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« Les facs ont besoin d’autonomie financière » - Challenges, 2 avril 2009

vendredi 3 avril 2009

MARC GONTARD. Ce Breton de 62 ans dirige l’université de Rennes II (sciences humaines), bastion des mouvements étudiants. Après l’organisation d’un référendum approuvant la reprise des cours, il a dû affronter les blocages des récalcitrants. Ancré à gauche, il dit apprécier l’action de la ministre Valérie Pécresse, malgré quelques critiques.

Challenges. Comment expliquez-vous la poursuite du blocage des facs ?

Marc Gontard. La plupart des demandes adressées au gouvernement ont été satisfaites, il n’y a plus de raison de continuer le conflit. A Rennes, le pourrissement de la situation est le fait de groupes autonomes venus bloquer les campus, d’anarchistes qui entraînent les étudiants d’extrême gauche. Du côté des enseignants-chercheurs, une frange du syndicat Snesup - dont la direction - s’est aussi radicalisée. Certains ne parlent même plus de la loi Pécresse, mais remettent en cause la société actuelle et veulent abattre le capitalisme.

L’année universitaire est-elle en péril ?

On a perdu cinq semaines de travail, mais le cursus peut encore être bouclé le 3 juillet, si les cours reprennent normalement. A Rennes II, nous avons préparé un calendrier de rattrapage, avec des compléments informatiques et des cours supplémentaires le soir et le week-end.

La fronde était-elle justifiée, selon vous ?

Les réformes du gouvernement vont dans le bon sens, mais ont été préparées dans la précipitation et sans réelle concertation. En particulier, le décret sur le concours des enseignants du primaire et du secondaire créait un master exigeant à la fois des stages pratiques et un mémoire de recherche, avec l’obligation de prévoir des débouchés pour ceux qui échoueraient. C’était demander l’impossible ! De même, imposer des heures d’enseignement aux universitaires qui ne font pas assez de recherche constitue un changement culturel trop brutal et tend à dévaloriser l’activité d’enseignement. Le reste de l’opposition relève, pour une bonne part, de fantasmes sur la prétendue toute-puissance des présidents de fac.

Le gouvernement, en fi n de compte, n’a-t-il pas trop reculé ?

La réforme introduit l’évaluation des enseignants-chercheurs tous les quatre ans, c’est un acquis important. Mais le ministère a trop reculé sur les compétences des conseils d’administration et des présidents en redonnant un rôle majeur à une instance nationale [le Conseil national des universités] en matière d’évaluation et de promotion des enseignants-chercheurs. Si l’on veut progresser vers l’autonomie, les présidents et leur conseil doivent détenir plus de prérogatives.

Les plus radicaux réclament l’abrogation de la loi sur l’autonomie, votée en 2007. Pourquoi avez-vous soutenu cette loi ?

Elle suscite des inquiétudes que je partage : la possibilité de recruter des enseignants sous contrat privé risque de créer un système à deux vitesses et de remettre en cause le statut de la fonction publique dans les universités ; la recherche de rentabilité pourrait pénaliser certaines « petites » filières. Mais, d’un autre côté, la réforme tente de redonner réactivité et souplesse à l’université française, qui en a besoin. L’autonomie budgétaire va permettre aux facs, selon leurs objectifs, d’allouer des moyens supplémentaires à la recherche ou à l’insertion professionnelle des étudiants.

David Bensoussan


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