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« Croire qu’on vient étudier en France pour ensuite retourner chez nous, c’est ridicule » - M. Piquemal, Libération, 21 octobre 2011

lundi 24 octobre 2011

Ils viennent de terminer leurs études en France. Fraîchement diplômés donc, la plupart sortent de l’université ou de grandes écoles (Polytechnique, Sciences-Po, les Ponts et Chaussées...) Ils ont un CV en béton et ont dégoté sans trop de difficultés un emploi. De jeunes cerveaux qualifiés et motivés, que demander de plus ? Seul hic, ils sont étrangers.

Le 31 mai dernier, les préfets ont en effet reçu l’ordre d’examiner avec « plus de rigueur » les demandes d’autorisations de travail, rappelant l’objectif d’« une diminution du flux » des étrangers vivant sur le sol français.

Avant cette circulaire signée par les ministres Claude Guéant (Intérieur) et Xavier Bertrand (Travail), les conditions pour passer du statut d’étudiant étranger à celui de salarié étaient déjà ardues : une liste de documents à fournir longue comme le bras, des ressources à justifier, une visite médicale et l’obligation pour l’employeur de s’acquitter d’une taxe (pouvant aller jusqu’à 3 000 euros). « La procédure était contraignante. Mais une fois toutes les pièces réunies, au bout de trois semaines - un mois maximum -, on obtenait une autorisation de travail. Aujourd’hui, depuis cette circulaire, même si on respecte la procédure et tous les critères, on n’a aucune garantie que cela aboutisse. Il y a de plus en plus de refus. Et l’administration met trois-quatre mois avant de répondre. On nous maintient dans une précarité voulue », dénonce Fatma Chouaieb, porte-parole du collectif du 31-mai. Ce mouvement s’est mis sur pied spontanément à la fin de l’été via Facebook.

Entre 6 000 et 10 000 jeunes étrangers décrochent chaque année un diplôme en France et se retrouvent potentiellement dans cette situation. Mi-septembre, les représentants des universités et des grandes écoles se sont inquiétés d’une interprétation trop stricte de cette circulaire. La semaine dernière, Claude Guéant a refusé de la retirer, souhaitant juste qu’elle soit appliquée « avec discernement ». La Conférence des grandes écoles (CGE) a apporté mardi au ministère de l’Intérieur 150 dossiers refusés. Certaines situations ont été débloquées, comme celle de cet ingénieur libanais à Lyon. D’autres jeunes n’ont pas cette chance. Voici deux témoignages.
« La France ne sait pas apprécier les talents »

Maile, 31 ans, américaine : « J’ai un double diplôme Sciences-Po - Columbia University de journaliste. J’avais décroché un contrat à l’Agence France Presse (AFP) comme éditrice photo et un mi-temps de professeur à l’école de journalisme du Celsa (Sorbonne). Il ne me manquait que les autorisations administratives. Comme pour tous les papiers en France, c’est toujours complexe et un peu long. La préfecture a quand même mis sept semaines avant de me répondre : un courrier m’indiquant que ma demande était refusée. Je n’ai plus le droit de rester sur le territoire français. Pas de possibilité de recours, ni rien. L’AFP a annulé mon contrat et mes étudiants se sont retrouvés sans prof. J’ai dû tout abandonner. Là, je suis en train de faire mes cartons, je m’en vais.

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