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Hausse surprise des inscriptions dans les universités grévistes - Louise Fessard, Médiapart, 22 septembre 2009

mercredi 23 septembre 2009, par Laurence

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Contrairement aux prédictions du ministère de l’enseignement supérieur, le mouvement des enseignants chercheurs, qui a perturbé près d’une université sur deux au printemps 2009, ne semble pas avoir découragé les nouveaux bacheliers de s’incrire à l’université. Paradoxe, selon nos informations, les inscriptions de nouveaux bacheliers ont même augmenté dans plus de la moitié de la dizaine d’universités en pointe lors de la contestation du printemps 2009 (par rapport à la même date à la rentrée précédente, les inscriptions n’étant pas closes).

Selon les prévisions d’effectif révélées le 17 septembre par la ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, les inscriptions en première année à l’université (hors IUT) n’ont baissé que de 0,5% par rapport à 2008 alors qu’elles avaient reculé de 2% à la rentrée précédente. Le bon cru du bac 2009, avec 6.900 bacheliers généraux de plus qu’en 2008, a sans doute contribué à limiter la casse. « Il n’y pas eu d’évitement des universités par les bacheliers », a reconnu elle-même Valérie Pécresse.

Le ministère avaient pourtant laissé entendre en mai, à la quinzième semaine du mouvement contre la réforme des enseignants-chercheurs, que les universités les plus mobilisées allaient connaître une chute vertigineuse de leurs demandes d’inscriptions. Au vu des premiers vœux des lycéens dans le nouveau dispositif Internet « Admission post bac », l’historique Sorbonne (Paris IV) était ainsi délestée de 25% des candidatures d’étudiants. Tandis que Diderot (Paris-VII) et Vincennes-Saint-Denis (Paris-VIII) devaient eux en perdre jusqu’à 50% !

« Les chiffres parlent d’eux-mêmes »

A l’heure des comptes, Diderot (Paris-VII) compte 5.200 inscrits en première année de licence et de médecine, soit quelque 300 de plus qu’en 2008 à la même date. « C’est surtout lié à la médecine mais il y a également une tendance à la croissance en sciences et sciences humaines », explique Christian Hoffman, président de la commission pédagogique. Qui a le triomphe modeste : « Par rapport aux annonces du ministère au printemps, les chiffres parlent d’eux-mêmes. »

Rennes II, bloquée pendant cinq semaines au printemps, se réjouit également d’avoir gagné « quelques centaines d’étudiants supplémentaires en licence 1 en 2009, après en avoir perdu pendant plus de quatre ans pour des raisons démographiques », dit Alain Abelhauser, vice-président de l’université. À côté du plus gros département, la psychologie, l’« info-com » fait « une poussée spectaculaire » et les arts plastiques et LEA (langues étrangères appliquées) se développent. « Seuls les départements classiques qui préparent aux concours de l’enseignement, comme l’anglais, l’histoire et les lettres classiques, marquent le pas avec des stagnations ou des petites baisses », précise Alain Abelhauser.

À l’université de Provence (Aix-Marseille I), dont la faculté aixoise de lettres et sciences humaines avait été bloquée pendant plus de deux mois, on juge la demande « prématurée ». Mais un enseignant confie « une légère hausse des inscriptions en première année tant dans le secteur lettres et sciences humaines qu’en sciences ».

L’université Lumière (Lyon II) gagne 3,3% d’étudiants en première année de licence : on observe une hausse de 3,9% des nouveaux bacheliers et une hausse de 7% des étudiants qui étaient inscrits dans un autre établissement d’enseignement supérieur ou une classe préparatoire en 2008. « Deux phénomènes très différents se conjuguent, interprète Jacques Bonniel, vice-président de l’université. D’un côté une population "captive", venant de catégories sociales populaires, qui n’a pas les moyens d’aller vers des écoles privées ; de l’autre un comportement très stratégique d’étudiants attirés par notre panel très large de formation, qui s’inscrivent en première année chez nous en anticipation du master visé. » Malgré les deux mois de mobilisation de l’université au printemps 2009, il rappelle « que même les plus radicaux des étudiants n’ont jamais bloqué aucun cours de master ».

L’université Paul Valéry (Montpellier III) affiche fièrement une progression de 4% (soit une centaine de primo-entrants supplémentaires en première année) ce qui lui permet de retrouver ses effectifs de 2007 en licence 1, après cinq ans de baisse. Selon Michel Crespy, chargé de communication, cette hausse profite surtout aux LEA proposant des langues rares (anglais-arabe ou anglais-chinois) qui « offrent des débouchés dans le commerce international », aux arts du spectacles, aux arts plastiques et aux sciences du langage. Il avance trois explications : « une meilleure réussite au bac dans les filières générales », l’« ouverture de douze licences professionnalisantes, qui refusent toutes du monde » et, plus surprenant pour une université très mobilisée contre la réforme au printemps 2009, « une augmentation des demandes de transferts, notamment d’étudiants toulousains lassé par les grèves ». « A Montpellier III le blocage a duré trois semaines contre quatre mois à Toulouse II-Le Mirail, précise-t-il. A plusieurs reprises, nous avons rencontré des étudiants qui n’en pouvaient plus et ne voulaient pas rester là-bas. »

Une baisse freinée... qui se poursuit

A Toulouse II-Le Mirail, seule université de France à n’avoir pas pu assurer les examens en juin dernier, les inscriptions ne font que commencer. Il faudra attendre quelques semaines pour connaitre l’impact de ces demandes de transfert.

Sorbonne (Paris IV) et Vincennes-Saint Denis (Paris VIII) préfèrent elles aussi attendre la fin des inscriptions pour diffuser leurs chiffres de rentrée.

« Contrairement à tout le barnum médiatique mis en branle par le gouvernement, il n’y a pas eu d’impact des grèves sur l’image de l’université et les inscriptions », constate avec satisfaction Jean-Baptiste Prévost, président de l’Unef, le premier syndicat étudiant.

L’hémorragie freinée, rien ne justifie toutefois l’optimisme de Valérie Pécresse, qui se félicite d’une baisse qui « semble se stabiliser ». Le nombre d’étudiants a encore diminué de 0,6% en 2009, une baisse attribuable à l’université qui perd 1,1% de ses effectifs quand les filières sélectives, IUT et classes préparatoires, en gagnent respectivement 1% et 2,5%.

« Pour la troisième année consécutive, la France perd entre 10.000 et 15.000 étudiants, s’inquiète Jean-Baptiste Prévost. Le phénomène est inverse à ce qui se passe aux Etats-Unis qui profitent de la crise pour augmenter leur nombre d’étudiants (les universités américaines accueillent à l’automne 2009 un nombre record de 18,4 millions d’étudiants, soit 3,1 millions de plus qu’en 2000, NDLR). » Selon une étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp, en doc joint)), la France risque de perdre 154.000 des ses étudiants d’ici 2017.