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Casse-pipe à l’Éducation Nationale - par zébulonne, "Chronique d’abonnés", Le Monde.fr, 6 juin 2010

lundi 7 juin 2010

Tout le monde le sait dans l’éducation nationale, la réforme de la formation des enseignants, applicable en septembre 2010, sera source de graves dysfonctionnements.

Les professeurs en place font savoir dans leur majorité à leurs inspections qu’ils ne souhaitent pas accueillir de stagiaires dans ces conditions ahurissantes. Les chefs d’établissement et inspections sont placés devant un casse-tête insoluble, mais le ministre s’entête : de fait, il tient à placer les futurs enseignants directement à plein temps devant des classes l’an prochain et tente de le faire par tous les moyens, puisqu’il faut que cette réforme, qui permet de supprimer d’un coup des milliers de postes, passe. Coûte que coûte...

Entrée pour ma part dans la grande maison il y a onze ans, j’ai bénéficié de conditions de départ nettement plus favorables : 4 à 6h de cours en responsabilité et une formation parallèle à l’IUFM, certes inégale, mais qui avait le mérite d’exister et de constituer un temps de respiration et de réflexion indispensable.

Et pourtant mes débuts ont été très difficiles : problèmes de mise en place d’une autorité sereine, énormes difficultés à construire un cours adapté aux élèves que je découvrais, sentiment de grave incompétence, envie permanente de démissionner.

Je passais alors environ 6h pour élaborer une heure de cours, dont je sortais de surcroît presque toujours déçue. Il m’a fallu 4 ou 5 ans pour élaborer une pratique apaisée et moins chronophage, car l’enseignement reste un artisanat intellectuel, dans lequel chaque enseignant doit trouver ses marques pour construire sa propre pratique.

Que vont pouvoir faire nos futurs collègues qui vont directement devoir assumer un temps plein ? Je le dis, en pesant mes mots, on envoie ainsi les plus fragiles d’entre eux à la démission, à la dépression voire au suicide. Puisse l’avenir me démentir...

Qu’adviendra-t-il aussi des élèves de ceux qui ne pourront affronter la pression et la charge de travail ou de ceux qui feront un travail de piètre qualité, faute de temps et de recul ?

Ce n’est pas le problème du ministère, qui fait la sourde oreille à toutes les alertes.

Mais c’est le problème de tous : professeurs, parents et élèves.


Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/opinions/chro...