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Plus rien à craindre ? Communiqué de SLU, 29 janvier 2020

mercredi 29 janvier 2020, par par PCS (Puissante Cellule Site !)

L’article des Echos publié le 22 janvier 2020 ainsi que les récentes déclarations de Frédérique Vidal permettent de se faire une idée de la stratégie du gouvernement pour tenter d’enrayer le mouvement d’opposition à la LPPR qui s’est fortement étendu dans l’enseignement supérieur et la recherche.

Elle consiste tout d’abord à jouer sur le calendrier. Alors qu’une présentation au conseil des ministres était prévue mi-février, celle-ci serait repoussée courant avril et le vote final n’interviendrait pas en juin mais en octobre. L’allongement de ce calendrier permet de miser sur un essoufflement de la contestation.

Elle passe ensuite par des annonces visant à rassurer la communauté universitaire en indiquant que certaines des mesures préconisées dans les rapports préliminaires ne figureront pas dans la loi : la suppression du référentiel des 192h équivalent TD et la fusion des corps de maîtres de conférences et de professeurs. Des mesures sont en outre annoncées : maintien du nombre de titulaires, revalorisation des primes et du salaire à l’entrée de carrière, une enveloppe de 120 millions d’euros étant affectée à ces fins.

Ces annonces ne répondent pourtant pas aux contestations de fond exprimées par les multiples motions et actions de la communauté universitaire. Non officielles, elles ne garantissent en rien l’absence de ces mesures dans le projet de loi ni, surtout, qu’elles ne reviendront pas sous forme d’amendements pendant l’examen de la LPPR au Parlement.

Surtout, elles ne répondent en rien à la volonté d’un changement véritable de politique en matière d’enseignement supérieur et de recherche :

- un rapide calcul montre que les annonces conduiront en moyenne à une revalorisation salariale sous forme de primes de 37€ par mois… Pas de quoi hurler de joie d’autant que rien n’est dit sur la reconduction annuelle des 92 millions d’euros annoncés ni sur leur répartition parmi les personnels de l’ESR ; pour rappel, le rapport de la LPPR consacré à l’attractivité des métiers chiffre à 2,41 milliards par an la somme nécessaire à la revalorisation des carrières.

- ces montants ne peuvent décemment être tenus pour les « compensations financières » liées à la destruction des retraites de la fonction publique ; celles-ci ne sont toujours pas chiffrées et rien ne garantit qu’elles le seront bientôt puisque le conseil d’État juge inconstitutionnel de les faire figurer dans la LPPR ;

- de même l’annonce par la ministre d’un meilleur salaire à l’entrée de carrière surévalue le gain concédé puisque peu de jeunes collègues commencent au 1er échelon de la carrière ;

- aucune annonce n’a été faite dans le sens d’une revalorisation des allocations doctorales ni de l’augmentation de leur nombre, alors que ce sont des mesures cruciales pour l’attractivité et la pérennité de nos métiers ;

- rappelons que, depuis le passage aux RCE (les fameuses « compétences élargies »), la masse salariale est gérée par les universités. Celles-ci ne sont nullement tenues de pourvoir les postes de titulaire ouverts par le ministère. Elles sont même le plus souvent contraintes de ne pas le faire en raison de leur manque de moyens. Rien ne vient donc garantir le maintien du nombre de titulaires que la ministre ne peut promettre, puisqu’elle n’est pas décisionnaire en matière de postes ;

- et ce d’autant plus que les principales mesures voulues par la CPU – tenure-track et CDI de chantier – permettront de recourir davantage à des contractuels avec un triple avantage : coûter moins cher que les titulaires pour l’enseignement en licence, permettre au contraire de donner beaucoup d’argent à quelques « stars » que l’on entend attirer, assurer une plus grande souplesse dans les orientations de la recherche et de l’enseignement dans une université. La fusion des corps de maîtres de conférences et de professeurs n’est pas nécessaire puisque les universités pourront s’orienter elle-même, pour des raisons financières et de politique de la recherche, vers une diminution progressive du corps des maîtres de conférences remplacés par des contractuels aux salaires variables suivant la discipline et la concurrence exercée par le marché privé des emplois ;

- de même la modulation de service existe déjà en grande partie pour « nécessités de service », soit par pression de la hiérarchie sur les enseignants-chercheurs, soit par conscience professionnelle de ces derniers qui tiennent à assurer l’enseignement à leurs étudiants ;

- enfin, rien n’est dit des points cruciaux que sont l’orientation autoritaire de la politique de recherche placée sous la houlette du premier ministre, de la priorité accordée à la recherche sur projet à finalité technologique et/ou industrielle, du rôle du HCERES (que restera-t-il du CNU si les pouvoirs du premier sont augmentés, comme nous l’analysons, de la mise en place d’une évaluation managériale déterminant l’allocation des moyens à tous les niveaux ainsi que les salaires et les carrières des enseignants-chercheurs et des chercheurs.

C’est ce système terrible qui détruit le sens de nos métiers depuis plus de dix ans. Les annonces de la ministre ne sauraient dissimuler la politique, voulue par le ministère et par la CPU, de démantèlement des structures et des statuts garanties d’une université indépendante, tournée vers le service public, de la production et de la diffusion des savoirs à l’écart des pressions des pouvoirs politiques et économiques.

Sauvons l’Université !