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Communiqué du Forum des Sociétés Savantes de juin 2010 : Menaces persistantes sur les concours de recrutement des enseignants
mardi 29 juin 2010, par
Communiqué du Forum des Sociétés Savantes de juin 2010
Menaces persistantes sur les concours de recrutement des enseignants
Le Forum des Sociétés Savantes a pris position à plusieurs reprises sur les conséquences de la réforme dite de masterisation des concours d’enseignants, notamment en novembre 2009 (« Réformons la Réforme »)
et en février 2010 (« Masterisation : de mal en pis »). Les craintes que nous exprimions s’intensifient et nous conduisent à préciser nos vives inquiétudes quant aux nouvelles modalités de recrutement des enseignants de l’enseignement secondaire et à leurs effets pervers sur l’enseignement supérieur.
L’arrêté du 28 décembre 2009 introduit dans les concours une nouvelle épreuve « Agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable » dont le référentiel est défini dans un arrêté du 19 décembre 2006.
Les exemples de « sujets zéro » mis en ligne sur le site du Ministère de l’Education Nationale et les « pistes de réponses attendues » réclament des connaissances juridiques, psychologiques, sociologiques et administratives considérables (voir l’annexe 2). Le corpus de savoirs évoqués, aussi large que mal défini, interdit une évaluation objective des candidats. De plus, l’épreuve se greffe artificiellement sur une épreuve disciplinaire préexistante. Le candidat se voit remettre à la fois un sujet disciplinaire et un questionnaire
portant sur cette « compétence ». Comment en faire une évaluation rigoureuse à partir d’attendus aussi disparates ? De nombreux professeurs, gênés par la nature non-disciplinaire et potentiellement idéologique de cette épreuve, risquent de ne plus être volontaires pour participer aux jurys.
Pour l’agrégation, l’adjonction de cette épreuve à l’une des épreuves orales disciplinaires pré-existantes induit une modification arbitraire du coefficient de celle-ci, préjudiciable aux équilibres établis de longue date entre les sous-disciplines d’un même concours. Qui plus est, le poids de la compétence « Agir en fonctionnaire de l’Etat » varie en pourcentage de la note finale du concours de 2,47% en lettres modernes à 8,33% en mathématiques, un comble pour l’évaluation d’une compétence non disciplinaire.
Le décret du 28 mai 2010 et le guide SIAC du ministère de l’Education Nationale stipulent l’obligation de justifier du certificat de compétences en langues CLES2 et du certificat de compétences en informatique et internet pour enseignant C2i2e qui s’effectue devant des élèves, ajoutant à la confusion générale.
Le Forum rappelle qu’une éventuelle évaluation faisant appel à des connaissances administratives trouverait beaucoup plus naturellement sa place à l’issue de l’année de fonctionnaire stagiaire pour la titularisation.
Les professeurs agrégés sont destinés à l’enseignement secondaire mais aussi, selon leur statut, à l’enseignement supérieur. Les textes parus récemment sont susceptibles de modifier en profondeur la typologie du recrutement des futurs agrégés et les missions qui leur seront confiées.
Le décret du 28 juillet 2009 stipule que « peuvent se présenter au concours externe les candidats justifiant de la détention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent » ; le décret du 28 mai 2010 précise que la validité du diplôme s’apprécie à la date d’admissibilité du concours, tandis que les informations du site du ministère de l’Education Nationale évoquent la date de la rentrée suivante. Ne pourraient être admis que les candidats titulaires d’un master ou équivalent à cette date variable. Cette demi-mesure ne suffit pas à répondre à la demande du Forum de commutativité entre agrégation et M2 ; nous demandons que les candidats à l’agrégation titulaires d’un M1 puissent passer les épreuves d’admission et aient la possibilité de valider un M2 après leur réussite au concours. Qui plus est, la note aux recteurs du 29 avril 2010 ne prévoit pas de report de stage pour cette année pour les reçus à l’agrégation ou au CAPES désirant suivre un M2.
Dans certaines disciplines, ces restrictions s’ajoutent au découplage imposé par les programmes des concours entre préparation CAPES et agrégation, que le Forum a déjà dénoncé.
Une diminution importante du flux de candidats à l’agrégation et une répercussion sur le nombre de futurs docteurs est à prévoir. On peut craindre que les meilleurs candidats renoncent à se présenter à l’agrégation ou inversement se détournent de la recherche. Il serait dommageable que les futurs jeunes chercheurs, souvent très spécialisés, ne puissent plus bénéficier de l’année de consolidation généraliste que constitue la préparation à l’agrégation. On peut s’attendre à ce que les futurs agrégés soient beaucoup plus orientés vers l’enseignement secondaire et que leurs contacts avec la recherche deviennent très ténus. Un retour en arrière,
avec des professeurs de CPGE non docteurs, contredirait la volonté légitime de l’Inspection Générale de recruter, à ce niveau, des professeurs agrégés-docteurs.
Enfin, la disparition ou la perte de poids de certaines disciplines des programmes des concours risque d’aboutir à leur disparition pure et simple de l’enseignement supérieur, du fait d’une logique purement comptable de recrutement d’enseignants-chercheurs selon l’effectif des étudiants concernés.
Le Forum s’inquiète de l’évolution des concours et demande qu’une large réflexion sur ses conséquences sur l’ensemble de l’éducation nationale soit engagée dans les plus brefs délais.
Annexe 1 - Exemples disciplinaires :
Au CAPES de lettres modernes, la suppression de l’épreuve de langue ancienne ou moderne ne permet plus de constituer un vivier de professeurs de français capables d’assurer dans leur classe l’initiation au grec ou au latin.
Au CAPES de lettres classiques, le latin et le grec sont absents des épreuves orales, ce qui ne permet pas d’évaluer comme il convient l’aptitude du candidat à expliquer à l’oral un texte en langue ancienne. Il faut donc que soit introduit pour l’épreuve de leçon un tirage au sort entre français et langues anciennes ; l’épreuve sur dossier porterait alors sur la discipline non évaluée lors de la première épreuve.
A l’agrégation de mathématiques, les trois épreuves orales, algèbre-géométrie, analyse-probabilités, modélisation, étaient toutes affectées d’un coefficient 1. Les deux épreuves analyse-probabilités, modélisation et leurs coefficients sont inchangés, mais l’épreuve algèbre-géométrie est remplacée par une épreuve "algèbre-géométrie et compétence « agir en fonctionnaire de l’Etat »" à coefficient 2, avec un quart des points pour la compétence « agir en fonctionnaire de l’Etat ». Il est nécessaire qu’un équilibre entre
algèbre et analyse soit retrouvé.
Au CAPES de langues, la disparition des programmes en littérature et en civilisation et de toute référence à l’explication grammaticale soulève une grande inquiétude et une demande de constitution d’un large corpus
de référence pour plusieurs années. Pour la littérature, cette orientation entre en contradiction par exemple avec l’introduction de Shakespeare dans l’enseignement de littérature étrangère en langue étrangère prévu dans le cycle terminal du lycée.
Annexe 2 – Exemple de sujet zéro « Agir en fonctionnaire de l’État »
Thème : exercice de la liberté pédagogique
Référence à l’arrêté du 19/12/2006 :
« Il exerce sa liberté et sa responsabilité pédagogique dans le cadre des obligations réglementaires et des textes officiels »
« Connaissance du rôle des différents conseils… »
Situation :
Dans un lycée de l’académie de Z, sur proposition du conseil pédagogique, le conseil d’administration a adopté pour l’année scolaire suivante un mode d’organisation de l’aide individualisée en seconde sur 27 semaines avec une mise en parallèle de deux classes afin de diversifier davantage et de mieux
cibler les aides apportées aux élèves en difficulté.
Deux professeurs de mathématiques qui depuis plusieurs années conduisaient dans leurs classes respectives les séances d’aide individualisée considèrent que cette organisation porte atteinte à leur liberté pédagogique, notamment en raison de son impact sur la complémentarité entre le travail en
classe entière et le travail en formation plus restreinte. Ils disent ne pas se sentir liés par les orientations proposées par le conseil pédagogique et par les décisions d’organisation votées au conseil d’administration.
Questions :
Comment analyser vous cette situation ?
Pensez-vous qu’un choix du conseil pédagogique ou du conseil d’administration peut s’imposer aux options pédagogiques individuelles d’un professeur ?
Quel est le champ précis d’exercice de liberté pédagogique ?
Sur quelles références législatives et réglementaires s’appuyer pour analyser cette situation ?
Dans une situation d’options différentes voire de désaccords en matière d’organisation des enseignements et de répartition des services, quels sont les compétences du conseil d’enseignement, du conseil pédagogique,
du conseil d’administration, du chef d’établissement ?
Quelques pistes de réponses attendues :
Les responsabilités des enseignants et l’exercice de la liberté pédagogique (livre IX du Code de l’éducation, partie législative, articles L.912-1 et L.912-1-1 (qui reprend l’article 48 de la loi du 23 avril 2005).
Les bases de l’organisation administrative des EPLE et les compétences des différents instances : livre IV du Code de l’éducation et notamment les articles relatifs aux rôles des différents conseils et instances dans la mise en oeuvre de l’autonomie pédagogique et éducative des établissements (L.421-2 à L. 421-5).
Les textes cités sont disponibles sur le site de la SMF
Sociétés signataires :
Association des Anglicistes pour les Etudes de Langue Orale dans l’Enseignement Supérieur, Secondaire et Elémentaire
Assemblée des Directeurs d’IREM
Association (pour l’Encouragement) des Etudes Grecques (en France)
Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur
Association des Historiens Contemporanéistes de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
Association des Historiens Modernistes des Universités Françaises
Association des Linguistes pour l’Enseignement de l’Oral dans l’Enseignement Supérieur, Secondaire et Elémentaire
Association des Linguistes Anglicistes de l’Enseignement Supérieur
Association des Médiévistes Anglicistes de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie
Association des Professeurs de Biologie-Géologie
Association des Professeurs de Biotechnologies, Santé, Environnement
Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs de Langues des IUT
Association des Professeurs de Langues Vivantes
Association des Professeurs de Lettres
Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public
Association des Professeurs de Musique et de Musicologie de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public
Association des Sciences du Langage
Association Française d’Etudes Américaines
Association Française de Mécanique
Association Française des Catalanistes
Association Française des Enseignants Chercheurs en Cinéma et Audiovisuel
Association Française des Russisants
Association Française des Enseignants de Français
Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques
Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques
Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes
Femmes et Mathématiques
Rassemblement National des Centres de Langues de l’Enseignement Supérieur
Société Botanique de France
Société d’Etude de la Littérature Française du XXe siècle
Société d’Etude du XVIIe Siècle
Société de Langue et Littérature Médiévales d’Oc et d’Oïl
Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles
Société de Philosophie des Sciences
Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur
Société des Etudes Latines
Société des Etudes Romantiques et Dix-neuvièmistes
Société des Hispanistes Français
Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur
Société des Langues Néo-Latines
Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public
Société des Personnels Enseignants et Chercheurs en Informatique de France
Société des Professeurs d’Histoire Ancienne de l’Université
Société Française d’Etude du Dix-huitième Siècle
Société Française d’Étude du Seizième Siècle
Société Française d’Etudes Médio- et Néo-Latines
Société Française de Littérature Générale et Comparée
Société Française de Physique
Société Française de Statistique
Société Française des Etudes Japonaises
Société Française Shakespeare
Société Mathématique de France
Union des Professeurs de Physique et de Chimie
Union des Professeurs de Spéciales