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Communiqué de QSF : 11 avril 2009

dimanche 12 avril 2009, par Laurence

Après trois mois de conflit provoqué par le projet de décret sur le statut des enseignants chercheurs et par le projet de réforme du recrutement des maîtres, et au moment où ce conflit s’enlise ou se radicalise, le débat tend à se concentrer sur les menaces qui pèsent sur la validation du semestre universitaire. Le ministère comme le mouvement étudiant se focalisent sur ce point, et les réformes en cours passent au second plan.

Pourtant, la validation automatique du semestre étant inacceptable, il devient de plus en plus urgent que soient levées, par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et par le ministre de l’éducation nationale, les équivoques qui subsistent dans les textes en discussion.

Le projet de décret sur le statut des enseignants chercheurs, dans sa quatrième version, reste ambigu dans sa définition du service de référence des enseignants chercheurs. Reportée d’un an, la réforme des concours semble maintenue. Ces incertitudes retardent la sortie de la crise.

Dans ce contexte, QSF tient à rappeler ses positions fondamentales et les circonstances de son opposition au projet de décret statutaire et à la réforme des concours de recrutement.

Modulation et évaluation

QSF a toujours défendu l’évaluation des universitaires et la possibilité de la modulation de leurs services. Mais nous n’entendons pas la modulation et l’évaluation exactement comme Mme Pécresse.

QSF, qui n’a jamais été favorable à la définition des services des universitaires par leurs seules heures d’enseignement – 128 heures de cours magistral ou 192 heures de TD par an, suivant le décret de 1984 –, réclamait depuis vingt-cinq ans que la diversité des activités et les différences entre les disciplines fussent mieux reconnues, et que l’enseignement d’un universitaire pût être modulé au cours de sa carrière en fonction de la pertinence et de l’urgence de ses projets de recherche, afin d’en améliorer le rendement et la qualité. Mme Pécresse s’est laissée enfermer dans une conception de la modulation comme gestion des ressources humaines : si Mme X enseigne moins, alors M. Y enseigne plus.

De fait, le décret de 1984 n’interdisait pas la modulation, et elle existe déjà un peu partout, aux marges du système. La seule justification incontestable du nouveau décret était de mettre fin au vide juridique dont témoignaient les observations adressées aux présidents des universités par les chambres régionales des comptes, en donnant une base réglementaire à leurs pratiques des décharges et à des traditions locales le plus souvent légitimes.

En vingt-cinq ans, les universités et les UFR ont secrété des jurisprudences. Le ministère a voulu remettre toutes les pratiques à plat. Il est paradoxal d’inaugurer l’autonomie des universités en normalisant les traditions locales. Du coup, la finalité du projet statutaire a semblé moins d’améliorer la qualité de la recherche que de dénicher les embusqués et de faire enseigner plus la fraction des universitaires qui font peu de recherche.

Certains universitaires pourraient travailler davantage, mais rien ne laisse penser qu’ils soient en plus grand nombre qu’ailleurs. Combien de hauts fonctionnaires dans les placards du ministère des finances ? Et faire pointer tout le monde pour traquer quelques abus, c’est une démarche contre-productive dans une entreprise dont le succès est fondé sur la confiance.

Les négociations syndicales sur le seuil de déclenchement des heures complémentaires font oublier que la notion d’heures complémentaires n’existe pas dans la plupart des universités étrangères et que, en France même, elle contribue au rabaissement du métier d’enseignant chercheur par rapport aux hauts fonctionnaires de rang comparable.

Quant à l’évaluation systématique de tous les universitaires tous les quatre ans, il est irréaliste de penser qu’elle sera sérieuse. Massive, elle se réduira à un contrôle quantitatif et comparatif, voire à une notation (A, B, C). Nous demandons depuis vingt-cinq ans une évaluation qualitative des chercheurs et de leurs projets, en particulier pour fonder une modulation des services et libérer du temps pour la recherche.

Fondés sur une évaluation qualitative qui ne soit pas exclusivement locale, la meilleure modulation de l’enseignement et le moyen le plus efficace de stimuler la recherche restent à nos yeux le congé sabbatique, nettement plus rare en France que dans les autres pays.

Autonomie et LRU

QSF, fidèle ses principes, avait approuvé l’octroi d’une autonomie budgétaire et administrative accrue aux universités en 2007. Ce qui a immédiatement suscité notre désapprobation, c’est le mode d’élection des administrateurs et du président : le scrutin de liste avec prime majoritaire, sur le modèle des élections municipales. Nous demandions un scrutin plurinominal majoritaire ou, à la rigueur, un scrutin de liste autorisant le panachage, moins politiques et seuls aptes à désigner des administrateurs sur la base de leur expertise personnelle. Les élections qui ont eu lieu en 2008 dans les universités nous ont donné raison, car ce sont souvent les syndicats des étudiants et des personnels administratifs qui ont décidé de la gouvernance de l’établissement.

D’autre part, nous avons dénoncé l’excessive concentration du pouvoir dans la personne du président, et l’absence de contre-pouvoirs institués par la loi LRU, ainsi que la marginalisation du conseil scientifique – instance collégiale d’évaluation par les pairs – au profit d’une gouvernance managériale qui n’est même plus celle des entreprises privées à haute valeur scientifique ajoutée, dont l’organigramme est calqué sur le modèle des campus universitaires fédératifs.

La loi a été négociée par la ministre avec la Conférence des présidents d’université (CPU), réticente aux contre-pouvoirs, et les syndicats enseignants et étudiants, complaisants à un mode de scrutin qui préservait leurs positions. C’est ce qui se paie aujourd’hui.

Beaucoup d’universitaires craignent l’autonomie des universités et préfèrent la tutelle distante de l’État à la supervision rapprochée de leur présidence. Malheureusement, les événements récents ne leur donnent pas tort. L’un des motifs essentiels du conflit en cours est le déficit de confiance des universitaires à l’égard de leurs administrateurs locaux. Or, après plusieurs mois de fluctuations, de revirements, de démentis et de manœuvres de la CPU, les présidents se sont beaucoup discrédités et ont amplement contribué à justifier la méfiance de leurs administrés, et à la renforcer pour longtemps.

Nous demandons donc des révisions de la loi LRU sur ces deux points notamment –mode de scrutin et contre-pouvoirs –, afin que l’autonomie cesse d’être perçue comme un danger et soit comprise comme un progrès.

Conseil national des universités

Le premier projet de décret statutaire, en octobre 2008, avait pour intention de réduire le rôle du CNU et de donner plus de pouvoir aux administrations locales dans les décisions de carrière, les promotions et les primes. Or, nouveau paradoxe, le CNU sort renforcé de l’épreuve : les 50 % des promotions qui lui reviennent sont désormais inscrits dans le décret statutaire. Ses pouvoirs sont accrus, mais non pas son autorité.

Le CNU est une singularité française, alors qu’une des finalités des réformes était l’harmonisation internationale. Les universitaires ont obtenu le renforcement de l’évaluation par une instance nationale, à laquelle ils font plus confiance qu’aux instances locales. Mais à ce pouvoir accru du CNU aurait dû correspondre un mode de sélection de ses membres qui en renforçât la légitimité scientifique.

Or son mode d’élection, le scrutin par liste sans panachage, est maintenu, parce que les syndicats y tiennent. Il est peu adapté à la sélection d’experts. Et la répartition des membres élus (2/3) et des membres nommés (1/3) reste inchangée, alors que, dans certaines disciplines, elle a permis dans le passé des manipulations de divers bords.

À ce point, les projets du décret statutaire et du décret sur le CNU n’offrent pour personne – ni au ministère ni dans les universités – d’avantages significatifs par rapport aux textes antérieurs.

Mastérisation

Sur la mastérisation de la formation et du recrutement des professeurs du primaire et du secondaire, QSF s’est aussi opposé au projet de réforme.

Nous sommes favorables à la revalorisation financière des débuts de carrière, aujourd’hui très bas, de ces enseignants, au perfectionnement de leurs compétences, ainsi qu’à leur entrée progressive dans le métier et à leur formation permanente. Il y avait d’autres moyens plus sûrs d’y parvenir que ladite mastérisation, mais le président de la République a tranché.

Ce projet, tel qu’il est conçu aujourd’hui – repoussé d’un an, il n’a pas changé –, n’améliorera pas la formation, ni disciplinaire ni didactique, des futurs enseignants. La réduction du nombre des épreuves du concours, ainsi que la concentration de la préparation au concours, du stage pédagogique et du dit mémoire de recherche sur une seule année de M2, risquent au contraire de produire une régression sur tous ces plans.

Quant à l’excellence de la recherche en France – c’est ce qui concerne avant tout QSF –, le nouveau calendrier de la formation et du recrutement pénalisera les meilleurs étudiants, notamment les futurs chercheurs. Les étudiants qui, après avoir passé un concours, voudront s’inscrire en doctorat, n’auront pas reçu de formation initiale suffisante à la recherche. Il leur faudra entreprendre un second master, ou compléter leur master d’enseignement, pour être en mesure de produire une thèse pertinente dans les délais très courts qui sont maintenant ceux du doctorat.

La sortie du conflit et les défis pour demain

Quelle qu’en soit l’issue, ce conflit sur le statut et sur la mastérisation – sans compter le reste – laissera des traces profondes et affaiblira durablement celles des universités qui commençaient à acquérir des traditions et à se faire une identité. Plusieurs mois de lutte ont réveillé une union sacrée entre les disciplines, entre les universités (disciplinaires et généralistes, pôles d’excellence et facultés de proximité), et entre les sensibilités politiques. Cette réaction obsidionale fera obstacle à la différenciation et à la consolidation de l’offre universitaire en France. On peut craindre une régression, dont les premiers bénéficiaires seront les autres établissements de formation post-baccalauréat.

L’autonomie est à présent refusée dans des établissements qui avaient été volontaires pour y accéder en priorité. Pour ceux qui ont toujours défendu l’autonomie, l’évaluation et la modulation comme moyens de faire progresser la qualité de la recherche dans les universités françaises, et qui pensaient que la voie de l’expérimentation et de la dérogation était plus prudente que celle de la rupture, le bilan est amer.

C’est toutefois l’occasion pour QSF de rappeler ses objectifs pérennes :

1. améliorer la recherche française par la collaboration entre les universités et les organismes de recherche, et par des passerelles entre enseignement et recherche au cours d’une carrière ;

2. améliorer la formation des élites par le rapprochement des universités, des classes préparatoires aux grandes écoles et des grandes écoles, et par le renforcement de la recherche dans les grandes écoles ;

3. améliorer la formation des maîtres par une intégration plus étroite des composantes disciplinaire et didactique dans la préparation aux concours, et par l’initiation à la recherche pour les futurs professeurs des classes préparatoires ;

4. revaloriser les masters et les doctorats de recherche sur le marché de l’emploi ;

5. assurer l’avenir de la recherche en prévoyant à moyen terme les perspectives de recrutement scientifique, avant les départs à la retraite massifs qui auront lieu vers 2015 et qui ne seront pas compensés par le nombre des doctorants en cours de formation.

Pour lire ce communiqué sur le site de QSF