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Qu’est-ce qu’être étudiant ? Editorial, par Maurice Ulrich, L’Humanité, 7 octobre 2010

dimanche 10 octobre 2010

Qu’est-ce qu’être étudiant en France en 2010 ? C’est sans doute avoir des projets plein la tête et une belle rage de vivre. C’est aussi le temps d’apprendre à ramer. La moitié seulement d’entre eux sont intégralement financés par leur famille. Pour les autres, le système D est de rigueur, qui s’appelle «  petits boulots  ». Nombre d’entreprises savent en jouer. Mais ce n’est pas un jeu. La question du logement est au centre de toutes les rentrées universitaires. Un étudiant vivant chez ses parents ou hébergé aura besoin de 300 euros par mois. Ce sera 700 euros s’il doit payer un logement. Ils sont 60 % dans ce cas. En région parisienne, la note va être à la hauteur du Smic. C’est dire que la question des «  petits boulots  » n’est pas de confort mais de nécessité et qu’il s’agit, 
dans nombre de cas, du besoin d’un « vrai » boulot.

L’impact de cette situation sur les études et la réussite est massif. Les enfants d’ouvriers, qui n’ont pas disparu en France faut-il le préciser, représentent 32% de la population jeune. Les enfants 
de cadres supérieurs, 12 %. En troisième cycle du supérieur, les enfants de cadres sup représentent 37% du total et les enfants d’ouvriers
moins de 5 %. 
Les questions matérielles sont déterminantes mais pas seulement. On sait ce qu’il en est de la reproduction culturelle des «  élites  ».

Mais être étudiant aujourd’hui, c’est aussi s’interroger sur l’avenir, la finalité des études. Plus de 40 % des étudiants pensent, après une première année, avoir été mal orientés. Près de 20 % ont une vision négative de l’avenir. Ce n’est pas sans lien avec la situation faite aujourd’hui aux universités et aux universités dans la crise. Dans tous les pays développés une même logique
est à l’œuvre, qui passe en Europe par le processus dit 
de Bologne, initié par l’UE et dont la loi sur l’autonomie 
des universités est en France l’un des piliers. L’enjeu, 
c’est la soumission de l’enseignement supérieur au marché, avec la mise en concurrence des universités entre elles, avec des diplômes permettant de se vendre – et d’autant plus reconnus que l’université sera «  performante  » –, avec des droits d’inscription à la clé amenant étudiants et familles 
à s’endetter avec un pari sur l’avenir.

Il reste peu de place dans ce schéma pour l’esprit critique qui passe, à l’Université, par les sciences humaines dont on fait désormais bon marché. Nicolas Sarkozy a beau faire le cinéphile, comme mardi dernier, dans un lycée de l’Essonne, la politique de la France et de l’Europe est à l’opposé de la formation à la fois humaniste et de haut niveau dont aurait besoin le monde d’aujourd’hui. Les questions qui nous sont posées pour l’avenir sont transversales. Elles requièrent tous les savoirs et des citoyens ayant le désir et la capacité de construire un destin collectif. Ainsi la question des retraites, parce qu’elle exprime un projet de société, n’est pas étrangère au monde étudiant, quand bien même nombre de jeunes semblent avoir intégré l’idée qu’ils devraient s’en passer. Quel avenir ! Ainsi il faudrait presque considérer la régression sociale comme le cours naturel des choses.

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