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Le Conseil constitutionnel valide le nouveau recrutement des universitaires - Louise Fessard, Mediapart, 6 août 2010

samedi 7 août 2010

Presque trois ans après la promulgation de la loi sur les libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007, le Conseil constitutionnel vient de confirmer, le 6 août, la constitutionnalité de cette loi LRU, fondation de la réforme du système universitaire menée par Nicolas Sarkozy. Il a notamment décidé que le nouveau dispositif de recrutement des enseignants-chercheurs et la réforme de leur statut en 2009, qui avait fait descendre les universitaires dans la rue, ne remettaient pas en cause le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs.

C’est à l’initiative de deux collectifs d’enseignants-chercheurs que le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat de deux questions prioritaires de constitutionnalité, une nouvelle procédure permettant à des particuliers de contester une loi à l’occasion d’un procès. Ces collectifs soulevaient notamment la question des nouvelles modalités de recrutement des enseignants-chercheurs, autrefois cooptés par leurs pairs appartenant à la même discipline et au même rang. La loi LRU a remplacé ces commissions permanentes de spécialistes par des comités de sélection créés ad hoc, dont les membres, « pour moitié au moins extérieurs à l’université », sont choisis par le président d’université « en raison de leurs compétences », sans être nécessairement spécialistes de la discipline concernée. Le conseil d’administration peut ensuite modifier l’ordre de la liste de préférence des candidats dressée par le comité de sélection. Le président d’université dispose également désormais d’un pouvoir de veto.

En janvier 2010, le choix par le conseil d’administration de l’université de Metz de préférer une candidate locale à l’enseignant parisien placé en haut de la liste par le comité de sélection, lors du recrutement d’un maître de conférences, avait déclenché une polémique. Selon un bilan du ministère de l’enseignement supérieur cité par Le Monde, « sur 3.259 recrutements en 2008 et 2009, seuls trois veto ont été opposés, et les CA ont modifié l’ordre des candidats trente fois ». Tranchant le débat, le Conseil constitutionnel a validé ces comités de sélection, considérant qu’ils « associent les professeurs et maîtres de conférences au choix de leurs pairs ». Mais il émet une réserve sur le pouvoir de veto du président d’université qui ne peut se fonder « sur des motifs étrangers à l’administration de l’université ». Et le Conseil constitutionnel estime par ailleurs que la loi LRU « interdit au conseil d’aministration de proposer (...) la nomination d’un candidat non sélectionné par le comité ». « Cette interprétation est en retrait par rapport à la volonté initiale du gouvernement », remarque Stéphane Tassel, secrétaire général du SNESup-FSU, premier syndicat de l’enseignement supérieur puisque « dans certaines universités, des présidents ont jusqu’ici recruté des enseignants-chercheurs en dehors de la liste établie par le comité de sélection. »

La décision est saluée par la ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, qui estime que les comités de sélection constituent « l’une des pierres angulaires de la refondation des universités engagée depuis 2007, en permettant d’accroître la transparence des procédures de recrutement et de lutter contre les risques de localisme ».


Une différence de traitement transitoire

Quant au statut des enseignants-chercheurs, modifié lui en 2009, il ne porte atteinte, selon le Conseil constitutionnel, « ni au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs, ni au principe d’égalité des fonctionnaires d’un même corps ». Même si les principes de répartition de service « peuvent (...) varier d’une université à l’autre ». En effet, dans les 51 des 83 universités françaises actuellement passées à l’autonomie, les conseils d’administration sont désormais chargés de répartir les obligations de service entre enseignement, recherche et les autres missions des enseignants-chercheurs. Ce qui n’est pas le cas pour les enseignants-chercheurs exerçant dans les autres universités. Mais cette différence de traitement n’est que « transitoire », note le Conseil constitutionnel, puisque toutes les universités devront devenir autonomes avant le 12 août 2012 et « repose sur des critères objectifs et rationnels ».

Pour Stéphane Tassel, cette décision « ne modifie en rien notre critique de la LRU, qui a amené une gestion individualiste des carrières, une explosion de la précarité dans les universités et la mise en place d’un management essentiellement économique en rupture avec les fondements scientifiques de l’université ».


Voir en ligne : Mediapart