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Verbatim de l’AG de SLU (10 octobre 2009)

mardi 20 octobre 2009

[NB : ce verbatim a été rédigé par la plupart des participants de SLU présents à l’AG. Certaines des interventions rapportées ont été relues par leur auteur]

10h30. Ouverture des débats par Jean-Louis Fournel qui indique le « mode d’emploi » de la journée et présente les points qui seront abordés :

1/ Etat des lieux (rappel des textes ministériels parus durant l’été et des dernières déclarations – le plan communication de Valérie Pécresse)

2/ Point sur la mastérisation

3/ La 1re rentrée de la LRU (aspects juridiques et réglementaires)

4/ Point sur la recherche (situation générale, à l’Université et dans les grands organismes, politique nationale de priorités scientifique, primes, agences, etc.)

Pause

5/ Réflexion sur un autre système d’ES et de recherche

6/ Perspectives pour SLU (relations avec les syndicats, fonctionnement, groupes locaux, etc.).

POINT 1. LA SITUATION ACTUELLE

Jean-Louis Fournel

Présentation de l’état de la situation législative et réglementaire avec les textes de l’été (voir la newsletter n° 21). L’ensemble montre qu’il s’agit d’un projet global et pas seulement de s’en prendre à un secteur et à une catégorie. Ces textes sont les suivants (en laissant de côté les décrets mastérisation et la définition des priorités de la recherche française puisqu’on y reviendra plus loin) :

- la loi de mobilité pour les fonctionnaires : bien qu’il n’y ait pas eu de réaction syndicale d’envergure sur la question, elle ouvre la possibilité d’une remise en cause du statut de fonctionnaire et rend possible d’éventuels licenciements de fonctionnaires ayant refusé trois postes de suite qui leur seraient proposés en conséquence d’une modification de leur service de rattachement (c’est une affaire grave car nous sommes dans une phase de redéfinition constante du périmètre de l’action de l’Etat).

- l’arrêté sur le référentiel des tâches : c’est l’outil qui va permettre la mise en place pratique de la modulation de services. L’analyse en est simple : la seule prime qui conserve un cadrage national est la prime présidentielle, le reste relève du « forfait » et de « chartes locales ». Cela constitue un risque pour l’égalité territoriale entre établissements puisque les situations différeront au gré de la richesse et des possibilités (taux d’encadrement) des établissements.

- l’arrêté sur la délégation de signature présidentielle (qui concerne tous les aspects de la carrière) : une délégation de signature n’est pas a priori problématique et la question n’est pas le pouvoir du président de l’université de s’opposer ouvertement à une décision collective des conseils, mais le risque de la « panne de stylo » (à savoir que l’on peut toujours « oublier » de signer tel CRCT ou telle promotion...).

- l’arrêté sur la mobilité des chercheurs en direction des universités (la favoriser avec des primes, pour vider le CNRS de sa substance et le transformer encore davantage en agence de moyens). Il est suffisamment vague (comme beaucoup des textes adoptés) pour pouvoir donner lieu à des applications différenciées et perverses (on ne sait pas qui décide et qui finance).

À côté de ces décisions de type réglementaire, il y a d’autres points à rappeler (comme l’occupation de l’espace médiatique par Valérie Pécresse ces dernières semaines) et la parole passe pour ce faire à...

Annliese Nef. Point sur le budget.

- Effets d’annonce permanents sur le budget (1,8 milliards d’euros en plus !) qu’il faut sans cesse démonter (pour cela, les analyses d’Henri Audier, sur le site de SLR, sont fort utiles). Deux tiers des sommes sont absorbés par quelques lignes :

1) Le CIR : il faut souligner le scandale du Crédit Impôt Recherche qui contribue pour l’essentiel à cette hausse proclamée : le 7 octobre dernier, un rapport de la Cour des Comptes déclare que les CIR constituent une baisse déguisée du taux d’impôt sur les sociétés.

2) L’autre grosse partie du budget concerne les primes : c’est une manière d’introduire une concurrence destructrice entre les collègues dans les universités

- En outre, il s’agit d’un budget « autoritaire ». Par exemple, le budget « vie étudiante » a été transféré unilatéralement sur la ligne « Enseignement supérieur et recherche » : ainsi, les activités sportives, etc., sont désormais à la charge des universités.

Se pose également la question du repyramidage des emplois : la transformation de catégories C en A (EC ou administratifs) supprime de fait des postes dans l’ES, puisque la masse salariale est identique, mais non le nombre de postes (2 C = 1 A ou 3 C = 1 A et 1B) : il n’y a pas de bilan disponible pour l’instant sur ce point.

- Les partenariats public-privé. Paris IV vient d’en subir un pour le centre de Clignancourt. Cela permet des choses incroyables : outre les conditions de négociation avec les entreprises menées par le ministère et opaques (confidentialité oblige), les syndicats avaient fait observer que la surface très importante prévue était surprenante. On vient de comprendre pourquoi : dans le cadre du plan sur les universités parisiennes, Paris IV devrait rendre des locaux dans le Quartier Latin car elle a un beau PPP à Clignancourt !

- La revalorisation des traitements de début de carrière pour les MCF. Elle pose en particulier le problème des inversions de carrière (qui font que certains se retrouvent « derrière » les nouveaux recrutés : la revalorisation des débuts de carrière des MCF n’est pas rétroactive). Ce problème résulte du décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 qui revalorise l’entrée de carrière des jeunes maîtres de conférence mais qui induit qu’un MCF encore stagiaire peut être classé à un échelon supérieur à celui d’un MCF titulaire. Voir le texte officiel.

Etienne Boisserie. Complément sur le budget

- Le rapport OCDE 2009 pour la France souligne que parmi les grandes priorités, il faut élargir l’autonomie des universités, surtout pour la gestion budgétaire, le recrutement et la rémunération des personnels. L’OCDE préconise aussi d’élargir le financement privé, par les droits de scolarité et de développer les prêts étudiants (on rappelle le dépôt quasi immédiat en mai d’une loi sur le prêt, à l’initiative de B. Apparu, composée de 2 articles : tout le règlement ultérieur n’était pas précisé. L’exposé des motifs était d’un cynisme absolu : il faisait le constat de la gratuité actuelle, mais affirmait que ce sont les enfants favorisés qui en profitent ; le financement public diminuant, il concluait qu’il faut trouver d’autres moyens de financement, donc augmenter les frais d’inscription !!!)

- Le rapport RGPP étape. Il comprend 5 pages sur l’ES. Plusieurs points restent à améliorer selon le rapport, notamment :
o Pour ma mise en œuvre de la loi LRU : augmenter les ressources complémentaires ; mutualiser les fonctions support entre universités ; parvenir à la modulation de service complète des EC.
o Pour la gestion des personnels : dynamiser la gestion des personnels chercheurs.

- La loi Robinet : adoptée le 29 septembre par le Sénat. Robinet est MCF en médecine à Reims, député UMP. Cette proposition de loi concerne le vote électronique pour les élections internes à l’Université. Elle a été frappée de l’irrecevabilité financière, mais V. Pécresse est aussitôt intervenue et, reprenant le texte au compte du gouvernement, l’a présenté comme projet de loi. Celui-ci ne vise pour l’instant que les conseils centraux. Mais par ailleurs, une proposition de loi visant à sanctionner les blocages d’universités est prévue : les AG devraient être convoquées par le président. Toute personne qui entraverait le bon fonctionnement de l’université écoperait de 1 000 euros d’amende. Il suffit de faire un mélange des deux lois pour que la consultation électronique soit autorisée pour des référendums sur les blocages.

J.-L. F. Effets d’annonces : on reparlera du Conseil pour le Développement des Humanités et Sciences Sociales. Il y a une rafale d’annonces sur la région parisienne, avec un mélange des genres car, de plus en plus souvent, on ne sait pas trop qui parle de la ministre ou de la candidate à la présidence de la région Ile-de-France.

-  Campus Condorcet : différence absolue entre les annonces et la réalité (financière en particulier) ;

-  Restructuration (au terme des 2 mois de concertation qui sont annoncés !) des universités Paris intra muros en 3 pôles. Encore un bel exemple d’« autonomie » (avec pilotage centralisé et prescriptif) et de « concertation » (consistant à informer les partenaires des décisions, de l’horizon et du calendrier fixés par le ministère) !

DISCUSSION

Michel Bernard Sur les primes. C’est un piège, un cliquet qui est installé. La ministre fait la généreuse avec les finances de l’université, alors que rien n’est prévu pour une augmentation budgétaire. Il y a un risque de facture très lourde pour les universités (puisque les collègues vont demander des primes. Deux solutions alors : soit des refus et des injustices, soit grever le budget au-delà des sommes prévues. Cette année, elles existent, mais elles ne seront certainement pas à la hauteur). Cela va augmenter les charges budgétaires et contraindre à augmenter les ressources. Le principe est le même que sur la modulation de services qui entraîne l’adaptation de collègues qui utilisent ce dispositif pour charger une année et libérer du temps ailleurs (même raisonnement que pour la semestrialisation). On risque d’avoir certains collègues contre nous.

Alexis Grélois. L’application des normes SYMPA se fait de manière plus rigide. Pour les universités qui ont beaucoup de petites antennes, cela entraîne une pénalisation car les services administratifs dédoublés sont considérés comme à supprimer dans le système SYMPA.

J.-L. F. Rappel : l’université est mise structurellement dans l’obligation (et en situation partielle) de dépenser plus avant le retrait de l’Etat par l’intégration dans le budget global de lignes qui ne dépendaient pas d’elles auparavant (et avec un financement accru sur certains postes dont on ne sait s’il durera), d’où un chantage potentiel subi par les collectivités locales ou territoriales pour équilibrer des budgets et se substituer au désengagement de l’Etat ; on peut aussi prévoir des inégalités entre établissements grandissantes à cet égard et des arbitrages budgétaires internes douloureux et conflictuels.

Christine Noille-Clauzade. Sur le plan campus et l’argent des collectivités locales : certaines collectivités locales peuvent choisir à quelles opérations elles donnent de l’argent, d’où un risque d’accentuation de différenciation de traitement entre universités ; certaines collectivités locales flèchent les allocations de fonds sur les nanotechnologies, et rien sur le campus sciences humaines.

Marc Lipinski (pour les Verts). Sur le plan campus : ce n’est que de l’immobilier. Les annonces se font en centaines de millions euros, mais ce n’est pas de l’argent utilisable. C’est de l’argent placé. C’est un capital « non consomptible ». Les établissements lauréats pourront utiliser le produit de ce capital placé. Sur l’IDF et Paris notamment : le rapport Larrouturou (totalement commandité par V. Pécresse, et validé avant publication) prévoit 700 millions d’euros de capital donné à 2 ou 3 regroupements d’universités, qui doivent être des établissements publics à créer. Donc, ceux qui ne veulent pas faire un EPCS (à l’instar de P2, P4, P6), ne sont a priori pas éligibles. Il faut bien voir que dans les annonces de Pécresse, il y a cette inclusion de sommes qui ne sont pas utilisables.

Autre point : le chantage exercé par le MESR sur les conseils régionaux (CR) pour dire : vous n’avez pas la compétence, mais donnez de l’argent pour reconstruire les universités que nous avons laissé pourrir. C’est très vrai en IDF, le pire, probablement, à Paris. En même temps, les CR ont une marge de manœuvres très réduite sous la pression des modifications législatives applicables. Pour 2010, il y aura des limitations très fortes des budgets régionaux. En même temps, les CR ont perdu les « compétences générales », c’est-à-dire leur capacité à agir sur des domaines autres que leurs compétences obligatoires. En IDF, l’État est engagé avec la région sur les transports, mais il ne donne pas l’argent, et demande aux régions de faire ce qu’elles ne sont pas sensées faire. Il y a donc un piège : les CR ne peuvent pas ne pas agir dans le domaine de l’ES.

Mathieu Brunet Sur le plan campus, les 3 universités d’Aix-Marseille auront 20 millions d’intérêts par an sur 20 ans. Les travaux dureront 20 ans. Dans 20 ans, il n’y aura plus d’argent, et les bâtiments seront de nouveau à reconstruire.

M. Lipinski. Dans le modèle imposé par le MESR, le plan campus est un partenariat public-privé. Le privé se paie sur les remboursements faits par les universités. Le capital est placé à la Caisse des dépôts.

A. G. On entre dans un système d’appel d’offres généralisé. Ceux qui ne répondront pas seront des tocards marginalisés. Voir l’exemple des chaires d’excellence actuellement.

J.-L. F. 1/ On commence à avoir des chiffres sur le détournement du modèle CIR (crédit impôt recherche). 2/ Bercy refuse de faire du contrôle a posteriori sur la nature des dépenses pour ne pas déranger les entreprises 3/ Un exemple récent à Nice-Sophia Antipolis où l’entreprise indienne d’informatique Wipro a ainsi fermé ses portes et délocalisé après avoir touché en quatre ans sept millions d’euros en CIR.... Du même coup le CIR devient une forme massive de détournement de fonds aux dépens de l’Etat et de mise en œuvre d’une baisse cachée et importante de l’impôt des sociétés de la part du gouvernement.

M. Lipinski. Les PME commencent à s’emparer de ce dispositif. Et le principal bénéficiaire du CIR est AXA (entre 200 et 300 millions d’euros).

E. B. Il faut penser les moyens d’action. Si on veut avoir un impact en termes d’information, on n’a aucun moyen de les dire et quand on les écrit, ça fonctionne mal. Ce qui avait été fait en vidéo sur la mastérisation était très efficace. Il faut diffuser du matériel vidéo où l’on explique ces choses là. C’est une façon efficace de reprendre la main et surtout de reprendre le contrôle sémantique.

POINT 2. MASTÉRISATION

Alexis Grélois.

Il est inutile de revenir sur le contenu d’une réforme qui devait s’appliquer obligatoirement en 2010, car c’est l’année qui verra le plus grand nombre d’enseignants (30 000) partir en retraite et permettra donc de détruire le plus grand nombre de postes de manière relativement indolore en mettant dans les classes deux promotions de jeunes professeurs.

Nous avons remporté 2 victoires, dans lesquelles le rôle de SLU n’a pas été mince : il y a un an, aux États généraux de la formation des enseignants (Créteil, 4 octobre 2008), l’acceptation de la réforme était quasi unanime. Mais nous avons réussi à lancer l’Appel du 8 novembre, puis à obtenir le report d’un an de la réforme des concours, puis à bloquer la remontée des maquettes dédiées. Très peu ont été déposées et l’AERES a refusé de les évaluer. Seul l’enseignement catholique a mis en place des masters « enseignement » et ces derniers ne font pas le plein car ils n’offrent guère de débouchés et leur contenu est très insuffisant : celui de l’Institut catholique de Toulouse ne compte ainsi que 300 heures à partager en plusieurs disciplines + 108 h de stage (par comparaison, la préparation au CAPES et à l’agrégation de l’Université de Rouen propose plus de 1300 heures de cours). L’échec des stages de 108h est aussi à souligner.

Mais l’année se solde sur un double échec :

-  la formation des enseignants n’est pas devenue un enjeu du débat public. Le Snes a fait le choix de soutenir la réforme et de fermer les yeux sur ses dangers en échange d’une vague promesse de revalorisation… qui vient d’être remise aux calendes grecques. On ne peut que se féliciter de la dernière prise de position de l’UNEF en regrettant qu’elle vienne si tard. La direction de la FCPE a pris position contre la réforme, mais n’a pas communiqué à ce sujet dans les sections locales. La presse, à part quelques exceptions, n’y a rien compris.
-  Le gouvernement a donc pu choisir le passage en force avec la publication des décrets, le 28 juillet.

Essayons de faire un peu de prospective, en lisant notamment les discours de D. Filâtre et de la CPU.

Beaucoup de collègues pensent qu’il faut recommencer comme l’an dernier et que le simple blocage des maquettes permettra de faire que les dispositions transitoires – un moindre mal – deviennent permanentes. Mais la réforme peut s’appliquer sans masters dédiés et la situation a changé en un an.

L’an dernier, nous étions encore dans un pilotage administratif autoritaire de la fusion IUFM/UFR, déléguée par la CPU à la CDIUFM (qui avait proposé la mastérisation avant la présidentielle). Cette tentative a provoqué une révolte et débouché sur une « union sacrée » entre UFR et IUFM.
Maintenant, nous sommes bien davantage entrés dans l’anomie libérale. Beaucoup de collègues attendent un cadrage, promis pour décembre ou mars. Il ne viendra pas, ou plus exactement, il sera flou.

En effet, le but de cette réforme est de réaliser enfin dans le supérieur le grand marché de l’éducation, qui est déjà en cours de formation dans le secondaire (la carte scolaire est devenue illisible, entre classes européennes, ZEP bilingues, etc.). La réforme en cours produit la même chose : son but est de produire des formations et des enseignants aussi différents que possible. Confrontés à une offre illisible, les étudiants présenteront de plus en plus des profils différenciés, de manière à répondre aux attentes d’établissements scolaires cherchant à se distinguer par des projets répondant aux attentes diverses de populations parentales segmentées. Certains chefs d’établissement préféreront des candidats doués en didactique, d’autres prendront des docteurs. « La Sorbonne™ » formera-t-elle les futurs profs d’élite du privé d’excellence qui ne demande qu’à se développer ? Actuellement, les contrats entre l’État et la plupart des établissements privés (catholiques surtout) font qu’il est plus intéressant financièrement pour un enseignant d’aller dans le public, mais cela pourrait changer, avec tous les risques de marginalisation du secteur public que cela signifie.

Le flou du cadrage permet d’avoir des maquettes aussi différenciées que possible. Il est hélas probable que la fébrilité des acteurs, en particulier des IUFM légitimement inquiets pour leur avenir, ne débouche sur une floraison de maquettes avant même le cadrage. La motion du département des études ibériques de Paris IV est une forme de réponse à cette pression, mais elle fait voler en éclats l’unité du mouvement contre la réforme.
Les ministères, la CDIUFM et la CPU, mais aussi une partie de la CNFDE, poussent à la professionnalisation « en biseau » (dès la L1) de la formation des enseignants, ce qui pose évidemment un problème de « gestion des flux », comme l’écrit la CPU pour ne pas parler de sélection. Il serait en effet périlleux de préparer plusieurs dizaines de milliers d’étudiants aux métiers de l’enseignement alors qu’il n’y aura jamais plus de quelques milliers de postes par an à leur offrir. Le choix de la professionnalisation ne peut donc qu’amener à un « tubage » des formations, c’est-à-dire à l’instauration d’un numerus clausus en M et même en L1, de manière à ne pas laisser entrer dans les cursus plus d’étudiants qu’il n’y aura d’emplois, qu’ils soient de fonctionnaires, de contractuels ou de vacataires. La question de la sélection est donc posée implicitement.

En apparence, le seul garde-fou contre l’éclatement du cadre national des diplômes est le concours, mais il est en train d’éclater. Il y a des signes de reprise en main des jurys (en histoire, il est par exemple question de faire disparaître certaines périodes du CAPES).

De plus, comme le ministère s’est aperçu que les stages de 108 h ne marchent pas et qu’il veut éviter que les reçus-collés ne forment une masse revendicative, il envisage de proposer aux étudiants des masters de passer au moins deux concours, celui de professeurs des écoles dès le mois de décembre de M2, puis le CAPES en mars. Or actuellement, les formations sont très différentes. Cela induit l’idée d’un M1 très généraliste, puis d’un M2 entre décembre et mars délivrant une formation pour passer le CAPES, dont le contenu sera nécessairement revu à la baisse. Il existe donc un risque élevé de dénaturation du master et du CAPES. Il faut envisager de mettre en place des coordinations de préparateurs, comme cela a été fait en SVT.

Enfin, D. Filâtre et la CPU ont insisté plusieurs fois ces derniers mois sur leur volonté d’avoir une « intrication » forte formation / recrutement, celui-ci devant s’appuyer sur celle-là. Il faudrait donc que le concours prenne en compte ce qui a été fait en master (y compris éventuellement le stage). On va donc vers des concours à la carte, aux contenus individualisés, comprenant deux ou trois des quatre composantes listées par la CPU dans sa lettre aux ministres datée du 2 octobre 2009 : disciplinaire, didactique, ouverture à la recherche, connaissance de l’environnement socio-économique, le tout en 600 heures. La dilution du concours dans le master est en marche ; il sera facile de le supprimer quand il ne sera plus qu’une addition d’ECTS.

Christine Noille-Clauzade

Lit la lettre adressée par L. Collet le 2 octobre 2009 aux ministres de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, à la suite des « États généraux [par internet] de la formation des enseignants » organisés par la CDIUFM, sous l’influence de D. Filâtre. Cette demande des réponses aux 4 principaux problèmes de la mastérisation :
-  comment obliger les étudiants à faire plusieurs choses à la fois ?
-  pas de cadrage ni de gestion des stages.
-  quelle place de la recherche dans ces M ? variable d’une université ou d’une discipline à l’autre ? concurrence ou cadrage national ?
-  incertitude sur le contenu des concours.

La lettre propose :

-  la concomitance formation / concours, en introduisant dans ce dernier une part de contrôle continu validé uniquement par le master. Les concours valideraient plusieurs des quatre types de compétences requises. Concours à la carte : il y aurait différents concours pour les différents étudiants (formation initiale, reconversion professionnelle, reprise d’études, etc.).
-  point de principe : importance des masters en 2 ans.
-  demande d’un cadrage pour les stages.
-  la place de la recherche est réaffirmée, sans dire comment.
-  la CPU, opposée à la multiplication des reçus-collés (nous avons bien travaillé !), appelle à traiter la question de la « gestion des flux de façon responsable, pour nos masters et pour nos jeunes », euphémisme pour ne pas parler de sélection à l’entrée des masters.
-  point à destination de l’UNEF : les bourses, ce n’est pas assez. Il faut inventer des « cordées de la réussite » pour les futurs enseignants.

Une fois de plus, la CPU ne parle pas en notre nom !

DISCUSSION

Hélène Conjeaud Sur le problème de la variation des concours en fonction de la région, n’y a-t-il pas une autre idée, tirée de la stratégie nationale pour l’innovation ? Ce qui en ressort, c’est que les enseignants sont là pour combattre l’idée que la science ne serait pas au service de tous. Il faut convaincre les gens que la science est pour le bien de tous. Se met en place une recherche très particulière, qui n’a plus rien de critique.

M. B. Sur la bataille et les difficultés, il y aura des affrontements internes. D’abord avec les étudiants : si les mesures transitoires s’appliquent bien cette année, les étudiants recalés demanderont le M1. Certains syndicats le demandent déjà. Il faut faire le bilan de ce qui se fait dans chaque université. Les étudiants vont vite faire la différence entre les universités qui vont leur donner un plus (le M1) et les autres. Les textes permettent d’introduire de fortes concurrences entre universités. Il y aura aussi des oppositions entre IUFM et UFR. Les IUFM veulent mettre du professionnalisant partout, et les UFR du disciplinaire. La situation sera très différente dans les universités ayant intégré les IUFM et chez les autres.
Tout l’enjeu de la CNFDE qui aura lieu à Censier le 24 octobre est de savoir si nous pouvons reconstituer un front commun. Si on n’y arrive pas, le ministère va tout faire passer en bloc. Les digues vont céder. La position de l’UNEF va être un point d’appui important. Mais le simple fait de refuser les maquettes ne va pas être une position suffisante.

Pedro Cordoba Les hispanistes de Paris IV ont voté cette motion pour prendre les devants. Pour couper l’herbe sous le pied de ceux qui manœuvrent pour aller contre ce que nous avons revendiqué l’an dernier.

Dès que Filâtre a dit : « il ne faut pas travailler sur les maquettes », je me suis dit qu’il fallait faire le contraire. Parenthèse sur Filâtre : c’est une honte que le représentant de l’université sur cette question soit Filâtre. Nous devrions interdire à cet individu de parler au nom de l’Université.
Les difficultés énormes qui nous attendent ont été soulignées ; elles viennent de ce que nous n’avons pas voulu les voir l’année dernière. L’unité a eu son rôle, mais elle reposait sur une alliance totalement factice, inexistante, puisque les buts des uns et des autres sont incompatibles depuis le début ; c’est une réalité qui émerge et dont il faut tenir compte.

Ce qui émerge de cette histoire, c’est que les collègues, y compris dans les IUFM, prennent leurs distances avec les thèses défendues par la CDIUFM.
Sur la question de la sélection par rapport à celle des concours : des masters pro sans sélection sont totalement impossibles à mettre en place. Il n’y a aucune formation professionnelle qui ne repose sur l’adéquation entre le nombre de places dans la formation et les débouchés envisageables. Si la formation commence en M, il faut à peu près le même nombre d’inscrits que de nombre postes au bout. Et si elle commence en L1, il faut une sélection à l’entrée de toutes les filières universitaires. S’il y a des masters pro enseignement, cela veut dire une sélection très forte à l’entrée. Évidemment, la conséquence de cela, c’est la disparition des concours. S’il y a sélection, il n’y a plus d’utilité du concours.

Dernier point : quoi que décident les intervenants (cadrage ou pas), cela ne pourra jamais être obligatoire. Ces masters enseignements seront facultatifs pour les universités et les candidats. On ne peut pas obliger une université à mettre en place un master enseignement. Les candidats peuvent toujours se présenter avec n’importe quel master en candidats libres, sauf à faire disparaître les concours immédiatement. SI C’EST FACULTATIF POUR LES UNIVERSITÉS COMME POUR LES CANDIDATS, NE LE METTONS PAS EN PLACE. C’est un système de « gestion par le stress » qui amène les personnes concernées à faire ce qu’elles ne veulent pas faire par crainte du pire.

Marie-Albane de Suremain
-  Dans les IUFM, le contexte a changé par rapport à l’an dernier. Les concours sont maintenus pour un an, mais le stage est supprimé dès la rentrée 2010. Les IUFM perdent donc la moitié de leur raison d’être dès la rentrée prochaine, ce qui pousse beaucoup de gens à « accepter » ce cadre pour maintenir un peu de formation professionnelle (formation en biseau).
-  Il y a donc un regain de division, des attitudes qui peuvent aller jusqu’à la défiance réciproque entre UFR et IUFM. L’unité, même factice, a eu une efficacité fonctionnelle l’an dernier. Aujourd’hui, ce front n’est pas présent. Il faut donc aller à la réunion du 24 octobre. Cette défiance tient à des enjeux immédiats pour les IUFM et empêche de lever les yeux du guidon (« Quel service aurais-je l’an prochain ? »). La stratégie des UFR n’est pas toujours lisible et peut parfois être mal interprété (motion de Paris IV).
-  Il y a aussi un repli sur les enjeux locaux (académies, UFR, IUFM). Dans les IUFM, certains sites cherchent à préserver leurs intérêts alors que d’autres sites sont menacés. C’est la division générale, l’émiettement paroxystique. Il faut reconstruire l’unité. Mais l’an dernier, la situation était peu favorable.
-  Un point d’ancrage reste fort, la question des concours, à laquelle les gens sont attachés (à l’IUFM comme dans les UFR). Mais le problème est que l’on ne sait rien de sûr actuellement sur les concours, leur calendrier, etc. Il faut redonner une stratégie globale, ne pas tomber dans le piège du repli sur les situations locales, qui serait catastrophique pour tout le monde.

J.-L. F. Sur la lettre de la CPU : je fais la même lecture que Christine Noille pour les points précis, mais pas sur le point tactique, en raison de l’atmosphère qu’il y avait lors de deux longues réunions récentes sur la mastérisation, organisées l’une par les États généraux de la FDE (CDIUFM), l’autre par la CPU.
➢ contrairement à d’autres réunions avec les mêmes interlocuteurs, le discours de consensus était cette réforme est vraiment nulle. C’est nouveau. Prenons-les au mot. Essayons de casser ce raisonnement paradoxal consistant à dire que cette réforme nulle doit être appliquée.
➢ deux positions sont possibles : soit comme P. Cordoba, prendre la position contraire, soit de façon moins mécanique, prendre la CPU et la CDIUFM au mot pour rebondir dans la lutte sur ce point-là. Tactiquement, c’est l’un des rares points de l’an dernier sur lequel on peut gagner. Je suis persuadé qu’on peut obtenir l’annulation des décrets, même si on a des raisons d’être pessimiste sur l’ensemble de la réforme.

Il y a quelques lignes de front importantes (tout cela est sorti pendant la réunion de la CPU, à la tribune) :
-  La différenciation de la place de la recherche. Dans le référentiel des quatre blocs, cela ne fonctionne pas pareil partout. Pour des PLC de sciences, cela ne fonctionne pas comme pour les PLC de SHS : il a été dit clairement que les professeurs de sciences n’avaient pas vraiment besoin de lien avec la recherche.
- Dans les tuyaux, pour contrer l’objection de Pedro Cordoba, il y a une proposition de suppression de l’accès au concours autorisé pour tout master.
- Sur la sélection : la position de l’UNEF par sa dureté est extrêmement importante. Elle a plusieurs raisons : le refus de la sélection, mais aussi le fait que leur principal rival dans le syndicalisme étudiant, la FAGE, a pris la position contraire. La FAGE a été la seule organisation syndicale dans la réunion du 7 octobre à approuver cette réforme.
- Sur les stages, P. Baranger (ancien président de la CDIUFM) a reconnu que comme les étudiants préparationnaires ne veulent pas les faire, seuls les feront ceux qui ont le couteau sous la gorge financièrement et ceux qui vont profiter d’un effet d’aubaine (3 000 euros à récupérer, sans espoir aucun du concours). Mais ce qu’il propose, c’est de rendre les stages obligatoires en leur consacrant l’une des épreuves du concours.
Pour la première fois, nos adversaires mettent donc l’accent sur ce qui ne va pas et proposent des solutions pour en sortir. Mais leurs propositions vont dans le sens d’un renforcement de l’autoritarisme administratif, en barrant l’accès aux concours à ceux qui ne seront pas passés par un master enseignement et qui n’auront pas fait de stage de 108 h. Le renforcement du cursus intégré est le seul moyen d’obliger les étudiants à faire ces stages et de les rendre obligatoires comme éléments du concours.

C. N.-C. Oui, la CPU reprend nos principaux arguments. Mais leurs conclusions ne vont pas du tout. Attention à la rhétorique ! Les prendre au pied de la lettre, d’accord, mais aussi dénoncer ce détournement de nos arguments au service de quelque chose qui est encore pire.


M. B.
voici la liste des six points sur lesquels il faut construire la mobilisation :
1. Pas plus que l’an dernier, il n’est possible de créer un bon master qui réunisse travail de recherche, préparation au concours, formation professionnelle et stage. C’est ce que montrent les masters des instituts catholiques.
2. Les UFR restent sensibles aux menaces pesant sur les masters recherche.
3. Les IUFM et bien d’autres continuent à dénoncer la suppression de la formation professionnelle après le concours, qu’un vague compagnonnage ne saurait remplacer.
4. Le risque de multiplication des reçus collés est bien réel.
5. Les stages reviennent à utiliser des étudiants comme bouche-trous.
6. Il faut dénoncer le risque de dénaturation des concours par les projets des ministères (épreuves administratives) et de la CPU (épreuves différenciées, contrôle continu, prise en compte des stages).

C. N.-C. Il faut demander une véritable formation continue, financée et cadrée.

P. C. D’accord avec Michel Bernard. Mais il faut être précis sur la formation continue : ça ne marchera jamais en France s’il n’y a pas de rétribution à la clé. Il faut que, comme en Espagne ou au Portugal, un prof qui fait une formation supplémentaire soit augmenté.
Sur la question essentielle (JLF et MB) : est-il possible d’obliger les candidats au concours à avoir un master pro, a avoir fait un stage, etc. ? NON, à moins de remettre en cause le règlement de la fonction publique, qui implique que tout concours soit ouvert aux candidats libres. Il est impossible de faire autrement juridiquement (actuellement). Donc quelqu’un qui a le diplôme requis peut présenter le concours.
Peut-on intégrer dans le concours des épreuves qui obligeraient à faire un stage (rapport de stage) ? OUI (cf. écoles scientifiques). Mais on peut le mettre en place à l’université à condition de découpler le master de la préparation au concours. Les étudiants feront le master, puis les stages (offerts par le Rectorat). Il faut pouvoir séparer diplôme et concours : ce sera vrai pour l’agrégation, pourquoi pas pour le CAPES ?

M.-A. de S. La formation continue est enjeu majeur. Cela coûte très cher ; il faut financer. Or elle ne l’est plus par les rectorats. Luc Chatel a récemment dénoncé le manque criant de formation contine , mais, attention, il ne la conçoit que pour préparer la réorientation professionnelle des professeurs vers d’autres métiers !

POINT 3. LA RENTRÉE LRU

Mathieu Brunet et Bertrand Guillarme. Loi LRU et primes

Loi LRU : problème du bilan sur les comités de sélection (pas suffisamment de retours). Mais on peut dire que les problèmes de localisme ne sont pas contrés.

Question des primes : 34 M d’euros sont budgétés pour les primes.
Les primes d’excellence scientifique (ouvertes à tous, chercheurs, EC) : de 3 500 à 25 000 euros. Distribution : si l’université n’est pas entrée dans les compétences élargies, l’attribution des primes se fait seulement sur proposition de l’instance nationale d’évaluation (experts nommés par le ministère). Si l’université est passée aux compétences élargies, le président peut recueillir l’avis de l’instance (cas de Paris 6 : il n’a pas tenu compte de l’avis).

Les primes de responsabilité pédagogique (jusqu’à 15 000 euros) : c’est le CNU qui évalue les EC, avec prise en compte de l’appréciation des étudiants.

La lutte contre ces primes va devenir encore plus difficile, avec la segmentation de la carrière universitaire et les divisions entre les individus.

Ph. Büttgen ajoute des précisions sur le système des primes pour les chercheurs. Le montant total des primes à distribuer à l’intérieur du CNRS s’élève à 5,4 millions d’euros. Comme à l’Université, le montant individuel s’étale entre 3 500 et 25 000 euros, ce qui représente un "vivier" de 1 500 lauréats potentiels sur environ 11 000 chercheurs (les personnels ITA bénéficient de primes depuis plus longtemps, qui sont généralement réparties égalitairement par les directeurs d’unité).

Il semble qu’un système à trois étages soit prévu : 1. primes attribuées directement par le Ministère ; 2. primes attribuées par la Direction, i.e. le CA de l’organisme ; 3. primes attribuées par l’instance d’évaluation, i.e. les sections du Comité national de la recherche scientifique. L’étage 3 ne pourra pas être construit avant l’année 2010-2011. D’ores et déjà, les réactions visent les primes de l’étage 2, dont les critères d’attributions devraient être définis lors de la prochaine réunion du Conseil d’Administration, à l’automne. La Conférence du Président de sections du Comité national s’est prononcée contre le principe, comme les Conseils Scientifiques d’Instituts. L’argument est à chaque fois que l’attribution de primes individuelles casse la dynamique collective de la recherche. Dernier point, concernant l’étage 3. Les sections du Comité national siègent trois fois dans l’année (deux sessions d’évaluation, une session de concours). L’attribution des primes censées être l’an prochain de leur ressort devrait faire l’objet d’une session supplémentaire, c’est-à-dire découplée de l’évaluation à la fois des individus et des équipes. Préventivement, les plus fortes résistances se sont déjà manifestées. Une riposte possible : faire dépendre l’attribution des primes de l’évaluation des chercheurs (80% d’évaluations positives : cela reviendrait à faire perdre aux primes leur caractère de production d’inégalités).

Modulation des services : le référentiel d’équivalence horaire (arrêté de juillet 2009) est fixé sur le mode du forfait. Les universités ne peuvent donc distribuer que ce qu’elles ont. C’est la destruction du référentiel national en termes de carrière.
Le service ne doit pas s’écarter sur une certaine période de 192h. Cela donne le moyen de construire des temps de sabbatique autofinancé.

Précarité : le Nouveau Contrat doctorat inclut un service variable de la recherche, de l’enseignement, de la valorisation de la recherche, etc. C’est un contrat rémunéré soumis à un plancher, et avec un plafond variable selon les moyens de l’établissement. Il doit être signé dans les six premiers mois après l’inscription en thèse de l’étudiant (d’où des problèmes pour ceux qui ne sont pas dans le « moule »).

Apparition du contrat d’ACERU (assistant contractuel d’enseignement et de recherche) : contrat de durée variable, avec un montant variable, mais sur 192h.

Le service d’enseignement en université pourra aller jusqu’à 576h pour les non agrégés non certifiés.

Pour tous ces nouveaux statuts précaires, est souligné le rôle fondamental des CTP, même s’ils sont seulement consultatifs. C’est là que doivent passer tous ces nouveaux statuts. Le CTP est en effet soumis à un recensement complet des personnels (bilan social des universités). Ce bilan peut être explosif : il fait apparaître l’état des emplois dans l’établissement.

Personnels Biatoss : individualisation des carrières, entretien professionnel ; rémunérations dépendant des PFR (primes de fonction et de résultat). On est passé à une individualisation totale des parcours et des carrières
➢ C’est un des échecs de l’an dernier : ne pas avoir réussi à articuler les combats des personnels Biatoss et ceux des EC. Or, il y a urgence à réussir cette jonction.

Vote du passage aux RCE : il est précédé d’une négociation entre la direction et le ministère concernant la masse salariale (toutes les enveloppes supplémentaires comprises, primes, etc.). Exemple de Paris 6 encore : la masse salariale a augmenté de 60% pour les EC et de 30% pour les Biatoss. C’est une sorte de pourboire à destination des établissements qui acceptent de passer aux RCE rapidement.

Désormais les universités vont payer les salaires de fonctionnaires et de vacataires, dont les cotisations chômage des précaires. Aussi sera-t-on amené à envisager différemment les recrutements sur des postes précaires (profils avec agrégation ou capes…).

DISCUSSION

Question sur l’évaluation par le CNU. Où en est-on de la mise en place d’une évaluation individuelle de tous les EC tous les 4 ans ?

A. N. Pour l’instant, c’est en suspens. Le CNU a pris une position claire contre la mise en place de l’évaluation en raison du manque de moyens humains et matériels. Il n’y a pas de lieu, pas de secrétariat. Mais l’élection à la CPCNU lui a donné comme nouveau président Frédéric Sudre, à la tête d’une section archi-sélective (droit public).

B. G. L’évaluation des EC par le CNU est déconnectée de l’évaluation par le ministère pour les primes.

P. B. Il y a un besoin d’harmonisation des procédures d’évaluation d’une section CNU à l’autre. La CPCNU est avide d’informations. Elle n’a pas les moyens. Une petite aide est à venir (un secrétariat général permanent), mais pour l’instant, le flou est total.

Autre cloisonnement : entre l’évaluation des individus et celle des équipes de recherche. Le CNU est allé aussi loin qu’il pouvait pour demander le couplage des deux. Un communiqué commun est paru en mars, puis il y a eu un recul total, et aucune prise en compte de l’évaluation des équipes (J. Moret a été rappelé à l’ordre).

M. B.. Qu’allons-nous faire ? Axe du boycott : l’AERES est mieux que le CNU à titre individuel.
Bataille sur l’établissement : que l’établissement ne tienne aucun compte de cette évaluation par l’AERES.

A. F. On voit que dans les établissements passés aux RCE, les critères d’évaluation individualisée sont délirants. C’est faire entrer les gens dans le processus qui les amène à se détruire.
Innovation pédagogique : comment l’évalue-t-on ?
Se pose d’ailleurs le problème de la rémunération de l’université en fonction du taux de réussite ; et de l’évaluation des carrières en fonction de l’innovation technologique, notamment de l’utilisation des plates-formes en ligne (filmer les enseignants : déclaration de V. Pécresse cet été à ce sujet ; cela pose le problème des droits d’auteurs, etc.). Est-ce qu’on se bat pour ne pas être évalué ou est-ce qu’on se bat pour être mieux évalué ?

R. S. Ancien élu au CNU (10e section). Sur quelles infos les sections du CNU endossent-elles la tâche d’évaluation ? En fait, uniquement à partir des dossiers qui viennent des établissements. D’où, comme conséquence, le fait que le CNU va venir cautionner la dérive localiste. Une position tenable : refuser l’évaluation, en produisant une argumentation forte pour l’expliquer. Il faut démissionner au moment où ces nouvelles tâches sont imposées au CNU. Où en la réflexion dans les sections ?

J.-C. Z. Témoignage sur un directeur d’unité qui a établi un « diagramme managérial » classique, selon les axes comportement, état d’esprit, compétence, avec échelle de 1 à 10… Dans l’état actuel des choses, la seule ligne qu’on peut tenir : c’est non !

N. S. L’innovation pédagogique est peut-être un front à ouvrir (à SLU ?). Sur la question de l’évaluation par les étudiants : il peut y avoir du grain à moudre si c’est bien fait. Il faut promouvoir l’évaluation pédagogique contre une évaluation à des fins de management. Il y a de l’évaluation pédagogique à mener dans les universités, quand même, et notamment une mise en commun des expériences pédagogiques des uns et des autres afin d’améliorer les choses. Ouvrir un front « réflexion pédagogique » et l’intégrer, le lier à nos combats, serait un moyen de prendre à revers ce qu’on nous impose comme évaluation.

A. N. OK pour le boycott du CNU. Mais cela laisse le problème de l’évaluation au local, et il est alors plus compliqué de lutter.
➢ Organiser des comités de veille : faire ressortir les abus et les dérives caractérisés. Les RCE mettent le président en 1e ligne.
➢ Sur l’innovation pédagogique : ok pour une réflexion immédiate large, sur celle que nous voulons dans l’Université. Le mouvement de l’an dernier a permis des expérimentations qui ont entraîné quelques changements, des choses nouvelles (suppression du CM, révision du TD…). Mais cela exige des moyens et un taux d’encadrement fort.
➢ On peut se passer d’évaluation, s’il y a une élaboration de critères communs pédagogiques.

H. C. L’évaluation pratiquée tous les 4 ans par le CNU est forcément une évaluation sanction. Cela ne marchera pas, quels que soient les moyens mis.

S. C. Refus de l’évaluation comptable. Il faut se battre pour une évaluation qualitative : démissions CNU ; boycott de l’évaluation. Cf. les Biatoss : exiger que l’évaluation soit déconnectée de l’évolution de leur carrière.

I. B. Il est très difficile de refuser le boycott de l’évaluation comme ça. Il vaut mieux mettre l’effort sur l’idée d’évaluation juste. Ce sur quoi on veut être évalué.

C. N.-C. Il faut articuler cela avec un projet d’évaluation. Cf. le discours que nous tenions l’an dernier : nous sommes évalués tout au long de notre carrière. Cela implique de préciser ce principe d’une évaluation scientifique, individuelle… et de ne pas se mettre dans la position de ceux qui ne veulent pas être évalués.

M. B. Un moyen d’action possible est la grève du zèle : on fournit des éléments d’évaluation, mais non chiffrés. Cela revient à engorger le CNU… On envoie un paquet de tirés à part, plus quelques pages qui expliquent ce qu’on a fait : il est impossible de mettre ça en grille. On accepte d’être évalué, mais on n’accepte pas une évaluation sommaire. Le CNU ne pourra jamais faire le travail dans ces conditions.

C. N.-C. Les réformes actuelles sont inapplicables dans la pratique. Il faut le faire savoir de façon très claire. Le CNU ne peut pas évaluer, la mastérisation ne peut pas être mise en place telle quelle. On a affaire à un déni de réalité en ce qui concerne le niveau de l’application des réformes.

POINT 4. RECHERCHE

Hélène Conjeaud

A propos du rapport concernant la stratégie de recherche et d’innovation : analyse de la préface de Pécresse et des 600 personnes qui ont élaboré la stratégie. 3 points sont soulignés :

1/ Le discours de Pécresse est à l’opposé du discours de Sarkozy le 22/01/2009. Il consiste à caresser les sciences dures dans le sens du poil en leur confiant l’avenir de la planète. C’est un discours connu sur le mode «  la science va résoudre tous les problèmes ».

Toutes les « révolutions » évoquées (énergie, numérique, biotechnologie) sont technologiques et non plus politiques. Le seul objectif clair est de sortir de la crise économique sans rien changer politiquement. L’intéressant de ce rapport et de ce discours est ce qu’il ne disent pas sur la recherche et la science : leur rôle critique n’est jamais évoqué. Le rôle des sciences sociales est limité à la facilitation des interfaces interdisciplinaires et à une aide aux sciences dures pour renverser l’image négative suscitée par les catastrophes écologiques. À la fin de son discours, elle prétend que les choix résultent d’une large concertation de la "Nation tout entière" !

2/ Qui est cette « Nation » ? Les 600 personnes en question se ventilent comme suit : moins de 5 % de parlementaires et d’associatifs ; 1/3 de femmes ; chez les universitaires, une seule personne qui n’est ni DU ni PR. Parmi tous ces DU ou PR, la plupart sont directeurs de département scientifiques, de pôle d’excellence, etc.

3/ Le rôle de la science est réduit à l’innovation et à la technologie, la recherche critique abandonnée, sans même parler des SHS.

Elie Haddad

- Sur le Crédit impôt-recherche (CIR) : beaucoup de choses ont déjà été dites aujourd’hui. Le CIR existe depuis plusieurs années. La loi l’instaurant a été revue en 2008. Au départ, les dégrèvements fiscaux ne valaient que pour les efforts d’augmentation de recherche des entreprises. Depuis 2008, cela vaut pour l’intégralité des sommes consacrées à la recherche. Cette modification efface tout effet incitatif. Le CIR peut aller jusqu’à 30% du budget Recherche et Développement d’une entreprise, dans la limite de 100 millions d’euros. Les prévisions pour 2009 tablent sur 3,5 milliards d’euros de CIR et 4 milliards/an au cours des 4 prochaines années, soit le double de l’effort consenti pour les universités.

- La « dés-UMR-isation » : les cas sont nombreux et difficiles à recenser. Un site a tenté de le faire, mais il a été peu utilisé et il ne fonctionne plus. Les échos sont pourtant nombreux. Parmi les cas les plus récents, la sociologie apparaît dans la ligne de mire de la direction du CNRS. Tous les laboratoires de sociologie de l’EHESS ont été désUMRisés sauf un ; idem à Lille 1 pour l’UMR Clersé de sociologie. Il y a peut-être une politique scientifique derrière, donc. Mais cela touche aussi d’autres disciplines. Les critères sont totalement opaques. Les UMR sont transformées pour 2 ans en FRE (formation recherche en évolution). Au départ, il s’agissait de les inviter à repenser leur programme de recherche pour être réévaluées, avant un retour au statut d’UMR. Désormais, ces laboratoires désUMRisés sont fortement incités à se regrouper avec d’autres laboratoires, sous peine de devenir de simples équipes. Cette politique est donc plus agressive. C’est un point chaud, car c’est la structure même de la recherche en France qui est touchée, ce qui est d’autant plus incompréhensible que même C. Bréchignac a
reconnu que les UMR fonctionnaient bien.

- Sur la situation plus générale au CNRS : les instituts ont été créés, ils ne sont pas nationaux. À l’intérieur de ces instituts, les luttes sont fortes entre les directions et les conseils. En SHS, la direction de l’institut est hostile aux structures de la recherche telles qu’elles étaient jusque là dans ces disciplines, et engage une politique volontariste pour que la recherche se transforme en fonction des logiques d’appels d’offre, de programmes financés à court terme et d’évaluation « managériale ».
Les logiques concurrentielles sont déjà en place, elles sont fortes. L’évaluation privilégie le quantitatif, et le fait de rapporter de l’argent. On distingue ceux qui « jouent en 1e division » et les autres (dixit un DU)…

- Le problème des ITA : ce sont très clairement, pour la direction du CNRS, des « moyens ». Certains recrutements et certaines affectations d’ITA dans laboratoires se font pour 2 ans, renouvelables une fois. Au terme de ces 4 ans, ils doivent eux-mêmes chercher un nouveau laboratoire. Il n’est bien sûr pas exclut qu’ils ne trouvent pas de laboratoire prêt à les accueillir ou pouvant les accueillir. Dans ce cas, il n’est pas exclut que la loi sur la mobilité des fonctionnaires s’applique… C’est une logique en cours d’institution ; seuls certains postes sont actuellement définis ainsi. Ex. : centre d’égyptologie de Karnak : cas d’un tailleur de pierres et d’un documentaliste. Pour ce dernier poste en particulier, l’absence de perspective au-delà de 4 ans pose un problème de suivi, de continuité, et, in fine, de qualité du travail mené. La rotation permanente ne peut pas être une politique.

La précarité des ITA, comme celle des BIATOSS, relève de logiques qui seront mises en place progressivement pour les chercheurs et les EC. Le terme de « moyen » pour les chercheurs a déjà été employé. Il y aurait des grands patrons, directeurs de laboratoires, avec des chercheurs spécifiques affectés sur projets spécifiques, de moins en moins de titulaires, et de moins en moins d’ITA, amenés à jouer le rôle de petites mains.

Les ANR jouent un rôle fondamental dans ce système. L’idée de boycott (SLR) n’a pas pris. La vraie difficulté est la suivante : que fait-on par rapport aux ANR ? C’est le principal moyen de mise en concurrence des chercheurs, des EC et des labos.

DISCUSSION

S. C. Les sciences dures sont dans une autre logique : logique de pôle, de concentration d’équipements lourds sur des campus, ce qui entraîne une concentration d’ITA.

Il faut souligner le rôle des ANR dans la rotation des personnes puisque le financement est de 4 ans au maximum, avec interdiction de déposer une suite officielle. Toute possibilité de recherche de longue haleine est donc cassée au profit de projets courts.

A. S. Sur la question du passage du statut d’UMR vers celui de FRE : dans un certain nombre de cas, cela répond à une logique démographique. Les UMR transformées en FRE n’ont souvent plus qu’un seul chercheur qui a 50-55 ans, donc on ne recrute pas.

J.-C. Z. A Lyon, un chantage a été fait : ou vous regroupez les 2 UMR de la section 36 (sociologie), ou on fait sauter tout. Il y a une politique ciblée sur la sociologie.

Sur la question de l’ANR : elle est fondamentale. Mais jamais un directeur d’unité ne renoncera à aller chercher de l’argent. Sinon, il n’aura pas d’ITA. Le CNRS a créé 400 postes l’année dernière, l’ANR l’équivalent de 5 000 d’un point de vue financier.

Il faut relancer le combat sémantique.

H. C. On assiste au même phénomène de précarisation pour les post-doc : ils sont recrutés pour 1an ½ dans les ANR.

A. N. Dans les documents d’évaluation envoyés par AERES aux UMR, on n’est pas obligé de tout remplir. On peut mettre des lettres d’accompagnement expliquant pourquoi on ne remplit pas telle ou telle item. Cela n’entraîne pas nécessairement une mauvaise évaluation. On peut également rendre des bibliographies collectives.
Sur les FRE : on trouve de « vraies » FRE (des équipes qui avaient des problèmes) dont les chercheurs sont « reversés » dans d’autres laboratoires.

J.-L. F. Il faut s’habituer à associer la question « recherche » à la question « master ». Ils vont nous vendre les masters FDE comme des masters recherche (puisque c’est un master, il faut un adossement recherche, sinon ce n’est pas un master). On nous promet que ce ne sera pas uniquement de la didactique. Surtout, ça va faire partie de la reprise de nos arguments pour défendre leurs positions.

Laurence Giavarini Le « Conseil pour le Développement des Humanités et Sciences Sociales », mis en place par Pécresse cet été et dont la première réunion s’est tenue en septembre, a l’air de promouvoir les disciplines majoritairement représentées ici. Mais sa composition comme ce qui est attendu de lui montrent le biais. Voir la première réunion qui place en tête des objectifs « l’employabilité des étudiants en SHS » (Cf. le CR sur le site de SLU).
Ce serait sans doute une erreur de croire qu’il y aurait quand même avec ce conseil quelque chose qu’il faut préserver. Ce n’est pas là que les choses essentielles se décident.

E. H. Ce Conseil pour le Développement SHS présente un avantage : c’est la façade visible qui masque les vrais lieux de décision concernant les SHS. La façade est bien pensée : grossièrement, la composition regroupe trois catégories de personnes :
-  des membres de la « société civile » ;
-  ceux auxquels on s’attend, qui sont ouvertement à droite ;
-  un noyau très clairement marqué sciences sociales : la caution intellectuelle et politique car perçue comme « de gauche » de cet organisme. Mais elle est composée de personnes qui, en général, sont pleinement dans la vision de l’excellence, et rêvent d’un modèle « américain », ou d’universités ou d’établissements d’excellence internationalisés par leurs dimensions et leurs recrutements.

POINT 5. PROJET CONTRE PROJET

Laurence Giavarini

Durant le mouvement, une question était récurrente de la part des journalistes : « nous savons ce que vous refusez mais que voulez-vous véritablement ? » Il faut que nous nous interrogions sérieusement sur ce point. On croit le savoir, le lire en creux dans nos refus, mais dans le fond, il y a un combat et un débat langagier, sémantique, à mener : à la fois un combat contre nos adversaires et un débat entre nous pour clarifier ce qui peut faire accord. Cela signifie mener un travail constant, dans nos textes et publications, pour éclaircir ce dont on parle. Par exemple dans « service public », qu’entend-on par « service » ? Si l’on observe la manière dont le terme peut être mis en avant par ceux qui en ont une approche commerciale, il est clair que nous ne parlons pas du même « service ».

Ce qui nous "arrive" est aussi dû à un défaut de prise en charge des acquis de l’université au cours des 40 dernières années et à une absence d’état des lieux. Si ces réformes étaient nécessaires (comme le prétend le ministère), il fallait commencer par faire cet état des lieux qui aurait permis de légitimer la réforme (comme le soulignait l’article de M. Gauchet dans Le Monde, le 22 avril dernier), et que le film "Université, le Grand soir" a commencé de faire. La gauche elle-même ne fait d’ailleurs pas son travail de prise en charge d’un projet global de société lié à l’éducation qu’elle a pourtant porté (80 % d’une classe d’âge au bac, c’est une politique voulue par la gauche. Quelle en sont les conséquences pour l’université ? Il fallait le regarder en face et prendre en charge les conséquences, pour l’université, d’un tel projet).

Par ailleurs nous n’avons pas été vigilants dans le passé récent sur les effets à terme des réformes que nous acceptions de mettre en place. Ce fut le cas avec le LMD qui transformait déjà les diplômes en produits, avec l’extension des formes de précarité et avec l’acceptation de politiques salariales et d’emploi nouvelles telles qu’elles étaient en germe avec la multiplication des PRAG.

Pour ce qui concerne les bilans et réflexions, on peut tout de même observer qu’il y a déjà eu des initiatives de ce type avec les États Généraux lancés en 2005 par SLR. Trois problèmes, cependant, trois questions :
- Le premier est que ces EG ont été d’emblée marqués par certains glissements qui ne relèvent pas seulement des manipulations gouvernementales : ainsi en est-il de l’idée d’« excellence » très clairement promue par le rapport final des EGR au rang de « critère » d’évaluation et de promotion de ce que doit être la recherche. À certains égards, le ver était dans le fruit, et il ne faut pas s’étonner que soit repris, voire détourné un « principe » qui était une acceptation d’un point qui est aujourd’hui objet de discussion et qui sert à individualiser les carrières, mettre les chercheurs et enseignants-chercheurs en concurrence les uns avec les autres.
- Le deuxième problème posé par les EGR a été leur rapport au politique. Ils ont été d’emblée confrontés à l’intention ministérielle de monter ses propres EG, et à certains égards, récupérés par les bonnes intentions politiques affichées, notamment au moment des conclusions. Ils ont souffert de cette imbrication plus ou moins subie avec le pouvoir en place.
- Le troisième point tient au fait qu’au départ de ces EGR, il y a quand même l’idée qu’il existerait un lieu de réflexion sur l’enseignement supérieur et la recherche qui serait hors de l’action. On voit revenir ce point, de manière plus aiguë, dans le texte des « refondateurs », à la fin du mouvement de ce printemps : c’est un texte qui se situe entièrement "hors de" la mobilisation, qui n’y fait jamais, nulle part, référence, qui s’auto-décontextualise. Comme si la réflexion ne pouvait pas être dans le même lieu que l’action, comme si l’écriture mobilisée n’était pas au cœur de l’action, voire action elle-même. Nous pensons au contraire que l’analyse doit s’ancrer au cœur de l’action – et c’est là dessus d’ailleurs que nous avons voulu finir le texte sur la repolitisation de l’université par le mouvement de ce printemps.

Le texte des refondateurs avait au demeurant un aspect intéressant : il prenait acte du caractère dual du système d’enseignement supérieur en France et y voyait une illustration de son caractère élitiste et inégalitaire (parfois contesté, y compris par l’un d’eux, M. Gauchet, récemment, dans un "chat" du Monde, qui observe que la France a peur de l’élitisme).

Mais il faut savoir aussi de quoi l’on parle quand il s’agit de « revaloriser » l’université. Benoist Apparu, ancien rapporteur de la loi LRU et ancien responsable de son comité de suivi, a souligné à plusieurs reprises sa volonté de « mettre l’université au cœur du système ». Il n’y a pas de raison de ne pas le croire, mais il faut comprendre ce qu’il entend par là : une forme de centralisation du système qui s’attaquera à sa pluralité, aux modalités de coexistence de formes de recherche et d’enseignement différentes, pour construire la possibilité d’un contrôle politique plus grand sur "l’université". Or, cette pluralité est précieuse et ne doit pas être lue, ainsi que le fait le politique, comme une dissémination et une dispersion des lieux de la recherche et de l’enseignement.

On peut, pour comprendre cette idée, s’appuyer sur ce qui se passe en Californie pour défendre cette idée. L’Université publique de Berkeley connaît grèves et teach-in depuis plusieurs semaines. Certains ont été mis en ligne sur le site de SLU, notamment la communication de Wendy Brown, professeur de Sciences politiques, qui est particulièrement intéressante : ce qui est frappant dans son explication de ce qu’est la privatisation à l’Université de Californie est qu’elle articule un raisonnement où l’on retrouve l’ensemble des points que nous avons mis en avant dans notre mouvement. Malgré ce que l’on sait et que l’on peut imaginer des différences entre les deux systèmes (américain et français), W. Brown détaille le même processus que celui que nous n’avons cessé d’analyser l’année dernière. Elle met surtout en avant ce qu’est l’université comme service public, c’est-à-dire comme bien commun, comme « projet collectif » : la coexistence de départements qui n’ont pas les mêmes besoins (financiers, humains), qui ne « rapportent » pas exactement la même chose en termes financier et humains non plus, mais dont les besoins et les apports sont régulés par un même projet, qui est « l’université ».

C’est cela, la pluralité. Et il faudrait se le rappeler chaque fois que nous sommes tentés de mettre l’accent sur nos différences (disciplinaires notamment) plutôt que nos points communs. Dans notre projet, il serait ainsi nécessaire de penser ce qu’est une discipline, de penser les disciplines à partir de ce qui les intègre dans une pensée commune de l’éducation, de la recherche, de la transmission. Y a t-il par exemple des disciplines qui aient moins besoin que d’autres de la recherche « fondamentale », d’une forme de « réflexivité » ? Et la question financière, pour les sciences dures, doit-elle modifier si profondément qu’on le dit, si radicalement, les positions des chercheurs en sciences dures à l’égard des réformes ?

Dans cette réflexion sur la pluralité, il faudrait ainsi penser les structures qui doivent organiser le système (rapport local/national) ainsi que le rapport à l’extérieur (notamment avec la question de l’Europe et du modèle à défendre). Il faut penser le rapport entre les structures françaises et ce qu’elles fabriquent, notamment sur le plan de "l’élitisme".

DISCUSSION

Michel Bernard se dit pas tout à fait en accord avec l’idée que nous n’avons exprimé que des refus. Nous avons affirmé, en creux sans doute, des valeurs. Nous pouvons les mettre en système, il n’apparaît pas forcément tel quel alors qu’il l’est (cohérent). L’expression des refus dessine les valeurs et le système. Parce qu’elles sont ce qu’elles sont, parce qu’elles sont porteuses d’avenir.

Laurent Audoin (responsable aux Verts de la commission Enseignement Supérieur). La gauche ne pense pas la formation supérieure, les « 80% d’une classe d’âge au bac ». Est-ce un effort que l’individu fait pour lui-même, ou un investissement de la nation sur elle-même. Les structures en découlent. L’université a eu du mal à affirmer l’idée que nous formons par la recherche (et pas forcément pour la recherche). Or c’est inévitable. Il est impossible de garantir des postes à tous les doctorants. Il faut définir une ambition plus globale que ce que l’on a l’habitude de faire.

A. N. La question du projet va de pair avec deux choses essentielles.
1/ La place du savoir dans la société ;
2/ un discours d’autodénigrement (des nuls qui forment des nuls et qui n’ont pas les moyens de faire autre chose) contre lequel il faut aller.

Il faut dire et redire : tous les étudiants ne seront pas chercheurs, mais ce n’est pas l’unique vocation de l’université. Les hommes formés dans les universités ont du boulot. Si le seul critère c’est l’employabilité, et que nous l’acceptons, on met le doigt dans un engrenage qui fait qu’un nombre certain de disciplines disparaîtront. Il faut détruire ce discours.

L’autre niveau est celui des principes (collégialité, etc.).
Dans le fond, même en cas de retour miraculeux de la gauche, s’ils nous demandent ce que nous voulons, nous ne le savons pas.
Questions de pédagogie, questions de statut des étudiants, questions des structures universitaires…. tout cela il nous faut le penser.

A. C. Sur le bilan de 40 ans. Il faut effectivement travailler sur la pédagogie. La pédagogie en classes préparatoires est plus mauvaise que chez nous (c’est une logique de lycée qui y prévaut). Pour ce qui est de la massification, lorsqu’on a commencé à massifier, on a considéré qu’il fallait initier vite à la recherche (commencer la recherche dès le 1er cycle).

H. C. La définition de la science moderne passe par deux choses : l’avancée des connaissances, mais aussi le doute. Sans cela, on est dans le dogme. Or cela s’oublie, en particulier dans les sciences dures, qui énoncent aujourd’hui des « vérités ». L’échelle de temps des phénomènes physiques n’est pas celle de la vie humaine ou des sociétés. C’est ça qui fait vérité. En biologie on a des normes plutôt que des vérités. Le développement technologique, en biologie, est absurde (cf. l’échelle de temps).

N. S. Il faut poser la question au MESR et aux partis de gauche de la façon dont on peut et doit reprendre et poursuivre la nécessaire démocratisation de l’enseignement supérieur. En France, cette démocratisation s’arrête dans les années 1990 (voir Eric Maurin). La politique actuelle ne le permet pas. C’est un axe, un coin à enfoncer. Pécresse ne répond jamais à cette question. La démocratisation est un outil politique. Il y a l’excellence, certes, mais quid de la démocratisation ?

J.-L. F. Il convient de redire une chose simple : c’est non seulement pour des raisons idéologiques classiques de la droite française (en gros l’élitisme et la haine des masses) mais aussi pour des motifs économiques que les réformes sont pensées. En bref, l’excellence ça coûte moins cher que la démocratisation parce que ça concerne moins de monde. Il faut en outre souligner que l’idéologie est de leur côté, pas du nôtre.

Sur le projet. Là où nous n’avons pas les idées suffisamment claires sur le plan théorique… (service public, savoir), il faut analyser le rapport entre université et société. Pourquoi défendons-nous l’idée qu’il peut y avoir une société et qu’il n’y a pas uniquement des individus. C’est pour cela que nous avons été sensibles à la question de la mastérisation : parce qu’elle touche à toute la chaîne de l’éducation et qu’elle est destructrice.
➢ on n’est pas des privilégiés qui défendent des positions ou des intérêts. On défend le fait qu’il y ait une société. C’est aussi cela qu’il y a derrière le mot d’ordre de la collégialité que nos adversaires essaient de reprendre et dont certains, y compris au sein du mouvement du printemps dernier, n’avaient qu’une lecture corporatiste très restrictive.

C. N.-C. Plusieurs observations :
-  c’est à l’Université aujourd’hui que se creusent les inégalités sociales, plus qu’au collège ou au lycée… La diversification de l’offre, c’est un mot valise pour mettre dessous des inégalités extrêmes.
-  On a du mal à se positionner par rapport à cet enseignement supérieur inégalitaire. Et il est difficile de se positionner sur la question de l’excellence. La démocratisation oui, mais à condition de ne pas supprimer l’excellence, disent les collègues. D’où la question de notre rapport complexe et contradictoire aux grandes écoles, à l’agrégation, etc.
-  Dans notre mouvement depuis un an, nous refusons et nous défendons. En effet, dans cette défense il y a une référence à des choses qui ne marchaient pas si mal que ça, notamment les concours. A côté de ce que l’on peut proposer de nouveau, il est légitime de défendre certaines choses anciennes et cette position n’est pas obligatoirement réactionnaire.

Y. P. Si je tire un bilan de ce qui vient d’être dit, SLU serait une université virtuelle, et un gouvernement fantôme. Programme assez ambitieux ! Qu’est-ce que j’en tire ? Il faudrait proposer une production de textes de synthèse, de bilans, avec une traduction en termes politiques. Un des problèmes que nous avons est une prise en charge parfois lourde. Il faut interpeler les politiques sur ce que pourrait être une autre réforme.

E. B. La gauche nous a laissés en plan avec un vocabulaire tiré des valeurs de l’adversaire et la droite s’est engouffrée dedans. L’« excellence », qui la décide ? l’ANR ? il faut arrêter avec l’excellence. On oppose l’excellence à la médiocrité ambiante. Pendant 10 minutes, nous sommes rentrés dans la rhétorique gouvernementale.

On avait commencé un abécédaire de la loi LRU : il faut aller plus avant et proposer un anti dictionnaire de la destruction du service public pour favoriser un autre type de discours, beaucoup plus offensif. (dans le dernier n° du Débat, quoi qu’on pense de cette revue, l’article de Gauchet contient quelques formules intéressantes sur ce point).

J.-L. F. La nature même de l’université et du système de recherche publique a changé profondément. En accentuant ce qui ne va pas. Le nombre d’étudiants dans ce pays baisse. Il y a plus qu’une panne de la démocratisation : on est entré dans une régression et les projections pour les années à venir sont inquiétantes. Doit-on, peut-on se satisfaire d’une baisse du nombre d’étudiants constante et qui n’est pas simplement due à des évolutions démographiques ? Quelle est la position du monde politique sur cette régression ? Ne court-on pas le risque de la mise en branle de logiques malthusiennes ? Sur la question des docteurs, il faut ainsi réaffirmer qu’ils ne sont pas trop nombreux mais au contraire qu’ils sont en nombre insuffisant par rapport à d’autres pays de taille et de structure comparables. Nous devons attaquer fortement sur ce point. Si on dit, « il n’est pas certain que vos enfants pourront faire des études », cela a un sens immédiat pour celles et ceux qui nous écoutent.

L. G. Si les réformes passent, c’est aussi parce que nous ne somme pas tous en accord sur les acquis. Il faut faire le bilan de ce qui marchait et de ce qui ne marchait pas. Les collègues acceptent aussi les réformes parce qu’ils en avaient ras-le-bol de ce qu’était devenue l’université (et de ce qu’elle est encore). Cela rend absolument nécessaire de mettre à plat ce à quoi nous tenons et ce qui ne va pas.

A. N. Pourquoi ce ras-le-bol ? parce qu’il y avait trop de réunions ??? Il ne faut pas oublier qu’on vient de 20 ans de réformes !!!

C. N.-C. Beaucoup ici viennent des LHSH : il faut re-théoriser l’Université et ses pratiques. Ce sera une théorie plurielle. Mais ne pas confondre théorie et politique. La politique est toujours en application dans une situation et c’est là qu’intervient la question des points d’accord possibles.

N. S. Sur le manque d’accord avec les collègues : la menace sur les statuts a été une occasion historique de faire passer des idées de gauche à l’Université. SLU a une ligne à tenir qui n’est pas nécessairement consensuelle sur toutes les questions en débat.

Laurent Audoin. La démocratie a un coût : il faut être prêt à le payer. Si le prix d’un fonctionnement vraiment collégial c’est une charge en temps, il ne serait pas scandaleux que ce soit réfléchi comme une part du travail universitaire (192h devant les étudiants ou à faire vivre les universités). La démocratisation n’est pas inefficace. Au-delà de l’opposition excellence/démocratisation, on a une meilleure élite si on a un meilleur enseignement de masse. A propos de la démocratie et de la relativité du savoir, il faut rappeler qu’une société d’ingénieurs est une société qui se prête à la répétition de l’existant et donc s’affaiblit et n’invente plus. En outre, évidement, les universités, le lien avec la recherche, induisent une capacité de questionnement qui permet la formation de citoyens.

C. N-C Un mot n’a pas été prononcé : le mot argent. Nous n’assumons pas la demande de coût plus importante. Il faut le dire aussi.

POINT 6. QUE FAIRE ?

La fin de l’AG a été consacrée à une discussion informelle sur les réponses à apporter au rouleau compresseur ministériel. Plusieurs ont souligné la nécessité de préserver ce que fait déjà SLU : l’information, la diffusion, l’analyse, dans les communiqués, les textes et sur le site. Mais nombreux aussi sont ceux qui ont voulu insister sur le besoin de forces et d’implication pour ce seul travail d’analyse et d’informations, le problème étant de savoir si SLU peut être « autre chose ».

Une brève discussion a lieu concernant la fonction du site, et la question a été posée de savoir s’il pourrait héberger d’autres sites de mobilisation, pour « mutualiser les forces », « rationaliser le support ». C’est là un sujet qui touche aux relations de l’association avec le reste du mouvement. Nous avons été plusieurs à observer 1. Qu’une telle "centralisation" nous serait reproché. 2. Que le site met déjà à disposition les textes venus d’ailleurs.

Une autre discussion a pointé le rapport entre le national et le local. Conclusion (provisoire) : nous ne pouvons répondre à la question de savoir s’il faut des comités locaux, mais il est sûr que pour le moment, nous ne pouvons prendre en charge leur hypothétique organisation. C’est aux collègues, en local, de se mobiliser dans ce sens, et plus simplement, de transmettre les informations.

Une troisième discussion, au moment de lister les actions envisageables, est revenue sur le problème de ce que nous faisons apparaître d’un « projet » universitaire que nous porterions : dans la bataille sémantique (pour une vraie « autonomie »), lors d’un colloque par exemple dont nous serions les organisateurs, et en participant aux débats existant ou à venir (tel le séminaire de l’EHESS consacré cette année aux politiques de la science, et qui prendra la « suite » des Grands Débats de l’année dernière). En tous les cas, nous en sommes d’accord, il ne faut pas laisser à V. Pecresse le monopole de la mobilisation, ni celui de la communication.

Voici une liste des actions envisageables :
- Montage vidéo pour répondre aux contre-vérités de Pécresse sur le budget ainsi que sur d’autres sujets.
- Boycott des évaluations individuelles
- Journée du 24/10 à Censier (sur le problème de la mastérisation).
- Non remontée des maquettes : insuffisant vue la situation actuelle
- Répondre à la CPU et au MESR sur le dévoiement des idées : « combat sémantique ».
- Organisation de débats ouverts sur le sujet de l’éducation et de l’ESR (locaux, dans le cadre universitaire ou non).
- glossaire sur le site (avec renvoi aux différents textes qui utilisent les termes définis sur le site). De nombreux collègues se sentent noyés par ce qu’ils ressentent comme leur propre impuissance.

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L’AG de mobilisation est suivie de l’AG statutaire qui donne quitus moral et financier au bureau sortant à l’unanimité des présents, élit le nouveau CA et annonce la convocation prochaine du nouveau CA pour l’élection du bureau.