Accueil > Revue de presse > Polémique autour du concours de l’agrégation - par Philippe Jacqué, Le Monde, (...)

Polémique autour du concours de l’agrégation - par Philippe Jacqué, Le Monde, 25 novembre 2009

mardi 24 novembre 2009, par Elie

Pour lire cet article sur le site du Monde.

Quel diplôme faudra-t-il pour se présenter au concours de l’agrégation ? Une deuxième année de master (M2) dûment validée ou une simple inscription en M2, comme pour les autres concours enseignants (capes, CRPE, etc.) ? Apparemment anodine, la réponse à cette question est au coeur d’une guerre d’influence sur le devenir de l’agrégation dans le cadre de la réforme de la formation enseignante, dite de la mastérisation. Cette guerre oppose, d’un côté, la société des agrégés et des syndicats du secondaire et du supérieur classés traditionnellement à droite (Snalc, Autonome Sup) et, de l’autre, les écoles normales supérieures (ENS).

Dans le décret du 29 juillet 2009, réformant les conditions de présentation aux concours, il était précisé que "peuvent se présenter au concours externe les candidats justifiant de la détention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation." Pour la Société des agrégés, l’Autonome Sup et le Snalc, ce décret représente une victoire arrachée au gouvernement. Cela permet en effet de maintenir une réelle distinction statutaire entre les futurs certifiés (cinq ans d’études, dont une pour préparer le concours) et les futurs agrégés (cinq ans d’études, plus une pour préparer le concours).

Cependant, le 13 novembre, lors de la présentation de la nouvelle mouture de cette réforme (Le Monde du 17 novembre), le gouvernement laissait entendre que l’agrégation serait à l’avenir ouverte aux inscrits en M2. Le lobbying des directeurs d’ENS semble payer. Pour ce temple du savoir, ouvrir l’agrégation aux titulaires d’un master 2 est problématique.

"Pour nous, cela veut concrètement dire une modification de la place de la préparation du concours de l’agrégation", traduit Monique Canto-Sperber, directrice de l’ENS d’Ulm, à Paris. "La nécessité d’un master validé ne convient pas à notre scolarité", confirme Olivier Faron, directeur de l’ENS lettres et sciences humaines de Lyon.

Une fois reçus dans ces grandes écoles, les élèves préparent leur licence, puis leur première année de master (M1), avant de tenter l’agrégation, puis de reprendre en M2 et de prolonger, pour leur écrasante majorité, par un doctorat. "Le décret passé en juillet nous oblige à organiser la préparation de l’agrégation après le M2, poursuit Jean-Yves Mérindol, directeur de l’ENS Cachan. Cela rompt le lien entre le M2 et la thèse. En clair, nos élèves devront choisir entre la recherche ou l’agrégation. Mais pas les deux."

"La fin d’une tradition"

En se privant du vivier des normaliens, l’Etat perd une partie des "bons" candidats. En 2009, 37 % des admis à l’agrégation sont issus des quatre ENS. Si dans quelques disciplines, notamment en lettres ou histoire, le passage de l’agrégation reste très important, quel que soit le moment du concours, dans d’autres, la désertion est quasi assurée. "Si le gouvernement conserve son décret intact, ce sera sans doute la fin d’une tradition française de formation commune des agrégés du secondaire et du supérieur", déplore Mme Canto-Sperber.

De fait, le groupe d’experts réunis par le gouvernement le 13 novembre demande de "modifier le décret statutaire, au plus tard à l’été 2010, afin d’aligner les conditions de titres requis pour l’accès à l’agrégation". Le niveau d’exigence du concours de l’agrégation suffit à leurs yeux à lui conserver "son identité particulière au sein des concours enseignants".

Pour la Société des agrégés et Autonome Sup, c’est simplement "inacceptable". Si le gouvernement reste flou, c’est que la solution pour contenter tout le monde n’existe pas. Cependant, ce débat a le mérite de reposer la question de l’intérêt de ce concours, notamment dans le secondaire. Pour M. Faron, "les agrégés devraient être exclusivement formés pour travailler de la seconde à bac + 3 (licence, classes préparatoires aux grandes écoles, IUT). Les certifiés étant appelés à être formés pour enseigner de la 6e à la terminale".