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Grève dans l’éducation nationale : les raisons de la mobilisation - Mathilde Gérard, Le Monde, 12 mars 2010

vendredi 12 mars 2010, par Elie

Pour lire cet article sur le site du Monde.

Huit syndicats d’enseignants ont appelé à une journée nationale de grève et de manifestations dans les collèges et lycées, vendredi 12 mars. Cette intersyndicale comprend le SNES-FSU, le SNALC-CSEN, le SNEP-FSU, le Snetap-FSU, le SNFOLC, la CGT, SUD et le SNCL-FAEN. La SGEN-CFDT, quant à elle, a décidé de ne pas rejoindre le mouvement, préférant se concentrer sur l’échéance du 23 mars, date à laquelle l’ensemble de la fonction publique est appelée à se mobiliser.

Si les mouvements en février dans plusieurs établissements du Val-de-Marne, notamment au lycée Adolphe-Chérioux de Vitry-sur-Seine, ont focalisé l’attention des médias sur les problèmes de violences dans les écoles, les raisons de la mobilisation de ce vendredi sont plus larges. Voici un état des lieux des principaux points de crispation.

- La réforme du lycée

Le précédent ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, voulait un "lycée modulaire", mais la réforme du lycée de Luc Chatel est une réforme moins ambitieuse, qui concerne essentiellement les classes de seconde. Son objectif est de rééquilibrer les filières générales, actuellement dominées par la filière scientifique, d’introduire un "accompagnement" des lycéens, avec notamment une aide à la carte de deux heures hebdomadaires, et d’accroître la marge d’autonomie des établissements, en leur attribuant la gestion de 30 % des dotations horaires. (Pour comprendre la réforme, lire "Le nouveau lycée en vingt questions".)

Plusieurs syndicats approuvent ces évolutions, notamment le "bloc" formé par le SE-UNSA et le SGEN-CFDT, mais le syndicat majoritaire, le SNES-FSU, y reste opposé. Il leur reproche d’introduire de nouvelles inégalités entre établissements par la voie de l’autonomie accrue et d’avoir été pensées "uniquement pour la moitié [des lycéens] qui réaliseront des études supérieures" (lire la tribune de Roland Hubert, co-secrétaire général du SNES-FSU, "La réforme du lycée entérine les inégalités scolaires").

- La réforme de la formation des enseignants

En 2010, les professeurs débutants qui feront leur rentrée des classes seront les premiers issus de la réforme Darcos de la formation des enseignants. Les candidats qui passeront cette année les concours de l’enseignement devront être titulaires d’un bac+5, contre un bac+3 actuellement, d’où le nom de la réforme : la "mastérisation". Contrairement à leurs prédécesseurs, ils ne bénéficieront plus d’une année de formation en alternance (jusqu’à présent les enseignants-"stagiaires" partageaient leur temps entre 40 % de pratique devant les élèves et de 60 % de cours dans les IUFM) et seront directement affectés à un poste à temps plein (lire "La réforme de la formation des enseignants tend le climat dans l’éducation nationale").

- Les suppressions de postes

Le projet de budget 2010 prévoit la suppression de 16 000 postes dans l’éducation nationale à la rentrée, selon la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Ces coupes concernent 600 postes administratifs et 14 000 postes de fonctionnaires stagiaires, de fait supprimés par l’abandon de l’année d’alternance pour les professeurs débutants.

Au collège Gabriel-Péri d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), qui compte aujourd’hui 63 professeurs pour 661 élèves, cinq postes seront par exemple supprimés à la rentrée prochaine. Le collège va perdre en tout 85 heures de cours, ce qui donnera moins de souplesse aux professeurs pour adapter les cours au niveau des élèves (lire le reportage "Les économies sont faites au détriment de la réussite de tous les élèves").

- La question des remplacements

Le 9 mars, le ministre de l’éducation, Luc Chatel, a décrété dans une interview au Parisien "la mobilisation générale" contre le non-remplacement des enseignants. Dans le secondaire, moins de 20 % des absences de courte durée sont remplacées. Les parents d’élèves protestent et se tournent désormais vers la justice pour réclamer un "droit aux cours". Luc Chatel souhaite introduire davantage de souplesse dans la gestion actuelle des remplacements (lire "Le casse-tête du remplacements de professeurs absents"), mais les professeurs remplaçants, titulaires ou non, craignent devoir faire les frais de cette demande de flexibilité (lire une sélection de témoignages : "J’en suis à mon 26e CDD dans l’éducation nationale").

- La dégradation des conditions de travail

L’appel à la mobilisation de ce vendredi est également lancé après plusieurs faits de violence qui ont secoué des lycées de l’académie de Créteil depuis le début de l’année. Début janvier, un lycéen de 18 ans de Darius-Milhaud (Kremlin-Bicêtre) était poignardé à mort par un camarade. Le 2 février, un élève du lycée Adolphe-Chérioux (Vitry-sur-Seine) était attaqué au couteau par six personnes extérieures à l’établissement. Le 15 février, un lycéen de 17 ans du lycée Guillaume-Apollinaire (Thiais) était agressé à coups de cutter.

Face à ces incidents, Luc Chatel a annoncé des "états généraux de la sécurité à l’école" qui devraient notamment réunir, en avril, collectivités locales, sociologues et experts. Mais au-delà de ces cas spectaculaires, le personnel des collèges et lycées – enseignants, surveillants ou administratifs – témoigne surtout d’une petite violence au quotidien, difficile à sanctionner (lire l’enquête "Ecoles : feuilleton d’une violence ordinaire"). Au-delà des mesures sécuritaires, comme l’introduction de caméras de surveillance ou les fouilles de cartables, ils réclament une plus grande présence humaine dans les établissements.