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AMIENS. Des cours de philo dans la rue - "Le Courrier picard", 19 février 2009

jeudi 19 février 2009, par Laurence

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En grève depuis trois semaines, les profs de fac font cours dans la rue. Hier, ils ont mis aux enchères les « grands principes philosophiques dépassés », tels que la vérité, la démocratie...

Veste noire et chapeau haut de forme à l’ancienne. Sylvain Boneau, étudiant en informatique, joue les commissaires priseurs sous le regard amusé d’une trentaine d’étudiants et d’enseignants-chercheurs : « La vérité. La mise à prix est à 30 euros ? Qui dit mieux ? »

L’idée du jour incombe aux protestataires de la faculté de philosophie : organiser, place de l’Hôtel-de-Ville d’Amiens, une grande vente aux enchères de concepts philosophiques, dans le cadre de « la liquidation de l’université et des humanités ».

Sur l’estrade improvisée, une enseignante théorise sur la notion de vérité : « Concept au charme désuet, à ranger au rayon des antiquités inutiles... Ne serait-ce qu’en raison du risque qu’il représente pour le pouvoir (...) Un concept qui pose un certain nombre de questions telles que : "Comment dire aux chercheurs qu’on les aime quand on les méprise ?" »
L’allusion au discours sarkozien fait marrer les présents. Les enchères montent très vite ; 300, 500, 1 000 euros... Finalement la « vérité » sera adjugée 1 900 €. Une belle somme, même si on est loin du score réalisé par la notion de « Liberté-égalité-fraternité » partie à 40 000 euros,

Des cours de maths ou de philo sur le parvis de la cathédrale

Au-delà de l’anecdote, cette vente aux enchères avait aussi et surtout pour ambition d’alerter l’opinion publique sur l’avenir - sombre - des sciences humaines. Le nouveau modèle universitaire, basé sur une conception utilitaire et mercantile du savoir, ne laissant guère d’espace aux matières dans lesquelles les recherches ne trouveront pas d’application immédiate.

Une manifestation qui s’inscrivait aussi dans le prolongement de l’université populaire lancée au moment où les enseignants en grève décrétaient, le 2 février dernier, « l’arrêt de l’université de Picardie ». Des cours de maths ou de philo sur le parvis de la cathédrale... « En lançant cette nouvelle université ouverte à tous, nous laissons les formes d’enseignement habituelles à ceux qui veulent ériger un marché du savoir », rappelle un enseignant de la fac de sciences.

Titulaire d’un master d’histoire et d’archiviste, Claire a quitté hier la vente en emportant sous le bras une grande pancarte « désobéissance ». Un concept auquel elle tenait. Non parce qu’il lui paraît éculé ; mais au contraire parce qu’elle le trouve terriblement d’actualité. À l’heure où les gouvernants cherchent à formater l’université selon les seuls besoins du marché.

PHILIPPE FLUCKIGER