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Un peu de lecture pour ce soir, Messieurs ?, par Ixchel Delaporte, L’Humanité 26 février 2009

jeudi 26 février 2009

Universités. Après une série d’actions auprès du public pour expliquer leurs revendications, profs et étudiants manifestent aujourd’hui. Reportage.

A l’entrée du Forum des Halles, un touriste belge s’enthousiasme au passage d’une quarantaine d’étudiants et de professeurs d’université. Il prend le tract qu’une étudiante lui tend : « C’est pour quoi ? » Elle lui répond qu’ils sont là pour alerter sur les dangers des réformes de l’université. Un bref dialogue s’installe. Le touriste enchaîne : « Chez nous, c’est déjà le cas. En Belgique, les droits d’inscription sont très chers. L’université, c’est pas démocratique ». L’étudiante l’invite à la manifestation nationale du jeudi 26 février.

Le petit groupe s’est constitué de l’autre côté de la Seine, sur la place de la Sorbonne. Leur objectif de la journée : diffuser l’information au plus grand nombre pour expliquer les raisons du mouvement. « On s’aperçoit que les gens sont peu au courant ou qu’ils n’ont pas saisi nos revendications. D’où l’utilité des diffusions de tracts. En général, l’accueil est bienveillant. Et, quand on creuse, c’est la colère contre le gouvernement qui s’exprime », note Kyan enseignant-chercheur en Physique à Paris 7.

A la hauteur du Pont Saint-Michel, les policiers font barrage. Une universitaire les interpelle : « Un peu de lecture pour ce soir messieurs ? C’est pour l’avenir de vos enfants aussi, c’est pas pour emmerder le monde... ». Les policiers, munis de petites caméras, refusent de laisser passer le groupe, invectivant et tutoyant des étudiants qui bloquent le carrefour. Après quelques minutes de tension, le petit attroupement muni d’une banderole se faufile dans le RER pour rejoindre Châtelet-les-Halles. Sur le chemin, les slogans sont clairs : « S’il y a un poste à supprimer, celui de Pécresse c’est le premier ! » Référence s’il en fallait à l’intervention de la ministre le matin même sur les ondes de France Inter, qui affirmait notamment à propos de la mastérisation : « c’est une bonne réforme, et tout le monde le dit » ou encore « tout le monde est pour l’autonomie ».

Tout le monde sauf... les étudiants, les enseignants-chercheurs, les personnels administratifs, les formateurs IUFM, les enseignants du primaire et du secondaire. Avec un grand sourire, Marion étudiante en licence de lettres et de philosophie à Paris 3 et Paris I, prend le temps de la discussion avec ceux qui acceptent de s’arrêter : « On essaie de nouer le dialogue même si ce n’est pas simple. On est là pour les informer ». Mais tous ne tombent pas sur des passants acquis à leur cause. Certains s’énervent° : « Vous êtes des privilégiés, vous travaillez que 16 heures par semaine. Moi je travaille 16 heures par jour ». Sibylle, professeur de linguistique à Paris 7, garde son calme : « Je vise essentiellement les personnes âgées. Le but, c’est de convaincre du bien-fondé de notre grève. Il faut déconstruire le discours des médias basé sur l’idée que les enseignants-chercheurs refusent d’être évalués ». Une vielle dame s’arrête devant la banderole : « Je n’ai plus l’âge d’aller à l’université mais je pense que vous avez raison de défendre le service public ».

La détermination est intacte, voire même renforcée par les propos matinaux de Pécresse. Ses réponses généralistes et son obstination face à un mouvement qui enfle n’ont fait que redoubler la colère. « Elle a été insupportable, elle a encore irrité plein de gens à force de dire des contre-vérités », lâche Kyan. Au bout de quatre semaines, Valérie Pécresse n’a qu’un mot à la bouche : « le dialogue ». Avec qui et sur quelles bases ? Sur Inter, elle annonce une réunion avec les syndicats, prévue demain sur la philosophie du nouveau décret sur le statut des universitaires. Le Snesup a décliné l’invitation estimant qu’une « simple réunion technique » ne correspond pas aux « revendications exprimées par la mobilisation et par le Snesup ». Quant à l’UNEF, principal syndicat étudiant, il appelle à maintenir la pression, estimant que « par son attitude, le gouvernement porte la responsabilité des tensions actuelles dans les universités ». A bon entendeur...