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Examens et diplômes : jeu dangereux - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 6 mai 2009

mercredi 6 mai 2009, par Laurence

Examens et diplômes sont désormais au centre de la crise universitaire. De fait, puisque des dizaines de milliers d’étudiants sont dans l’attente de leur sort. Mais aussi en raison de l’utilisation qu’en font les acteurs de ce conflit.

Valérie Pécresse espère faire plier ses opposants en présentant la tenue des examens et la remise des diplômes comme la cessation de leur mouvement. Certains opposants espèrent user de la menace - réelle ou pas - de ne pas les tenir ou les délivrer comme d’un moyen de pression sur le gouvernement pour obtenir qu’il négocie enfin. La ministre semble oublier que les universitaires (en général) veulent que leurs étudiants réussissent et savent que leur standing personnel et collectif dépend aussi de leur capacité à délivrer des diplômes de qualité. Ils ne vivront donc jamais examens et diplômes comme une défaite. A l’inverse, il est douteux que la ministre soit consternée à l’idée que les étudiants en licence d’histoire de Paris-4 ou de sciences de l’éducation de Nanterre ne passent pas d’examens au point de réviser sa politique. La ritournelle du gouvernement sur la baisse des effectifs étudiants commence à sérieusement prendre l’allure d’un souhait... il serait pour le moins étrange que ses opposants lui donnent la main dans cette opération suicidaire pour le pays.

Ce matin, sur France-Inter, Isabelle This (Sauvons la Recherche) a souligné la "colère intacte" des universitaires.

Quant à la réalité, elle est très contrastée, mais si la majorité des examens auront lieu normalement, plusieurs dizaines de milliers d’étudiants ne sont pas dans cette situation. Le gâchis provoqué par l’obstination gouvernementale est énorme. Et lourd de menaces sur la capacité du système universitaire à faire face aux défis de l’amélioration de ses performances pédagogiques après avoir encaissé une massification brutale comme à ceux de l’intensification nécessaire de son effort de recherche.

Ce jeu dangereux peut s’illustrer par l’opposition entre le discours de Lionel Collet, président de Lyon-1 de de la Conférence des présidents d’université, ce matin sur France Inter et la réaction immédiate de ses collègues. Lionel Collet a expliqué, en gros, que les examens auront lieu normalement "quasiment partout". Alors même qu’il reconait que dans une vingtaine d’universités, grèves des cours et blocages ont effacé des semaines entières de cours depuis le 2 février.

Voici la réponse qui vient de me parvenir :
L’AG Lyon 1 tient à faire un bilan de la situation à Lyon 1.
- 80 % des cours du second semestre n’ont pas eu lieu en STAPS, Math, Info, Bio et le rattrapage de ces cours n’est pas envisageable.
- 160 personnes ont démissionné de plus de 600 responsabilités administratives.
- la massive rétention de notes du premier semestre bloque toute validation des semestres et diplômes pour plus de 4000 étudiants.
- les inscriptions de la prochaine rentrée sont de fait impossibles. Les étudiants n’ont pas pu s’inscrire au second semestre ; les jurys ne pourront pas se tenir même si quelques examens se déroulaient sans incidents.
Seules des concessions majeures du gouvernement peuvent maintenant permettre une sortie de crise.

Soit Lionel Collet ment, soit ses collègues mentent. Mais si ces informations sont exactes, elles signifient que cette université ne peut tenir d’examens normaux pour plusieurs milliers d’étudiants et que la remise en route de sa mécanique administrative - traitement des notes, des diplomes, dossiers de chaque étudiant - sera très délicate. D’autres informations, en provenance d’autres universités font état de situations similaires.

Je reçois à l’instant un communiqué de Daniel Fasquelle Député du Pas-de-Calais Professeur des Universités Doyen de la Faculté de droit de Boulogne-sur-Mer. Le voici :

Université : reprendre le chemin des cours et des examens tout en poursuivant le dialogue

Je partage l’analyse que François Fillon a formulé au sujet de la crise des universités en réunion du groupe UMP à l’Assemblée nationale hier sauf sur un point. En effet, je ne considère pas que l’université soit irréformable. Aujourd’hui, l’université est plutôt malade de trop de réformes qui ont compliqué la tâche des enseignants et du personnel administratif sans rien apporter aux étudiants. L’immense majorité des universitaires et des étudiants a pu se satisfaire du nouveau décret et des annonces du gouvernement en faveur des universités. Il reste malheureusement aujourd’hui quelques universités où les cours, voire même les examens, ne peuvent avoir lieu. C’est le plus souvent le fait d’éléments radicaux qui voient là un moyen, parfois violent, de s’opposer au gouvernement et au Président de la République. Ce qu’il faut retenir des semaines que nous avons vécu, c’est qu’il existe un profond malaise dans l’université, aggravé par le sentiment de ne pas être compris. Beaucoup d’universitaires et d’étudiants ne sont, par exemple, pas hostiles à l’autonomie des universités mais bien plutôt aux modalités choisies pour organiser cette autonomie, en particulier le trop grand pouvoir donné aux présidents d’université. En définitive, l’université française doit faire face aujourd’hui à une double urgence : que les cours et les examens aient lieu mais aussi qu’un dialogue véritable s’instaure de façon à repenser les finalités et l’organisation de l’université de demain.

Ce texte alambiqué illustre certes le jeu personnel du député, voire le jeu joué par Coppé dans son pas de deux avec Nicolas Sarkozy. Mais surtout, il souligne à quel point la politique suivie par Valérie Pécresse, sous pilotage élyséen, a confondu vitesse et précipitation, dans une sorte de volonté de revanche sur un milieu jugé hostile a priori. J’ai eu hier un entretien avec un directeur d’un des principaux INSA, qui, lui aussi, se plaint d’une avalanche de réforme, de mise en place trop rapide de structures nouvelles (RTRA, Cluster, poles de compétitivé...) où "on se retrouve à chaque fois avec les mêmes personnes".

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