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L’« Initiative d’Excellence » portée par le PRES Université de Lyon : calendrier et réflexions - par Michel Fodimbi, Élu au CA du PRES Université de Lyon, décembre 2010

jeudi 9 décembre 2010, par Elie

Le PRES Université de Lyon s’apprête à déposer le 4 janvier 2011 la candidature au projet
« Initiatives d’Excellence » de l’ensemble des universités et des grandes écoles de Lyon/Saint
Etienne. Le CA du PRES se réunira le 3 janvier pour valider définitivement l’architecture de
cette candidature pour transmission au ministère.

De quoi s’agit-il ? Tout simplement de la restructuration programmée de l’enseignement
supérieur et de la recherche des métropoles de Lyon et de Saint-Etienne, déléguée par les
universités et les grandes écoles au PRES, sous couvert de réponse à l’appel d’offres
« Initiatives d’Excellence » (il s’agit en fait de faire disparaître les universités dans leur forme
et périmètre actuels).

Cette réponse doit répondre notamment à la condition suivante : « atteindre un degré élevé
d’autonomie et une gouvernance équilibrée : un partage des rôles entre la communauté
académique et l’exécutif pour le pilotage de l’Initiative d’Excellence, une grande autonomie
de gestion, sous le contrôle d’un conseil d’administration resserré, largement ouvert à des
représentants extérieurs ; une capacité de décision rapide sur les choix stratégiques et leur
mise en oeuvre
 [1] ».

L’orientation de cette nouvelle « gouvernance » signifie clairement que la LRU donne
toujours encore une trop grande place à la collégialité universitaire dans les prises de
décisions, donc pas assez de « libertés » et qu’il faut y remédier. Selon Michel Lussault,
président du PRES la future structure à l‘horizon 2015 sera une Université Fédérale, inspirée
« des réflexions du rapport Aghion ». Mais à bien y regarder, le terme fédéral n’est utilisé que
pour rassurer, car c’est bel et bien d’une fusion des universités dont il s’agit.

Présentée au CA du PRES le 26 novembre en tant que coquille pour laquelle les « briques »
composantes doivent encore être « débattues », la forme de cette « université fédérale » est
tout à fait conforme aux exigences gouvernementales. Elle comporte un CA restreint,
conseillé par un Sénat Académique et par un Conseil Stratégique International, et serait
composée de Collégiums et de Facultés (les « briques » qui ne sauraient être ni les
Universités, ni les UFR actuelles). Les grandes écoles ont cependant obtenu l’assurance que
leurs prérogatives en matière de recrutements et de financements seraient conservées [2],
considérant que leur « fonctionnement actuel est déjà très intégré aux Universités, et qu’elles
ont des missions spécifiques qui doivent être préservées [3] ». Si d’aucuns ont pu penser que
cette nouvelle architecture de l’enseignement supérieur permettrait au moins une répartition
plus équitable des moyens, ils font erreur.

Ainsi la réponse à cet appel d’offres conduit à remplacer nos universités avec ce qui leur reste
de collégialité démocratique, par un nouvel établissement dont la gouvernance sera plus
autoritaire, plus hiérarchique, et plus éloignée. On confirmera aussi l’existence d’un
enseignement supérieur à deux vitesses (dont les effets sur les recrutements des universités
sont bien connus), mais dont la critique sera plus difficile à faire, car devenant constitutif de
l’université fédérale. Comment protester sur les répartitions inégales de moyens en postes et
en financements quand l’excellence se trouve au sein de l’établissement ?

Tout l’effort sera donc fourni par les universités, par ses personnels et étudiants, pour le plus
grand profit des grandes écoles qui auront su préserver leur fonctionnement. Et dans cet environnement d’excellence, que ces dernières incarnent et dont elles se réclament, comment
imaginer qu’elles ne sauront pas se servir de l’image de marque des labels EX, pour définir
avec les quelques laboratoires élus, (les A+) un nouveau limès ? Au total les positions
relatives à l’excellence auront été tranchées durablement au sein de ce nouvel établissement,
laissant prévoir des jours difficiles pour les formations et les recherches difficiles à rattacher
au périmètre, en mettant à mal le service public d’enseignement supérieur et de recherche.

Le calendrier est prévu en quatre temps :
1. Le 4 janvier : dépôt de la candidature à l’Initiative d’Excellence (c’est en fait le projet
dans ses grandes lignes).
2. De janvier à avril 2011 : dans le cadre d’un « processus dialogué » seront remplies les
cases vides pour que le PRES puisse transmettre le projet définitif (qui ne sera pas
autre chose que l’architecture actuelle).
3. 2011-2012 : évolution du PRES grâce à ses nouveaux statuts.
4. 2015-2018 : mise en place de l’Université Fédérale de Lyon.

Quelles qu’aient pu être les critiques et remarques formulées concernant la définition de
l’excellence, la pertinence des critères de sélection des laboratoires et des équipes avec leurs
conséquences, la dénonciation du principe de concurrence imposé au profit de celui de
collaboration, les aspects négatifs de la fusion sur les personnels et sur les usagers, il n’y a eu
aucune évolution de la proposition du PRES. Tout se passe comme si les décisions étaient
déjà prises au sein d’une bulle, et que la principale difficulté consistait maintenant en la
manière de les présenter afin d’éviter du mieux possible, questions et réactions.

Le PRES n’est pas une structure démocratique : les décisions sont prises dans un entre-soi,
par des personnes ayant des identités fortes de points de vue. Et ce ne sont pas les quelques
élus qui peuvent y changer quoi que ce soit, car ils ne servent tout au plus que de « caution
démocratique », pour légitimer à cet égard les décisions prises.

C’est pour ces raisons qu’il nous faut débattre de notre avenir au moyen des institutions que
nous possédons au sein de nos établissements, et que nous devons exiger que le PRES ne soit
pas l’instance décisionnelle se substituant à nos conseils, dans les prises de décision nous
concernant.


[1Texte de l’appel d’offres IDEX p. 8. On y peut noter la curiosité du rapprochement entre capacité de décisions rapides et choix
stratégiques. La stratégie et ses choix sont généralement établis après de mûres réflexions, et non dans la rapidité ou la précipitation…

[2Le texte de l’appel d’offre précise pourtant (p. 8) « en étant particulièrement attentif à un rapprochement effectif entre grandes écoles et
universités ». On voit qu’il est plus facile d’imposer la fusion aux universités que de l’obtenir des grandes écoles, et que la réponse à l’appel
d’offres est variable selon la puissance de la résistance.

[3Selon les termes de Jacques Samarut président de l’ENS de Lyon.