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La gouvernance selon la LRU

par Yves Macchi, SLU-Lille

lundi 14 janvier 2008, par Laurence

[|LA LOI LRU ET SON IMPACT SUR LA GESTION DEMOCRATIQUE DE NOTRE UNIVERSITE.|]

La confusion politique et la guerre de propagande qui l’accompagne à Lille 3 a regrettablement obscurci et pour ainsi dire étouffé le débat sur le fond de la loi elle-même. Pour que chacun se fasse une opinion, il est essentiel qu’il ait une parfaite connaissance des dispositions législatives nouvelles. Aussi ai-je décidé de rédiger un exposé factuel de la section de la loi concernant la gouvernance des universités, c’est-à-dire les modifications institutionnelles introduites dans le domaine de la gestion intérieure des universités.
Toutes les informations dont je vais faire état sont officielles et accessibles sur les sites www.nouvelleuniversite.gouv.fr et www.legifrance.gouv.fr.

Selon le gouvernement, l’université doit « sortir de la paralysie de la gouvernance actuelle » : le président, au lieu de consacrer son énergie à agir, s’épuise en taches de médiation entre les différents corps institués de l’université. L’idée centrale est donc de transformer un président médiateur en un président actif, et à cette fin la loi lui confère de nouveaux pouvoirs et de nouvelles responsabilités, qui seront effectifs avant le 11 août 2008. Je vais m’attacher à démontrer que les différentes modifications législatives concourent toutes à libérer l’action du président et du conseil d’administration de toute entrave exécutive.

1. MODIFICATIONS TOUCHANT LE CONSEIL D’ADMINISTRATION.

1.1 COMPOSITION DU CA. Article L 712-3 du Code de l’Education.

Aujourd’hui le CA comprend jusqu’à 60 membres élus ou nommés dont 26 enseignants, 14 étudiants, 8 membres du corps des ATOS, 12 personnalités extérieures.
Selon la configuration que choisira notre université - l’actuel Conseil d’Administration doit voter la réforme des statuts au plus tard le 11 février 2008 -, le CA comprendra désormais de 20 à 30 membres.
Selon un calcul simple, la part minimum des personnalités extérieures nommées augmentera (passant de 20 à 23,3% du total des membres), tandis que la part minimum des ATOS sera réduite (passant de 10 à 6,7% du total de membres), ainsi que celle des étudiants (passant de 20 à 10% du total des membres). Une part des sièges est donc prélevée sur le corps des ATOS et sur celui des Etudiants pour être transférée sur les membres extérieurs.

Quel que soit le nombre de membres retenus dans les nouveaux statuts, la part des personnalités extérieures (directement nommées par le nouveau président et approuvées par les membres élus du nouveau CA) sera plus importante, et le CA comportera obligatoirement : au moins un chef d’entreprise , au moins un autre acteur du monde économique et social et deux ou trois représentants des collectivités territoriales, dont un du conseil régional.

Les effectifs du CA étant divisés par 2, chacun de ses membres aura par ailleurs des responsabilités beaucoup plus lourdes à l’endroit de la communauté universitaire tout entière et la représentativité de cette instance au regard de la diversité du corps électoral s’en trouvera nécessairement amoindrie.
Il paraît donc indispensable de demander l’amendement de l’Article L 712-3 du Code de l’Education et des articles organiquement liés, dans le sens d’une augmentation du nombre de membres, si l’on ne veut pas que 20 à 30 personnes portent à elles seules toute la responsabilité de la gestion de l’université. Un rééquilibrage permettant une meilleure représentation du corps des ATOS et des étudiants paraît s’imposer.

1.2 MODE D’ÉLECTION DU CA. Article L 719-1 du Code de l’éducation et Décret d’application n°2007-1551 paru au J0 n°253 du 31 octobre 2007

La représentativité du CA est encore mise à mal par une seconde disposition, de nature électorale.

Le mode d’élection du CA change : il s’agit comme auparavant d’un scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle au plus fort reste, mais une prime majoritaire est introduite : la moitié des sièges à pourvoir est attribuée à la liste majoritaire, le reste des sièges à pourvoir étant répartis à la proportionnelle.

Cela signifie que la liste emportant le plus grand nombre de suffrages est assurée mécaniquement – dans chacun des collèges électoraux – d’obtenir la majorité absolue des sièges de son collège et le risque est grand qu’une seule liste élue forme une minorité de blocage qui contraigne toutes les décisions du CA. Dans ce contexte, le panachage, désormais interdit dans le collège des représentants des personnels, renforcera cet effet de prime accordée à la liste dominante.

Cette prime majoritaire – contraire à l’esprit même de la représentation proportionnelle - introduit donc une distorsion dans la représentativité du CA, dont la composition ne reflétera pas la diversité des suffrages exprimés : même si les listes, minoritaires prises une à une, sont majoritaires en nombre de voix prises toutes ensemble, elles n’ont que peu de chances d’obtenir des sièges au CA.

Cette prime entraînera nécessairement une lutte acharnée entre listes pendant la période préélectorale, puisqu’il est clair que, s’il y aura autant d’appelés à la candidature qu’auparavant, il y aura 2 fois moins de sièges disponibles et que les actuels élus des sensibilités minoritaires sont appelés à disparaître dans la nouvelle représentation. Le risque est grand de voir se multiplier les listes à faible suffrage, ce qui aura pour effet de renforcer encore le déséquilibre de la représentation au profit d’une seule liste.

Il paraît donc indispensable de demander l’amendement de l’article L 719-1 du code de l’éducation et des articles organiquement liés et l’abrogation conjointe du Décret d’application n°2007-1551 paru au J0 n°253du 31 octobre 2007, si l’on veut que la diversité des opinions puisse être correctement représentée au CA.

Il y aura de toute façon une recomposition totale du paysage politique, le loi incitant les collèges d’enseignants-chercheurs à se regrouper autour d’un « projet d’établissement », ie non pas autour de grandes idées concernant la politique universitaire (actuellement portées par les listes syndicales), mais autour d’un projet précis de gestion de notre université dans le contexte culturel et économique qui l’environne. De ce point de vue, seront donc évidemment favorisés ceux qui, ayant déjà une expérience factuelle de la gestion de l’université, et ayant la maîtrise de la contractualisation avec le tissu local d’entreprises et de collectivités territoriales, sauront mettre en scène ce savoir-faire dans la période pré-électorale.

1.3 ELARGISSEMENT DES POUVOIRS DU CA.

•La question de la représentativité du CA est d’autant plus cruciale qu’il se trouve doté de nouveaux pouvoirs qui sont soustraits au Conseil Scientifique et au Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire.
Il est important en effet de noter que le CS et le CEVU voient leurs compétences restreintes : alors que l’actuel CS propose au CA les orientations en matière de recherche et répartition des crédits de recherche, cette compétence de proposition est entièrement transférée au CA, le Conseil scientifique étant seulement consulté sur la politique scientifique et étant autorisé à émettre non pas des propositions mais des vœux. [ARTICLE L712-5]

De même, alors que l’actuel CEVU propose les orientations en matière de formation et examine les demandes d’habilitation de formation, ces compétences sont désormais entièrement transférées au CA, le CEVU étant simplement consulté sur la politique de formation et étant autorisé à émettre des vœux. [ARTICLE L 712-6]
En clair, cela signifie que la totalité de la politique de recherche et de formation relève du seul CA et pourra se faire contre l’avis du CS et du CEVU, qui ne disposent d’aucun recours institutionnel contre les décisions du CA.

•Le nouveau CA a par ailleurs désormais compétence pour créer, supprimer, fusionner les UFR.[ARTICLE L713-1]

•Il définit les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités d’enseignement, de recherche et les autres missions qui peuvent être confiées à ces personnels. [ARTICLE L 951-1]. Je vous rappelle à ce propos qu’une commission dirigée par M. Schwartz se réunit actuellement afin de réfléchir à une modification du statut des enseignants-chercheurs et rendra ses conclusions fin janvier. Il faut s’attendre à de lourdes modifications – encore imprévisibles – de nos obligations statutaires, modifications qui, une fois promulguées, permettront à chaque CA de décider au plan local de l’utilisation qu’elle fait des enseignants-chercheurs dans les 3 domaines que sont l’enseignement, la recherche et l’administration. Un tri des enseignants-chercheurs par catégorie n’est pas à écarter.

•Enfin, nouveau pouvoir, crucial, accordé au CA : alors que jusqu’ici le Président de l’université était élu par l’assemblée des 3 conseils centraux, ce sont désormais les seuls membres élus du CA qui éliront le président de l’université, à la majorité absolue. [ARTICLE L 712-2]

Ce point est crucial.
Nous avons vu que le nouveau CA, par le jeu de la prime majoritaire, sera représentatif dans chaque collège d’une seule liste dominante. Nous voyons maintenant que ledit CA, doté de la totalité du pouvoir législatif et exécutif aux dépens du CS et du CEVU, sera seul maître de l’élection présidentielle. Alors que l’actuel président d’université est élu par un collège de 120 électeurs, il ne sera élu que par un collège d’une quinzaine de membres représentatifs d’une seule tendance dominante disposant de tous les pouvoirs.

Ce dispositif a un nom : c’est une oligarchie. Cette oligarchie élira logiquement à la Présidence le candidat qui portera son projet d’établissement.

L’avantage d’une oligarchie, c’est qu’elle ne peut se heurter à aucune opposition institutionnelle, à aucun contre-pouvoir, et qu’elle a donc les mains libres pour décider seule de toutes les orientations de l’université. Une oligarchie est efficace dans l’action, et c’est une recherche louable d’efficacité de l’exécutif qui a visiblement guidé le législateur.

L’inconvénient d’une oligarchie - inconvénient que déjà en son temps Platon, qui pourtant la promouvait, avait aperçu - c’est que pour être conforme à l’intérêt commun, elle doit être une aristocratie, une assemblée composée des meilleurs membres de la collectivité. Les oligarques doivent être les meilleurs sur le plan de la compétence technique (maîtrise parfaite du secteur de la Recherche, du secteur de l’Enseignement, maîtrise parfaite de la gestion et du domaine juridique, maîtrise parfaite des relations de l’université avec son environnement etc). Mais ils doivent aussi être les meilleurs sur le plan de l’éthique : capacité à résister aux pressions, à lutter contre le favoritisme, le clientélisme, le lobbyisme. Il est clair en effet que plus une assemblée décisionnelle est restreinte au regard de la communauté qu’elle est censée représenter, plus elle est astreinte à l’excellence éthique et pratique, dans le comportement de chacun de ses membres.
C’est la raison pour laquelle les démocraties modernes se sont dotées d’instances collégiales de contrôle exerçant un contre-pouvoir. Ces instances de contrôle – Conseil Scientifique et CEVU – une fois anéanties, toutes les dérives autocratiques sont envisageables.
En cherchant à remplacer un président médiateur par un président actif et dynamique, le législateur installe en fait à la tête de chaque université un président qui n’aura à rendre de compte qu’à une oligarchie restreinte dont il sera l’émanation. Et rien n’est d’ailleurs prévu dans la loi au cas où le Président ne respecterait pas le programme électoral qui l’a porté au pouvoir. Le CA ne semble pas en particulier disposer d’un pouvoir de censure à son endroit. Le risque de mise sous tutelle ministérielle du président, voire d’une partie du CA n’est pas nul. Rappelons à ce propos que la Ministre, qui ne crée aucun poste d’enseignant-chercheur en 2008, crée au contraire de nombreux postes d’administration, parmi lesquels des postes de hauts cadres administratifs et de gestion. La mainmise ministérielle sur la gestion de l’université risque ainsi de s’accroître, ce qui reflète une étrange conception de l’autonomie ! La démocratie universitaire, déjà mise à mal par l’indifférence de la majorité des agents de l’université à l’égard du fonctionnement de leur propre institution, sera donc purement et simplement sacrifiée sur l’autel de l’action immédiate et efficace.

Au vu de ces considérations, il paraît donc essentiel de demander l’amendement des Articles 712-2, 712-5, 712-6 et des articles organiquement liés, dans le sens d’un rétablissement de l’élection du président par l’assemblée des 3 conseils, de l’exercice d’un contrôle de l’exécutif par le Conseil Scientifique et le CEVU, et dans le sens d’un rétablissement du pouvoir de proposition de ces deux conseils. Tout observateur honnête de l’Université reconnaît que la gestion de l’université est aujourd’hui entravée par une lourde bureaucratie et une handicapante réglementation. Le souci du législateur de libérer l’exécutif de ces entraves est donc louable et utile à la collectivité universitaire. Néanmoins, il paraît déraisonnable de confier des pouvoirs si lourds à si peu de personnes, que l’on condamnerait à l’héroïsme et à la perfection, si elles ne bénéficiaient de la force de proposition des CS et CEVU, et du contrôle dont tout exécutif a besoin pour asseoir sa légitimité devant la collectivité.

Venons-en maintenant aux nouveaux pouvoirs du Président lui-même :

2. LE NOUVEAU PRÉSIDENT. Article 712-2.

A la différence de l’actuel, le nouveau président d’université ne sera pas nécessairement un enseignant-chercheur, mais pourra être indifféremment enseignant-chercheur, simple chercheur, professeur associé ou invité, ou tout autre personnel assimilé. C’est ce dernier terme qui pousse à s’interroger : il faut rappeller qu’une réforme du statut des enseignants-chercheurs est en cours (commission Schwartz), et que rien n’interdit de penser qu’une catégorie d’universitaires purement administratifs puisse être créée dans les mois qui viennent. Si tel est le cas, le nouveau président et les membres du CA pourraient être des collègues déchargés de toute obligation d’enseignement et de recherche. Ce point mérite d’être souligné, car il est clair qu’un tel exécutif serait par force moins sensible aux difficultés des collègues enseignants et chercheurs, et plus favorable à une approche purement gestionnaire de son rôle.

Il paraît donc raisonnable, étant donné que les missions fondamentales de l’université sont la formation et la recherche, de demander un amendement de l’article 712-2 et des articles organiquement liés, réduisant la liste des présidentiables à la seule catégorie des enseignants-chercheurs et chercheurs en activité (même réduite) pendant la durée de leur mandat.

2.1 NOUVEAUX POUVOIRS DU PRESIDENT. ARTICLE 712-

De même que le CA dont il sera l’émanation, le nouveau président disposera de nouveaux pouvoirs :
• le Président dispose d’un droit de véto personnel – motivé il est vrai – sur toute affectation de personnel.
Une compétence comparable était auparavant exercée, s’agissant des enseignants chercheurs, par le Conseil Scientifique, un collège de 31 membres. Le législateur considère donc qu’un homme réunit à lui seul les compétences scientifiques, techniques et éthiques de toute une collectivité, ce qui le rend apte à juger sur le fond de la validité de toute candidature à un emploi. En toute rigueur, on devrait donc exiger qu’il soit titulaire de tous les doctorats de l’université, et de tous les concours des personnels administratifs et techniques. Ce devrait être une condition minimum à la candidature à la Présidence de l’université.

•le Président est en outre personnellement responsable de l’attribution des primes aux personnels. Ici aussi on devrait exiger du Président la parfaite maîtrise de tous les métiers de l’université pour qu’il puisse juger au fond des mérites individuels de tous ses agents.

Cet idéal d’un savoir et d’un savoir-faire universels ne pouvant être atteint par aucun individu, il paraît très souhaitable de demander un amendement de l’Article 712-2 et articles organiquement liés dans le sens d’une suppression du droit de véto personnel sur les recrutements, et d’une suppression de la responsabilité personnelle du président dans l’attribution de primes.

Il est à noter que le législateur institue un Comité technique paritaire [ARTICLE L 951-1], créé par délibération du CA, qui sera consulté sur la politique de gestion des ressources humaines. Ici encore le terme consulté est essentiel : ce CTP n’aura aucun pouvoir décisionnel, pas plus que le CS et le CEVU qui seront eux aussi très consultés mais privés de toute compétence réglementaire et exécutive.

•le Président peut recruter, en CDD comme en CDI, des agents contractuels sur des postes d’enseignement, de recherche, techniques ou administratifs. [Article L 954-3]
Ce point, crucial, fait craindre un recrutement massif sur contrats de droit public à durée déterminée, alors que l’on vient d’apprendre qu’aucun poste d’enseignant-chercheur n’est créé pour l’année 2008, ce qui a d’ailleurs conduit le CNESER à refuser de voter le budget proposé par le gouvernement.

Il paraît donc raisonnable, afin d’éviter un recours excessif à des contrats précaires, de demander un amendement de l’Article L954-3 et articles organiquement liés, selon lequel tout recrutement sur poste en contrat à durée déterminée devrait être avalisé par l’assemblée des 3 conseils réunis, ces choix ayant des effets directs aussi bien sur la gestion technique et sur la gestion de la recherche que sur la formation des étudiants.

3 MODIFICATIONS TOUCHANT LE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS ET PERSONNELS ASSIMILÉS.
Article 25. Décret relatif aux commissions de spécialistes de l’enseignement supérieur. Article 952-6.

Les enseignants-chercheurs ne seront plus recrutés par les Commissions de Spécialistes élues pour un mandat de 3 à 4 ans et composées de pairs appartenant à la même discipline que le candidat (qui seront dissoutes), mais par des Comités de Sélection nommés par le Conseil d’Administration et composés « en majorité » par des spécialistes du domaine (article L952-6).

Cette disposition est inquiétante à plus d’un titre :

•c’est le Président qui propose la liste des membres du Comité de Sélection et le c’est le CA siégeant en formation restreinte aux enseignants-chercheurs qui nomme les membres du Comité de Sélection. Ici encore le Conseil Scientifique ne peut donner qu’un avis sur la composition du Comité de Sélection. En l’absence de tout contrôle sur les décisions du Comité de Sélection, les risques de localisme et de clientélisme ne diminueront pas.
• un comité de sélection spécifique pour chaque poste sera formé. La composition de chaque comité variera en fonction du poste à pourvoir et il n’y aura donc aucune continuité temporelle dans l’évaluation des dossiers : pour pouvoir juger équitablement de la valeur d’un dossier de candidature, il est essentiel qu’une commission stable, élue pour plusieurs années, puisse avoir des points de repère et ne juge pas au coup par coup.
•la possibilité pour le président de recruter chercheurs et enseignants-chercheurs en CDI écartera toutes les candidatures sur CDI de toute évaluation scientifique nationale par des spécialistes du domaine.
•ces dispositions sont contraires aux pratiques internationales qui, partout, exigent que le recrutement des enseignants-chercheurs soit du ressort de commissions collégiales composées pour l’essentiel de pairs de la même discipline que le candidat.

Il convient aussi d’insister sur un point essentiel : le conseil scientifique n’aura aucun contrôle sur le recrutement des enseignants-chercheurs : il sera simplement consulté (encore une fois) sur la qualification à donner aux emplois d’enseignants-chercheurs, et donnera un avis sur la mutation des enseignants-chercheurs mais ne sera pas consulté sur le recrutement des candidats.

Il paraît donc essentiel, si l’on veut empêcher toute dérive localiste et tout favoritisme de demander l’amendement de l’article L952-6 et articles organiquement liés dans le sens d’un rétablissement du recrutement collégial contrôlé par les pairs de la discipline des candidats et contrôlé nationalement par le Conseil National des Universités.


4. LE MÉDIATEUR.

Une dernière disposition pratiquement passée inaperçue, et pourtant très révélatrice : l’article L-23-10-1 énonce :

« Un médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, des médiateurs académiques et leurs correspondants reçoivent les réclamations concernant les fonctionnement du service public de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur dans ses relations avec les usagers et ses agents. »

Ce qui, traduit en langue ordinaire, signifie, que toute université sera dotée d’un médiateur qui aura pour tâche de régler les litiges entre étudiants et université d’une part, entre agents de tous corps et université d’autre part. Le législateur est donc conscient des risques de recours permanent qu’entraîne le passage d’une gestion collégiale des formations, de la recherche et des ressources humaines, à une gestion oligarchique toute entière concentrée entre les mains d’un Président et d’un CA de 20 à 30 membres qui n’auront de compte à rendre à aucune assemblée collégiale.

5. CONCLUSION .

Il faut bien convenir que l’université actuelle dysfonctionne depuis de nombreuses années : la plupart des agents se sentent démotivés en raison de décisions souvent prises en petits comités dans le bureau présidentiel ou par quelques collègues influents, et les Conseils centraux ressemblent fort à des parlements « godillots » qui se contentent d’entériner les directives du Ministère relayées par la Présidence. Nous sommes actuellement dans une démocratie de façade et dans une oligarchie de fait.

Ce que la LRU va changer, c’est que cette oligarchie de fait va devenir une oligarchie de droit : une groupe restreint de décisionnaires n’aura de compte à rendre à personne pendant toute la durée de l’exercice de son mandat (4 ans), et le CS et le CEVU le regarderont agir sans pouvoir contrecarrer la moindre de ses décisions. Seule l’échéance électorale suivante soumettra ce groupe au jugement de la collectivité.

Les risques de lobbyisme (politique de recherche), de favoritisme (recrutement des personnels en CDD et CDI), de localisme surtout, sont évidents. L’aristocratie éclairée de Platon est un idéal dont l’histoire ne donne aucun exemple. Un pouvoir abusif conduit immanquablement à l’abus de pouvoir.

L’analyse que vous avez pu lire montre par ailleurs que sur ce seul point de la gouvernance (la loi pose bien d’autres problèmes) le nombre d’amendements requis pour que la LRU soit acceptable serait si grand que c’est toute la loi qu’il faudrait amender.

Il nous appartient à tous de nous réapproprier la vie démocratique de notre université et d’agir pour que l’application de cette loi soit immédiatement suspendue, afin d’organiser une grande concertation de tous les acteurs de la vie universitaire.

Il n’est pas insignifiant que le gouvernement s’attaque aux fondements de la démocratie collégiale à l’université : c’est là même où elles furent inventées que l’on veut triompher des valeurs démocratiques. Notre échec contre ce saccage du droit public aurait une valeur symbolique terrible et engendrerait des effets bien au-delà de notre institution.

Yves Macchi, Membre du Collectif SLU-Lille3.