Accueil > Revue de presse > Réformes de l’université : huée à Strasbourg, Pécresse fait face à une véritable (...)

Réformes de l’université : huée à Strasbourg, Pécresse fait face à une véritable fronde - Annaëlle Penche, Médiapart, 5 février 2009

vendredi 6 février 2009, par Laurence

Venue inaugurer, jeudi 5 février, l’université unique de Strasbourg, Valérie Pécresse, la ministre de l’enseignement supérieur, a dû apprécier sa visite alsacienne : entre 1.600 et 2.000 enseignants-chercheurs et étudiants strasbourgeois en grève s’étaient réunis devant le palais universitaire pour protester contre la réforme des universités. « Une bonne mobilisation pour Strasbourg », affirme Michael Gutnic, maître de conférences en mathématique et membre du collectif « Sauvons la recherche ».

La loi LRU (loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités) votée en août 2007 permet l’autonomie budgétaire et la gestion des ressources humaines par les universités elles-mêmes. Jusque-là, les établissements strasbourgeois n’étaient pas concernés. Mais l’université unique de Strasbourg créée le 1er janvier s’est dotée du statut d’établissement autonome.

A ce changement, s’ajoute la modification du statut des enseignants-chercheurs. A Strasbourg comme ailleurs en France, la réforme ne passe pas. « Il n’y a pas de dialogue possible sans retrait de la réforme. C’est une attaque trop grave », affirme Michael Gutnic. Jeudi, le conseil scientifique de l’université a voté une déclaration réclamant : le retrait du projet de décret, le « retrait de la réforme de formation et de recrutement des enseignants des premier et second degrés », l’« arrêt du démantèlement du CNRS et de l’INSERM », « l’arrêt des suppressions d’emplois et l’arrêt des atteintes aux statuts » des agents administratifs et d’entretien.

Selon les syndicats, une douzaine d’UFR strasbourgeois sur 37 ont voté la grève en début de semaine. « Certains professeurs assurent les cours malgré la grève, expliquent Renaud et Robin, étudiants en histoire. Mais ils nous expliquent leurs revendications et discutent avec nous de la réforme de l’université. »

Dans la foule, des pancartes, « l’université n’est pas une entreprise », « non à la casse du CNRS » ou « ce matin un crétin a tué un chercheur » brandies au son des « Pécresse démission ». L’ambiance est bonne jusqu’à l’arrivée des premiers invités pour la cérémonie officielle. A l’intérieur du palais, ambiance feutrée. Les élus locaux et Valérie Pécresse célèbrent la nouvelle université. Les orateurs se succèdent à la tribune malgré les interventions des enseignants-chercheurs.

Au micro, Alain Beretz, président de l’université de Strasbourg, comme les élus locaux, interpelle Valérie Pécresse : « J’en appelle à votre capacité au dialogue sans cela nous ne pourrons pas faire avancer l’université française. » Les 375 millions promis par la ministre dans le cadre du Plan campus auxquels s’ajoutent 57 millions de dotations ne feront pas taire les manifestants. A la fin de la cérémonie, comme négocié avec Valérie Pécresse, le collectif de l’Appel de Strasbourg lui a remis les 2.200 signatures de la pétition contre la réforme de l’université.

Et ils entendent bien poursuivre leurs actions. « Dès la semaine prochaine, nous lançons des cours alternatifs au département d’histoire, annonce un maître de conférences après la cérémonie. Nous y aborderons les thèmes que les maquettes établies par le ministère ne nous permettent pas de traiter comme l’histoire dans les jeux vidéo ou les gender studies, l’histoire des genres. Des débats que nous pouvons avoir entre nous, enseignants, et que nous voulons faire partager aux étudiants. »

Michael Gutnic, maître de conférences en mathématiques, se fixe un autre objectif : « Mobiliser mes étudiants qui ne se sentent pas très concernés, comme beaucoup d’étudiants en sciences. » Une assemblée générale est prévue lundi 9 février pour décider de la suite du mouvement.