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La mixité sociale à l’école : une affaire de famille ?, Elise Tenret, La Vie des Idées, à propos d’un numéro d’Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 14 avril 2010

mardi 6 juillet 2010

Analyser les processus de ségrégation scolaire demeure un objet de recherche majeur à l’heure où de plus en plus de voix dénoncent l’absence de mixité sociale. Le dernier numéro des Actes de la recherche en sciences sociales propose des études empiriques nouvelles sur la production de la ségrégation scolaire, ainsi qu’une réflexion inédite sur l’articulation entre la notion de ségrégation et celle de reproduction sociale.

Recensé : « École ségrégative, école reproductive », Actes de la recherche en sciences sociales, décembre 2009, n° 180.

Si la ségrégation et la reproduction sociale à l’école sont des problématiques relativement classiques en sociologie de l’éducation, le dernier numéro des Actes de la recherche en sciences sociales renouvelle la réflexion dans ce domaine en se penchant sur la façon dont peuvent s’articuler ces deux notions. Apparus en France dans les années 1980, à une époque de massification de l’enseignement et de diversification de l’offre éducative, les travaux sociologiques portant sur la disparité des contextes de scolarisation se voulaient initialement une alternative à l’approche très « unifiée » du système scolaire proposé dans la Reproduction par Bourdieu et Passeron en 1970. Or, dans ce numéro, comme l’annoncent dans l’introduction Choukri Ben Ayed et Frank Poupeau, l’approche territoriale n’est pas considérée comme un concurrent du modèle de la reproduction mais plutôt comme une modalité permettant de le décliner.

Une autre originalité de ce numéro réside dans l’analyse en amont des processus de ségrégation, dont on sait, depuis les travaux sur les effets de contexte, qu’elle affecte ensuite la réussite scolaire des élèves par l’intermédiaire des « effets-établissements » et des « effets-classes » [1]. Les différentes contributions présentent ainsi des éléments empiriques permettant d’entrouvrir la « boîte noire » de la ségrégation, en portant l’attention non pas sur les caractéristiques institutionnelles de l’offre scolaire mais sur les acteurs qui, à l’extérieur de l’école, opèrent ou valident ces choix, à savoir les familles et les acteurs académiques.

En se concentrant sur la fabrication, en coulisses, de la ségrégation scolaire, ces recherches suggèrent les nouveaux leviers qui permettraient aux politiques d’agir en faveur de la mixité. En effet, en la matière, les outils font plutôt défaut, comme le montre Choukri Ben Ayed dans l’article qui ouvre ce numéro. Dressant un historique instructif des politiques éducatives en faveur de la mixité sociale, l’auteur constate notamment que l’accent mis par les pouvoirs publics sur la lutte contre les ségrégations scolaires, à partir des années 1990, contraste avec la faiblesse des instruments institutionnels pour la mettre en œuvre. La carte scolaire, seule capable, faute d’autre moyen, de garantir une certaine mixité sociale, constitue selon l’auteur un instrument imparfait, d’une part parce qu’elle peut dans certains cas entériner les ségrégations urbaines, d’autre part parce qu’elle a, très tôt, été assouplie.

Les études répétées sur les effets inégalitaires des mesures d’assouplissement n’ont pourtant pas empêché que la carte scolaire devienne, lors notamment des débats pour l’élection présidentielle de 2007, la cible privilégiée des défenseurs de la mixité, à droite comme à gauche. Sa suppression, prévue à partir de 2010, en permettant le libre choix de l’école, a ainsi été présentée comme une solution en vue d’assurer la mixité sociale dans les établissements. Cette mesure trahit le passage d’un État technocratique à un retrait de l’État (article Denis Laforgue dans ce numéro) : dans le premier cas, l’État est vu comme ayant une mission de réduction des inégalités sociales, tandis que dans le second cas, les acteurs sociaux comme les familles sont désignées comme « responsables du destin scolaire de leur enfant » et, indirectement, comme la clé de la mixité sociale. Qu’en est-il réellement ? Comment anticiper les choix scolaires des parents dans un contexte de libre choix ?

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