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Lettre n° 38 de la CPU (11 mars 2010)

samedi 13 mars 2010, par Mathieu

Deux sujets dans cette lettre :
- la gouvernance des universités allemandes (où l’on apprend que "dans l’équilibre difficile entre un conseil représentatif de l’établissement et une gouvernance par des personnalités extérieures, la majorité des Länder allemands ont donc opté pour un système donnant un rôle important au conseil d’administration restreint, accompagné d’un sénat académique, plus représentatif, mais avec un poids relativement faible. Ce modèle, d’ailleurs majoritaire en Europe, s’oppose au modèle français qui lie dans un seul organe une forte représentation de l’établissement avec une minorité de personnalités extérieures." A quand la révision de la "gouvernance" sauce LRU, pour diminuer encore le nombre des membres élus des C.A. ?)
- la culture qualité (sic) (ou comment le processus de Bologne continue de guider les esprits de la CPU)

Pour lire cette lettre sur le site de la CPU.

Edito

A l’heure où la gouvernance des universités est plus que jamais à l’ordre du jour, en raison tant du modèle proposé pour la gouvernance des campus d’excellence par le Président de la République à l’occasion du lancement de l’Emprunt national que du rapport Aghion, la CPU a décidé de se saisir du sujet de deux façons.

D’une part en animant un débat en Conseil d’administration et en séance plénière, en lien avec le « Grand Emprunt ». Les premiers échanges en Conseil d’administration ont montré que la question était loin de faire l’unanimité ni d’être limpide, alors même que la LRU n’en est qu’à sa phase 1 et qu’on attend un rapport de l’IGAENR sur les PRES.

D’autre part en écoutant ce que disent les présidents d’université étrangers de leurs propres pratiques de gouvernance. Et c’est le propos de l’article ci-dessous qui, pour la seconde fois consécutive, décrit l’expérience allemande.

Gouvernance des universités allemandes

Deux délégations des conférences des présidents d’universités allemandes et françaises, HRK et CPU, se sont rencontrées jeudi 25 février à Paris à l’Université Panthéon-Assas. La rencontre a réuni 12 présidents d’université, dont la présidente de la HRK, Margret Wintermantel, et le président de la CPU, Lionel Collet, et a notamment permis de confronter les expériences concernant la gouvernance des établissements dans les deux pays.

Les Länder allemands, compétents dans le choix du type de gouvernance, ont presque tous opté pour un système associant un conseil académique élu, représentatif de l’établissement (sénat académique) et un conseil d’administration restreint, généralement composé d’une majorité de personnalités extérieures (équivalent du board of trustees nord-américain).

Les conseils d’administration des universités du Bade-Wurtemberg comprennent ainsi 7, 9 ou 11 membres, dont une minorité nommée au sein de l’établissement. Dans le cas du Land Rhénanie-du-nord Westphalie, les universités peuvent avoir entre 50% et 100% de personnalités extérieures dans leur conseil d’administration. Aucun établissement n’a pourtant opté pour un conseil formé par 100% de personnalités extérieures.
Les présidents allemands ont noté qu’avec un conseil d’administration d’une dizaine de membres, les décisions sont plus rapides à prendre. En revanche, il est plus difficile de garder le contact avec les composantes de l’établissement.
Le choix des membres du conseil d’administration s’est révélé primordial. Un mélange entre anciens diplômés de l’établissement, responsables universitaires d’autres établissements et dirigeants du privé a fait ses preuves. Les membres du secteur privé apportent notamment une expertise importante à la gouvernance de l’université, dans le domaine de l’élaboration d’une stratégie et de la planification budgétaire.
Les présidents allemands soulignent que les responsables politiques se font souvent des illusions sur les conséquences financières de l’implication des milieux économiques dans les conseils d’administration des universités. Une étude a démontré qu’il n’y a aucune corrélation entre financement par des tiers (entreprises, sociétés) et la présence de représentants du secteur privé dans les conseils d’administration.

En ce qui concerne le sénat académique, il a, dans le Bade-Wurtemberg notamment, des compétences sur des questions stratégiques telles que la création ou la suppression de filières. En Rhénanie-du-nord Westphalie au contraire, le sénat a un rôle presque exclusivement consultatif. De façon générale, les sénats académiques perdent de plus en plus de poids par rapport au conseil d’administration.
Ce dernier a par exemple un rôle de contrôle du président pouvant aller, en Rhénanie du nord Westphalie, jusqu’à son licenciement. Toujours en Rhénanie-du-nord Westphalie, le président de l’université peut même ne pas être membre du conseil d’administration.

Dans l’équilibre difficile entre un conseil représentatif de l’établissement et une gouvernance par des personnalités extérieures, la majorité des Länder allemands ont donc opté pour un système donnant un rôle important au conseil d’administration restreint, accompagné d’un sénat académique, plus représentatif, mais avec un poids relativement faible. Ce modèle, d’ailleurs majoritaire en Europe, s’oppose au modèle français qui lie dans un seul organe une forte représentation de l’établissement avec une minorité de personnalités extérieures.

La culture qualité s’enracine

En préalable au lancement de la campagne des évaluations de la vague B, l’AERES a animé une série de réunions visant à dresser un bilan de l’existant en termes d’implantation de la démarche qualité dans les établissements, dans un contexte où les engagements européens pris dans le cadre du Processus de Bologne notamment à travers les ESG (European Standards and Guidelines) [1] et les responsabilités et compétences élargies conférées par la loi LRU aux universités, imposent la qualité comme un mode de management stratégique répondant aux exigences accrues de transparence et d’efficacité.

Associée à cette opération, la CPU a participé en tant qu’observateur aux rencontres qui se sont déroulées successivement à Clermont-Ferrand le 11 janvier, à Aix en Provence le 18 janvier, à Poitiers le 26 janvier et à Rennes le 10 février. Les travaux de la dernière réunion qui s’est tenue à Paris le 24 février dans les locaux de la CPU, ont été ouverts conjointement par Lionel Collet et Jean-François Dhainaut, symbole de la volonté commune des deux institutions de travailler dans le cadre d’un partenariat actif pour le plus grand bénéfice des établissements.

51 établissements ont présenté leurs réalisations ou projets en matière de démarche qualité, offrant ainsi un panorama exhaustif à l’échelle d’une vague de contractualisation. La culture de la qualité n’est pas encore parvenue à maturité dans tous les établissements mais on peut noter des progrès indéniables par rapport à la vague A. Pour autant, le décalage est encore important avec les écoles d’ingénieurs familiarisées plus tôt avec l’approche qualité, du fait de leur proximité avec le monde industriel et d’aussi bien-sûr leur petite taille.

Si les ESG paraissent avoir joué un rôle modeste dans la dynamique de développement des démarches qualité dans les universités, l’accès aux responsabilités et compétences élargies semble, en revanche, déterminant : les établissements s’approprient clairement la qualité comme mode de management et instrument de pilotage. Autre facteur incitatif, l’accent mis par l’AERES sur l’importance de la démarche qualité comme objet d’évaluation et sur la perspective, à terme, d’une évaluation externe qui ne prendrait plus en compte que les procédures permettant aux établissements de démontrer la qualité de leurs prestations. Il ne reste plus guère d’institutions qui se tiennent à l’écart de ce que l’on peut désormais considérer comme un mouvement de fond.

Si l’on a pu éprouver encore récemment des craintes sur la capacité des établissements français à rattraper leur retard par rapport à leurs homologues européens, en termes d’implantation de la culture qualité, ces inquiétudes sont à présent dissipées. C’est à un constat optimiste que nous invite ce bilan qui fera prochainement l’objet d’une synthèse et d’une analyse de la part de la CPU.


[1Cadre commun définissant les principes et les lignes directrices de l’assurance qualité aux signataires du Processus de Bologne