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L’université prend un coup de frais - Marjorie Wirzbicki, Libéblog "Mon réel à Montréal", 21 décembre 2010

mardi 21 décembre 2010

Il n’y pas que les jeunes Britanniques qui descendent dans la rue à l’appel du slogan « Non à la hausse des frais d’inscription à l’université ». Le 6 décembre dernier, des dizaines de milliers d’étudiants ont manifesté à Québec et 60 000 cégepiens (lycéens) et universitaires étaient en grève. Ce jour-là, la ministre de l’Education, du Loisir et du Sport, Line Beauchamp, réunissait les « partenaires de l’éducation » afin de discuter, entre autres, des modalités d’une hausse des frais pour remettre à flot des universités sous-financées. Car hausse il y aura, elle a été programmée pour 2012 par le ministre des Finances, Raymond Bachand. Il finit ainsi de briser le gel des frais imposé au Québec de 1993 à 2007, gel qui permet à la province de proposer l’enseignement universitaire le plus abordable du pays. Et ce, bien que la facture ait augmenté de 100$ CAD par an depuis 2007, pour atteindre aujourd’hui 2 086$ (1500€). La moyenne canadienne, elle, se situe plutôt autour de 5 000 $ (3 700 €).

Ce curseur national fait des frais universitaires la variable d’ajustement idéale pour renflouer les coffres. Car si l’on poursuit la comparaison, on s’aperçoit que les étudiants de la Belle province contribuent à hauteur de 12 % au coût total de leurs études, contre 25 % pour leurs voisins. Selon un document du ministère de l’Education édité pour la rencontre, les dépenses de fonctionnement des universités québécoises sont aussi de 10 % inférieures à la moyenne canadienne.

Lors de la rencontre, Line Beauchamp a reçu l’appui de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, la CREPUQ, qui voit dans cette hausse la bouffée d’air financière qui permettra de réduire un manque à gagner qu’elle estime à 620 millions$ (460 millions €). Elle propose une augmentation des frais de 504$ par an, pour aboutir à 3680$ (2 700 €) en 2014, soit, en dollars constants, l’équivalent de ce que payaient les étudiants québécois... en 1968.

Une facture salée

Réunis sous la bannière de l’Alliance sociale, étudiants et syndicats ont eux rapidement claqué la porte de la rencontre. La Confédération des syndicats nationaux (CSN) a regretté qu’elle ne porte que sur le financement, sans une réflexion globale sur l’avenir de l’université et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) l’a jugée faussée car les décisions déjà prises. Elle craint qu’une facture plus salée ne dissuade les jeunes de s’engager dans un cursus long (45 % des étudiants sont les premiers à fréquenter l’université dans leur famille). Line Beauchamp a voulu les rassurer en avançant que les plus précaires verront leur Aide financière aux études (AFE) augmenter proportionnellement. Insuffisant, répond l’Alliance sociale, en se basant sur une récente étude de la FEUQ sur les sources et modes de financement des étudiants québécois de premier cycle.

Pour comprendre la situation financière des étudiants, il faut savoir que l’AFE leur vient en aide sous la forme d’un prêt. Son montant est évalué en fonction des revenus et besoins estimés de l’étudiant, qui rembourse le gouvernement une fois son diplôme en poche. Au-delà d’un certain plafond, un complément est versé sous forme de bourse. Selon la FEUQ, 40 % des étudiants bénéficient de l’AFE, pour un montant médian de 2 600$ par an (1 950 €). Pour compléter ces revenus, et l’aide parentale qu’ils reçoivent, 80 % des étudiants travaillent, dont la moitié plus de 15 heures par semaine. Cela ne suffit pourtant pas : la différence entre leurs sources de revenus (AFE s’il y a lieu, emploi et aide parentale) et les frais auxquels ils doivent faire face (frais de subsistance et frais de scolarité) révèle un manque à gagner médian de 2 900$ par an (2 175 €). D’où un endettement auprès de crédits privés. Au final, crédits privés et remboursement AFE compris, au cours de leurs études, 60 % des étudiants québécois cumulent une dette moyenne de 14 000$ (10 500€).

Lorsqu’on a été élevé à l’école de l’université gratuite, on conçoit qu’une telle somme ait de quoi refroidir les ardeurs. Sans parler de la tentation d’exclure l’étude de matières non rentables, comme les Lettres ou les Sciences humaines. Vu d’Amérique du Nord, les Québécois n’en restent pas moins —encore— les mieux lotis : selon le Conseil canadien sur l’apprentissage, la dette moyenne des étudiants canadiens est de 26 500$ (19 900€).

Le modèle canadien

Ces constats ne semblent pas de nature à faire douter le gouvernement. Raymond Bachand l’a expliqué avec un chiffre : les diplômés universitaires gagnent, au cours de leurs carrières, 600 000 $ de plus que les diplômés du secondaire (450 000 €). Qu’ils paient, donc. Mais le modèle canadien, vers lequel devrait tendre le Québec, est-il un horizon idéal ? Pas si l’on en croit James E. Côté et Anton L. Allahar, deux universitaires ontariens qui ont dressé, dans un ouvrage paru en septembre, un constat inquiétant sur la situation canadienne. Le coût élevé des études entraînerait un désengagement des étudiants sur le thème « je paie, donc j’ai le droit à un diplôme » ; il faut rentabiliser l’argent investi. Les auteurs citent les résultats d’une enquête annuelle réalisée aux Etats-Unis depuis 1999 et « de plus en plus » au Canada, l’Enquête nationale sur l’engagement étudiant. Il en ressort que 50 % des étudiants canadiens « ne font que le strict minimum requis pour rester dans le système ».

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Voir en ligne : http://quebec.blogs.liberation.fr/m...