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La réforme de l’accès à l’université… ou la revanche d’Alain Devaquet - Hugo Melchior, The Conversation, 30 janvier 2018
jeudi 1er février 2018, par
Hommage à Alain #Devaquet qui avait eu raison trop tôt. Fier à posteriori d’avoir soutenu son projet de réforme de l’université en 1986... http://www.ina.fr/video/CAB86033911 …
Tweet de Luc Chatel, ancien ministre de l’Éducation nationale du Président de la République Nicolas Sarkozy entre 2009 et 2012.
Dimanche 21 janvier 2018, on apprenait le décès à 75 ans d’Alain Devaquet, ancien ministre du gouvernement Chirac, après une longue maladie. Son nom restera associé à une réforme structurelle de l’enseignement supérieur qui cherchait à modifier, notamment, les conditions d’accès au premier cycle universitaire par l’introduction d’une forme de sélection. Une réforme universitaire dont l’application fut étouffée dans l’œuf par l’exceptionnelle mobilisation des lycéens et des étudiants à l’automne 1986 ; moment d’exception politique qui continue à occuper une place incontournable dans l’histoire des mouvements étudiants et lycéens en France.
Le système Parcoursup, comme un écho…
Ironie de l’histoire, l’annonce de sa mort intervint à la vielle du lancement de Parcoursup, c’est-à-dire « la plate-forme nationale d’admission en première année des formations de l’enseignement supérieur ». Celle-ci succède au système APB pour l’orientation post-baccalauréat. Chaque candidat (lycéen en terminale, apprenti, étudiant en réorientation interne ou externe) est invité à saisir en ligne jusqu’à dix vœux de formation maximum, sans les hiérarchiser.
S’inscrivant dans la continuité des réformes Pécresse (2007) et Fioraso (2013) qui visaient à offrir une plus grande autonomie aux établissements universitaires, sa mise en place a été rendue possible par l’arrêté du 19 janvier 2018, avant même l’adoption définitive par le Parlement du projet de loi relatif à « l’orientation et à la réussite des étudiants » dont la plateforme d’admission en ligne correspond à l’article 1.
Or, la philosophie générale de cette réforme semble faire échos à celle portée, il y a plus de trente ans, par l’ancien ministre Alain Devaquet. En effet, en dépit des dénégations répétées de Frédéric Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, et du premier ministre, Édouard Phillipe, cette réforme consacre l’extension du principe de sélection à l’entrée des filières universitaires demeurées jusqu’alors non sélectives, et la remise en cause du droit à un accès libre, sans avis ni recommandation, pour tous les néo-bacheliers désireux de les intégrer.
1986 ou « l’alternance dans l’alternance »
En 1986, Alain Devaquet a 43 ans. Agrégé de chimie, professeur à Polytechnique et admirateur de Jacques Chirac, il a commencé en 1977 une carrière politique au sein du RPR formation gaulliste fondée le 5 décembre 1976. Député de Paris en 1978, il est nommé, le 21 mars 1986, délégué auprès du ministre de l’Éducation nationale chargé de la recherche et de l’enseignement supérieur au lendemain de la victoire électorale des droites rassemblées sur une plate-forme commune signée, le 16 janvier 1986, par Jacques Chirac, président du RPR, et Jean Lecanuet, président de l’UDF.
Le préambule de la « plate-forme gouverner ensemble » proclamait la nécessité de rompre « avec le dirigisme » de la majorité socialiste sortante, en imposant ou en restaurant, par la médiation de l’État interventionniste, la norme de la concurrence dans de nombreux secteurs, tout en actant l’irréversibilité de certaines réformes emblématiques mises en œuvres par les gauches entre 1981 et 1986 (l’abolition de la peine de mort, la 5e semaine de congés payés ou encore l’abaissement de l’âge légal de départ de la retraite à 60 ans).
Les droites obtenaient de justesse une majorité absolue à l’Assemblée nationale au détriment des gauches à l’issue des élections législatives du 16 mars 1986. Le contexte politique de cette année 1986 fut inédit sur le plan institutionnel avec la première cohabitation : Le Président socialiste François Mitterrand nommait Jacques Chirac comme premier ministre.
Faire des études pour tenter de conjurer le spectre du chômage endémique
La rentrée universitaire 1986 marqua le début de la deuxième période de croissance intense des effectifs de l’Université française où le nombre d’étudiants passa de 1 400 000 à la rentrée 1987 à 2 100 000 à la rentrée 1995. Néanmoins, bien qu’elle se soit massifiée et démocratisée depuis le début des années 1960, l’Université française disposait toujours dans les années 1980 d’une structure sociale particulièrement inégalitaire, faisant d’elle encore un privilège inaccessible pour la grande majorité des jeunes issus de la classe ouvrière. En 1985, ces derniers ne représentaient que 13 % des effectifs globaux à l’Université (même si c’était trois fois plus qu’en 1960), alors que dans le même temps les enfants ayant des parents exerçant une profession libérale ou étant cadres supérieurs continuaient à représenter plus de 30 % des effectifs comme en 1960.
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