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"Pratiquement toutes les universités vont avoir leur école d’ingénieurs", Entretien avec Bernard Remaud, président de la Commission des titres d’ingénieur, Le Monde, 1er mars 2011

jeudi 3 mars 2011

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Les formations scientifiques ont du mal à recruter des jeunes. Pourquoi ?

Les formations scientifiques universitaires, notamment les masters recherche, sont particulièrement touchées mais nombreuses sont aussi les écoles d’ingénieurs qui ne remplissent que 80% de leurs places. C’est un problème mondial. Dès qu’un pays émerge, on constate toujours que ses jeunes se tournent vers le droit ou la gestion et se détournent des sciences. De plus, nous devons composer en France avec un bac scientifique qui est en réalité un bac d’excellence et que beaucoup choisissent pour faire tout autre chose que des sciences ensuite. Heureusement, nous avons entrepris depuis quelques années d’élargir notre recrutement à des profils différents de ceux des prépas, plus ancrés dans la pratique, que sont les élèves de DUT, voire de BTS, sans parler des universitaires que nous recrutons après la licence. Enfin, la montée en puissance de l’apprentissage ouvre nos portes à un plus large public. Songez que 165 des 500 diplômes délivrés par les écoles accréditées sont aujourd’hui ouverts en apprentissage.

Comment vivez-vous les prises de position de l’Aeres (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), de Jean-Jacques Pomerol, président de l’université Paris 6 ou de l’Institut Montaigne qui tous demandent une réforme des cursus d’ingénieurs ?

Toutes ces prises de position ne disent pas la même chose mais vont en tout cas dans le même sens : comment faire des ingénieurs des fers de lance de l’innovation dans un pays dont on dit souvent qu’elle en manque ? C’est un débat dans lequel nous sommes présents et ces prises de position ont encore permis de remettre une impulsion à ce que nous demandons aux écoles. J’ajoute qu’il ne faut pas réduire l’innovation à la technique. Facebook ou Google sont bien plus des innovations dans les systèmes d’information que de la recherche au sens classique du terme. On attend beaucoup des ingénieurs et c’est bien ainsi mais l’innovation est un effort collectif.

Vous êtes le créateur du réseau d’écoles d’ingénieurs universitaires Polytech qui a connu un important développement ces dernières années. Comment expliquez-vous ce succès ?

Au-delà des Polytech, pratiquement toutes les universités scientifiques vont bientôt avoir leur propre école d’ingénieurs. En tout cas la quasi-totalité a déposé des dossiers ou des lettres d’intention auprès de nous. C’est pour les universités le moyen de délivrer une formation très bien reconnue et cadrée. Quant aux étudiants, cela leur donne l’occasion d’intégrer des formations d’ingénieur sans passer par les prépas dans le cadre de cycles préparatoires intégrés, ce qui convient mieux à certains profils d’étudiants, le recrutement par les prépas restant globalement majoritaire (près de 50% des élèves ingénieurs).

Une école d’ingénieurs peut donc s’épanouir dans une université ?

Oui, si les universités savent leur donner l’autonomie dont elles ont besoin pour se développer. Celles qui feraient le choix d’un fonctionnement trop centralisateur, dans le cadre de l’autonomie dont elles bénéficient aujourd’hui, vont à l’encontre de ce que nous attendons d’une école que nous habilitons à remettre le diplôme d’ingénieur. La question de la gouvernance est d’ailleurs centrale : avec 50% d’intervenants extérieurs dans leurs conseils d’administration, les écoles d’ingénieur sont bien plus proches des universités américaines dans leur fonctionnement, que ne le sont les universités françaises.

A votre sens, le modèle français des écoles d’ingénieurs a donc finalement le vent en poupe ?

En tout cas, il intéresse beaucoup d’universitaires dans le monde entier. Comme à Pékin où Centrale a su s’implanter ou en Belgique où nous accréditons certaines écoles. Actuellement plus de 3000 étudiants d’universités étrangères obtiennent notre titre d’ingénieur, et la demande est fortement croissante. La force de notre modèle c’est aussi de donner une part importante aux langues et aux sciences économiques et humaines. Nous exigeons un niveau minimum en anglais et 70% des élèves ingénieurs font aujourd’hui un séjour à l’étranger.

Cet article est issus du hors série du Monde "Le Guide des masters et MBA" . Propos recueillis par Olivier Rollot