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Enseignants stagiaires : le pire reste à venir - Noémie Rousseau, Mediapart, 20 janvier 2011

vendredi 21 janvier 2011, par Mathieu

Dans ses vœux à l’éducation et à la culture, Nicolas Sarkozy a annoncé hier, mercredi 19 janvier, la réouverture du chantier de la formation des enseignants, avec une attention toute particulière pour la pratique pédagogique qui fait aujourd’hui cruellement défaut aux stagiaires avec la suppression à la rentrée 2010 de l’année en alternance à l’IUFM. L’évaluation du dispositif commandée par le ministère de l’éducation nationale (voir le rapport ici) porte sur octobre et novembre 2010.

Le document reconnaît que les débuts sont... difficiles. Mais la situation s’est largement dégradée depuis. Alors que le rapport ne dénombre aucune démission dans l’académie de Paris, le SE-Unsa en compte aujourd’hui six. Le syndicat vient d’ailleurs de lancer sa propre enquête dont les premiers résultats seront connus d’ici deux semaines.

Complètement sonnés à la rentrée, aujourd’hui les stagiaires du premier degré pataugent, sans savoir vers qui se tourner. L’atelier de soutien aux stagiaires, mis en place par le Snuipp à Paris, fait le plein. Et Jérôme Lambert, qui l’anime, assure : « On a mésestimé leur souffrance, même les jeunes que l’on pensait solides sont affectés. Ils ont le sentiment de ne pas faire du bon travail, nous n’avions pas vu venir cette culpabilisation qui les met dans une situation personnelle délicate. »

Mais rares sont les stagiaires qui acceptent de témoigner : « On n’est pas titulaires, on nous a prévenus de faire attention quand on parlait aux médias et rappelé notre devoir de réserve lors de la grande réunion du 31 août », confie Adrien (le prénom a été changé), stagiaire dans une école primaire de l’académie marseillaise. La période « d’immersion et de compagnonnage », jusqu’à la Toussaint, a été « plutôt cool » pour Adrien. Quand il ne servait pas de « bouche-trou » dans les écoles, il était assis au fond d’une salle à observer un professeur faire la classe ou il suivait un cours à l’IUFM dont le contenu souvent « trop théorique » a été « préparé dans la précipitation ». « Tout a basculé à la Toussaint. Je me suis retrouvé en classe, c’était la panique. »

Même scénario pour Rémi (prénom d’emprunt), 23 ans, rattaché à l’académie de Paris. Et comme Adrien, il a du mal à considérer son tuteur comme un soutien. « Quand je lui fais part de mes difficultés, j’ai en même temps présent à l’esprit qu’il est là non seulement pour me conseiller mais aussi m’évaluer, et ma titularisation en dépend. »

Le rapport est un document interne au ministère de l’éducation nationale, émanant de la direction des ressources humaines et mis en ligne par le site Le Café pédagogique. « On est loin du ton des syndicats, et malgré ce langage feutré, la difficulté des stagiaires du second degré y apparaît nettement. Pour avoir une certaine expérience du style des rapports, c’est d’une sévérité rare », analyse Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM de Créteil et contributeur du Café pédagogique.

Sur les 8.600 enseignants stagiaires du second degré, le rapport dénombre début novembre 65 démissions dans le second degré, contre 48 en septembre-octobre 2009, et précise que « la plupart correspondent au choix de stagiaires qui ont d’autres opportunités professionnelles, (soit) 15 cas ». Soustraction faite des mystérieuses opportunités, l’augmentation de démissions faisant suite à la mise en place de la masterisation ne concernerait que deux cas. Dans le premier degré, les enseignants stagiaires propulsés dans des classes où ils n’ont jamais mis les pieds auparavant sont encore plus résistants : 12 ont rendu craies et cartables contre 44 sur la même période en 2009. Et ils sont moins malades. Ils étaient 3% à prendre un congé maladie en septembre, contre 5% des stagiaires et 12% des titulaires en septembre 2009.

Rien d’inquiétant donc ? Le rapport conclut d’ailleurs sur un bilan « globalement positif ». Mais l’essentiel réside entre les lignes, selon Jean-Louis Auduc. « Un paragraphe m’interroge particulièrement. Habituellement les stagiaires et syndicats auraient été considérés comme responsables des défaillances du dispositif. Là, les chefs d’établissements, inspecteurs pédagogiques régionaux, sont directement mis en cause, c’est une nouveauté et un signal d’alerte : le système ne peut plus compter sur ses cadres intermédiaires, la réforme n’est pas soutenue, personne ne comprend. Ce rapport est un message : monsieur le ministre, personne ne vous suit. »

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