la porte ouverte à la réorientation d’étudiants vers des matières sans aucune cohérence avec leur projet initial. Au vu des faibles capacités d’accueil de certaines disciplines (phénomène engendré notamment par la baisse des moyens alloués par l’État aux universités et le faible subventionnement des filières jugées non rentables), il sera tout à fait possible que l’étudiant, n’ayant pas le choix, doive se diriger vers des UE ayant une plus grande capacité d’accueil ou étant tout simplement en manque d’effectifs, pour remplir son année.

Cette « modularité » doit permettre aux enseignements d’être adaptés au profil et aux besoins des étudiants, les licences pouvant être validées en 2, 3 ou 4 ans selon le niveau de l’étudiant. Si les modalités restent encore très floues, ce qui est certain c’est que l’obtention d’un diplôme en quatre ans sera destinée aux étudiants les moins « performants », c’est-à-dire les étudiants obligés de travailler à côté de leurs études, et issus le plus souvent des classes populaires.

Et ce qui n’est pas dit dans le « Plan Étudiants » mais qui est présent dans le rapport du think tank Terra Nova, qui a fortement inspiré le gouvernement, c’est la question des modalités de validation des modules. Aujourd’hui le système de compensation permet aux étudiants de faire la moyenne de toutes leurs UE pour valider leur semestre. Dans le projet de Terra Nova, chaque module doit être validé individuellement pour pouvoir accéder au module supérieur. On imagine aisément que plus le nombre de modules validés est grand au cours d’une année, plus la valeur du diplôme est grande. Un moyen efficace de faire le tri entre les étudiants issus de milieux aisés qui peuvent financer leurs études sans travailler et les autres, qui bénéficieront, au mieux, de diplômes au rabais, au pire seront poussés vers la sortie. Un moyen de laisser la sélection sociale s’opérer de fait.

Un « contrat de réussite pédagogique », soit la sélection partout, tout le temps

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