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Thomas Piketty : « Parcoursup : peut mieux faire »- Le Monde Idées, 10 février 2018

samedi 10 février 2018, par Laurence

Dans sa chronique au « Monde », l’économiste exprime certaines réserves sur la mise en œuvre de la nouvelle plate-forme d’inscription post-bac.

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Chronique. Chaque société a besoin d’un grand récit pour justifier ses inégalités. Dans les sociétés contemporaines, il s’agit du récit méritocratique : l’inégalité moderne est juste, car elle découle d’un processus librement choisi où chacun a les mêmes chances. Le problème est qu’il existe un gouffre béant entre les proclamations méritocratiques officielles et la réalité.

Aux Etats-Unis, les chances d’accès à l’enseignement supérieur sont presque entièrement déterminées par le revenu des parents : elles sont d’à peine 20 % pour les 10 % les plus pauvres, et dépassent 90 % pour les 10 % les plus riches. Encore faut-il préciser qu’il ne s’agit pas du tout du même enseignement supérieur dans les deux cas. Il est possible que les choses soient un peu moins extrêmes en France. Mais en vérité on ne sait pas très bien, car il est impossible d’accéder aux mêmes données.
Au-delà de la question des moyens, la prise en compte des notes doit impérativement être tempérée par d’autres critères, ce qui pose des questions de fond non résolues à ce jour. La loi adoptée en première lecture à l’Assemblée prévoit que soit fixé pour chaque filière – dans les universités comme dans les prépas – un pourcentage minimal de bacheliers boursiers.

Autrement dit, pour de mêmes notes, un bachelier boursier (environ 20 % des lycéens) pourra être accepté, et un autre dont le revenu parental est légèrement au-dessus du seuil sera refusé. L’idée n’est pas forcément mauvaise en soi, même s’il aurait sans doute été préférable, pour limiter les effets de seuil, d’utiliser un système à points Dans un tel contexte, la réforme du système d’affectation des étudiants, avec le passage de la plateforme APB à Parcoursup, est potentiellement pleine de promesses. Malheureusement, il est à craindre que tout cela ne fasse que renforcer l’inégalité et l’opacité du système. Précisons d’emblée que la prise en compte des notes, des séries et du dossier scolaire dans les admissions universitaires (principale nouveauté de Parcoursup) n’est pas forcément une mauvaise chose en soi.

A partir du moment où les notes sont prises en compte depuis toujours pour les admissions en classes préparatoires (dans le cadre d’APB comme de Parcoursup), ce que personne ne semble remettre en cause, on voit mal pourquoi elles ne joueraient aucun rôle pour les universités. Certes, les notes ne sont pas toujours justes, et le système de notation lui-même doit être repensé. Mais elles contiennent tout de même un peu d’information utile, a priori davantage que le tirage au sort utilisé jusqu’ici (espérons).

Limiter les effets de seuil

Pour contrer le risque évident de dérive inégalitaire et d’hyper-stratification universitaire d’un tel système, deux conditions doivent toutefois être remplies. Il faut d’abord que les moyens investis permettent à chaque bachelier d’avoir accès à une formation de qualité. C’est d’autant plus urgent que le système français se caractérise par un dualisme particulièrement extrême et hypocrite : d’un côté, des filières sélectives richement dotées (classes préparatoires et grandes écoles), et de l’autre, des universités laissées à l’abandon, et dans lesquelles il faudrait investir massivement.

Malheureusement, le gouvernement a choisi de prolonger la chute de l’investissement public observé depuis 2008, et de consacrer toutes les marges disponibles pour réduire les impôts des plus aisés. Rappelons que le budget par étudiant a baissé de 10 % en dix ans, et que les 5 milliards d’euros de cadeaux aux plus riches auraient permis de l’augmenter de 40 % prenant en compte de façon plus continue et graduelle les origines familiales (comme cela se pratique déjà dans certaines universités indiennes).

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