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"J’arrête car nous crevons de ne pas arrêter" - Lettre d’Alexis Blanchet, MCF à la présidence de Paris 3, 30 avril 2018

lundi 30 avril 2018, par Mariannick

A la suite de l’intervention policière de cette nuit sur le site de Censier de l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, je me déclare en grève administrative et pédagogique illimitée.

À lire ici. (en lien dans le Monde Campus du 30 avril)
Monsieur le Président,
Monsieur le Président du Conseil Académique, cher Laurent,
Madame la Vice-Présidente à la CFVU, chère Sandrine
Cher Jamil, chère Kira nuit sur le site de Censier de l’université Paris ,
Cher Laurent, chère Barbara,
Chers et chères collègues du département CAV,

A la suite de l’intervention policière de cette nuit sur le site de Censier de l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, je me déclare en grève administrative et pédagogique illimitée.

Je n’assure donc plus dès à présent mes charges administratives (direction du master CAV) et pédagogiques (organisation du partiel de 257 inscrits en V4MA03 et suivi des 14 étudiants de master sous direction, organisation des sessions de rattrapage). Je me concentre dès lors sur mes activités de recherche totalement interrompues depuis 4 ans, c’est-à-dire depuis ma prise de fonction à la tête du master CAV (cf. CV en ligne à jour).

A cet instant, je ne réponds ni aux mails, ni au téléphone, je n’organise pas la session de recrutement 2018-2019 en master CAV (eCandidat et Campus France), je n’organise pas le calendrier de soutenance des M2 (1ère session) et M1 (session unique), j’arrête la poursuite du travail sur les maquettes 2019-2023, je ne convoque pas le conseil de perfectionnement 2018, je ne convoque pas les jurys d’examen de master dont j’assure la présidence, je ne communique pas à l’école doctorale le classement des étudiants de M2 en vue de l’obtention d’une allocation de recherche. Enfin, je ne participerai de quelque manière que ce soit à la sélection des étudiants de L1 pour la rentrée 2018-2019 dans notre département.

J’arrête car nous crevons de ne pas arrêter.

La loi ORE et le dispositif ParcourSup ont fini d’épuiser ma bonne volonté et ma conscience professionnelle. L’intervention policière de cette nuit est le geste de trop. J’assiste depuis 14 ans maintenant (et depuis 21 ans si je compte mes années d’études universitaires) à une destruction programmée, lente mais résolue du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La question centrale, essentielle, est celle du projet d’université que nous voulons défendre.

Pour ma part, je ne veux plus
- voir mon temps d’enseignement et de recherche totalement submergé par des charges administratives toujours augmentées et étouffantes,
- devoir prendre sur mes semaines de vacances pour me libérer du vrai temps de recherche, dans la durée, entre le 1er et le 25 août,
- ne pas voir mes enfants grandir,
- voir notre secrétaire administrative du master, dont je salue le professionnalisme et le souci constant du service aux usagers, suppléer l’absence de personnels au secrétariat de la L1/L2 et de la L3 CAV. Avec 320 étudiant•e•s inscrit•e•s en master CAV, la gestion des recrutements d’avril à septembre, la gestion des régularisations tout au long de l’année, la tâche qui lui incombe justifierait amplement un•e secrétaire adjoint•e,
- voir ma santé comme celle des collègues se dégrader : je n’ai jamais observé tant d’arrêts maladie, de burn-out, de surmenages, de nécessité à "lever le pied" que ces sept dernières années à Paris 3,
- travailler dans des lieux où la maintenance des équipements d’enseignement (vidéo projecteurs, micros) n’est pas assurée,
- perdre du temps et de l’énergie à combattre des projets coûteux et éloignés de nos éco-systèmes locaux à échelle humaine, comme celui de la fusion de triste mémoire,
- constater que nos expressions démocratiques (consultation des composantes, motions, motions votées en CAC ou CFVU, messages d’alerte de nos responsables de composantes...) ne sont jamais prises en compte par nos instances dirigeantes élues pourtant pour nous représenter,

J’arrête parce le système ne fonctionne que sur le souci profond du service public des agents que nous sommes toutes et tous, personnel administratif et enseignant.

Ma demande est donc simple, basique :
- une réaffirmation totale d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche,
- une refondation immédiate de l’université qui passe par un refinancement complet de ses structures à hauteur des enjeux,
- une réaffirmation des missions premières - les seules - des enseignants-chercheurs, et particulièrement des MCF : enseignement et recherche,
- une revalorisation de nos salaires passant par un dégel et une ré-évaluation du point d’indice.

J’arrête parce que je décide de ne plus participer en petit soldat zélé de la gestion administrative à cette mécanique mortifère de destruction d’un des plus beaux atouts de notre nation.

Respectueusement,

Alexis Blanchet
Maître de conférences (71e section du CNU)
Directeur du master Cinéma et Audiovisuel
Département Cinéma et Audiovisuel
Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel (Ircav)
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Centre Censier
13, rue de Santeuil - Bureau 213 - 75005 PARIS
Twitter : @AlexisBlanchet