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Budget de l’enseignement supérieur et de la recherche (suite) : la ministre se trompe, Note de Terra Nova du 17 décembre 2010

mardi 4 janvier 2011, par Martin Rossignole

Le 17 novembre, Terra Nova a publié une note dont le principal objet était d’examiner si les promesses budgétaires de 2007 relatives à l’enseignement supérieur et la recherche pourraient être tenues et d’exposer les choix effectués pour le budget 2011. Cet examen montre que les montants affichés le sont souvent au prix de montages budgétaires insincères. A la suite de la réponse à cette note de la ministre chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche en date du 25 novembre, Terra Nova maintient son analyse et souhaite réaffirmer ici certains éléments indispensables à la transparence du débat public, en le portant une nouvelle fois à la connaissance des acteurs du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, et plus globalement de l’ensemble des citoyens. Voici, points par points, pourquoi la ministre se trompe.

1 - L’UTILISATION SYSTEMATIQUE D’AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE) RELATIVISE LA PORTEE DES ANNONCES GOUVERNEMENTALES DEPUIS 2007

a) Depuis 2007, l’addition de montants hétérogènes pour justifier les progressions budgétaires laisse perplexe les observateurs du budget de l’enseignement supérieur. De fait, depuis plusieurs années, le gouvernement n’a cessé d’utiliser, dans sa communication sur l’évolution des crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche tantôt les « crédits de paiements » (CP) – les seuls qui correspondent à de l’argent réellement « frais » et disponible, tantôt les « autorisations d’engagement » (AE), qui ne sont que des promesses de bons à tirer pour l’avenir, mais qui dépendent ensuite de décisions confirmant au fil de l’eau l’ouverture effective des crédits correspondants, tantôt l’addition des uns et des autres.

A ce titre, l’utilisation systématique des « autorisations d’engagement » (AE) relativise la portée des annonces gouvernementales depuis 2007.

Ce choix de communication est évident dans le projet de loi de finances pour 2011. Le document budgétaire de la conférence de presse de septembre 2010 additionne ainsi à la fois des crédits budgétaires (en crédits de paiement ou CP annuels), des « intérêts campus » qui sont bien des CP mais dont une partie seulement concernera 2011 – puisque la communication gouvernementale raisonne en additionnant ceux prévus pour 2010 + 2011… ! – et des autorisations d’engagements correspondant à des dépenses sur vingt-cinq à trente ans (sous forme de partenariats publics- privés). Le montant obtenu – 8,998 Mds€ – est donc l’addition de « choux et de carottes » mais ne correspond nullement à la promesse d’une augmentation de crédits nouveaux réellement disponibles à due concurrence. Ceci conduit à une implication politique majeure et regrettable : la promesse gouvernementale d’une augmentation des moyens budgétaires de 9 Mds€ promise sur l’ensemble du quinquennat ne sera pas tenue.

b) S’agissant tout particulièrement des crédits budgétaires de la Mission recherche et enseignement supérieur (MIRES), le gouvernement fait le choix de communiquer sur une augmentation de 4.4 Mds€ en autorisations d’engagement sur l’ensemble du quinquennat – le gouvernement promet de la porter à 25,6 Mds€ en 2012 contre 21,2 Mds€ en AE en 2007. Là encore, la réalité est beaucoup moins glorieuse ! En raisonnant en « crédits effectifs », c’est-à-dire en crédits de paiement, la progression figurant dans les documents budgétaires ne s’établit qu’à 3,1 Mds€ (24,4 Mds€ en 2012 contre 21,3 Mds€ en 2007), soit 1,3 Mds€ en moins de progression par rapport à l’évolution communiquée par le gouvernement sur la base des seules AE…

2 - LES EFFETS DE PERIMETRE GROSSISSENT ARTIFICIELLEMENT LES PROGRESSIONS ANNONCEES

C’est un autre travers de la présentation, régulièrement dénoncé par de nombreux observateurs du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche depuis des années : les effets de périmètre faussent l’évolution réelle des moyens consentis.

Pour ne considérer que l’année 2008, le budget de la MIRES a réalisé en apparence un saut prodigieux : +2,3 Mds€ en AE et +1,2 Md€ en CP. En apparence seulement, car cette progression provient pour près de 80% en CP et de 40% en AE de l’intégration d’une mesure de périmètre de 955 millions d’euros relative à la part de contribution sociale sur les bénéfices (CSB) affectée à l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et à OSEO (ex ANVAR) qui a été rebudgétisée et qui apparaît dans le budget de la MIRES.

D’après nos estimations, les changements de périmètres avoisinent près de 1,4 Mds€ depuis 2007 !
De quoi rendre la progression 2007-2011 affichée par le gouvernement difficilement crédible, même en CP….

3 - LES CREDITS DE L’OPERATION CAMPUS, LANCEE EN 2007, NE SONT TOUJOURS PAS AU RENDEZ-VOUS

S’agissant de l’Opération Campus, depuis le mois de novembre 2007, date à laquelle 3,7 Mds € étaient disponibles, résultant de produits de cession d’actions EDF, complétés ensuite début 2010 par 1,3 Mds€ du Grand emprunt, aucun euro n’a été versé aux universités. En particulier, les 157 M€ d’intérêts comptabilisés en 2009 dans l’effort budgétaire ainsi que les 164 M€ comptabilisés en 2010 n’ont, à ce jour, pas été mis à disposition des établissements.

Le Ministère, dans sa réponse, ne conteste pas ce point, ni même que les établissements ont attendu jusqu’à juillet 2009 pour connaître le taux d’intérêt qui permettra de rémunérer leurs dotations. Rappelons à ce titre que les universités ne recevront que les intérêts annuels quand elles auront signé leurs projets de partenariat public-privé, soit au plus tôt 2013 pour les plus avancées d’entre elles…

En 2011, 270 M€ d’intérêts sont annoncés au bénéfice de 58 projets annoncés pour être lancés « fin 2011 » et devant servir à accélérer le « début des travaux ». Arriveront-ils enfin aux établissements ? Il serait surprenant que des projets de partenariat public-privé (PPP) absorbent ces crédits, comme le souligne la Ministre dans sa réponse, le principe même des PPP étant de laisser le partenaire privé prendre en charge la totalité des investissements jusqu’à la livraison des bâtiments. Donnons en attendant quitus au Gouvernement sur l’annonce de ces 58 projets et donnons-nous rendez-vous dans 6 mois pour un premier bilan. Pour notre part, et à titre de bonne gestion, nous proposons qu’à la mi-2011, le reliquat de ces crédits non consommés soit consacré à la rénovation urgente des amphithéâtres et des logements étudiants les plus vétustes dont certains ne respectent pas les normes de sécurité.

4 - LE GRAND EMPRUNT : A PEINE LANCE, DEJA ROGNE

S’agissant du Grand Emprunt : nous avons réaffirmé l’intérêt de ce dispositif dès lors qu’il est porteur, tel étant son principe, de moyens nouveaux. Nous constatons cependant que, sitôt lancé, la première loi de finances rectificative du 21 janvier 2010 a annulé 500 millions d’euros sur le budget général pour « couvrir l’augmentation de la charge d’intérêt résultant de l’emprunt national ». Cette annulation a concerné toutes les missions y compris la MIRES, principale bénéficiaire du Grand Emprunt, qui se voit priver dès le début 2010 de 125,3 millions d’euros de crédits (cf. page 121 de la LFR du 21 janvier 2010). Il y a là manifestement une logique qui nous échappe. Pourquoi reprendre sur un budget dit « prioritaire » sitôt lancé de quoi gager la mise en œuvre d’un Emprunt censé au premier chef lui bénéficier ? Serait-ce parce que les moyens manquent déjà à l’ambition affichée ?

5 - LE PLAN DE RELANCE : LES ACTES PEINENT A SUIVRE LES ANNONCES

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Pour lire le bref commentaire d’Henri Audier sur le site de SLR