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"Nous devons aider quelques pôles universitaires à affronter le XXIe siècle" - interview par Philippe Jacqué, Le Monde, 4 juillet 2011

lundi 4 juillet 2011, par Elie

Pour lire cet article sur le site du Monde.

Pour voir la liste des 17 projets ayant répondu à l’appel d’offre (7 janvier 2011)

Pour voir la liste (et la géographie) des lauréats "Labex" (25 mars 2011)

Laurent Wauquiez voulait "être tout de suite dans l’action". Il est servi. A peine nommé, le 29 juin, le nouveau ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche devait présenter à Bordeaux, lundi 4 juillet, avec René Ricol, le commissaire général aux investissements, la liste des lauréats de la première vague des "initiatives d’excellence".

Doté d’un capital de 7,7 milliards d’euros, cet appel d’offres doit permettre d’aider sept à dix universités à rivaliser avec les meilleures universités mondiales, tant en matière de formation que de recherche et d’innovation. Sur les sept dossiers retenus en mars lors d’une présélection, le jury international présidé par l’ancien président de l’université de Lausanne, Jean-Marc Rapp, a décidé de retenir trois projets.

Le gouvernement va financer plusieurs établissements au titre des "initiatives d’excellence" (IDEX). Lesquels ?

Laurent Wauquiez : Il s’agit du projet porté par l’université de Strasbourg, et ceux des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) de Bordeaux et Paris Sciences et Lettres (PSL). Ce dernier ensemble regroupe en particulier l’Ecole normale supérieure d’Ulm, Paris-Dauphine ou encore le Collège de France. Leur implantation sur le territoire démontre que tous les projets ont eu leur chance. On souhaite que les effets sur le terrain soient visibles rapidement, afin que les étudiants et les universitaires voient la différence.

Quels étaient les points forts de ces dossiers ?

Chaque projet avait ses spécificités. Dotée d’une gouvernance simple et efficace, l’université de Strasbourg a su convaincre le jury grâce à ses domaines d’excellence en recherche, tant en chimie qu’en sciences de la vie, et en formation grâce à son collège doctoral européen. Sa coopération avec les universités allemandes de Karlsruhe et Freibourg, labellisées par l’initiative d’excellence allemande et helvétique, fait de ces établissements un véritable pôle d’excellence universitaire européen.

Paris Sciences et Lettres a, lui, séduit le jury avec un projet potentiellement révolutionnaire. Les institutions de PSL ont certes une forte identité, mais elles ont réussi à proposer un projet collectif innovant, à la croisée des grandes écoles et universités. Les récentes réformes ont créé un climat propice pour ces rapprochements.

Si ces deux projets étaient attendus à ce niveau, le projet bordelais faisait plutôt partie des "challengers"…

Le jury a reconnu le travail mené par les universités bordelaises. Très en phase avec le monde de l’entreprise, le projet d’université unique bordelais a séduit à plus d’un titre. Solide en recherche, cette université propose une refonte complète et harmonisée de son cycle de licence, un volet numérique innovant avec le MediaLab. Il a également engagé la reconfiguration de son campus.

Ce choix induit l’idée que pour obtenir ce label, les universités de chaque pôle doivent soit fusionner, soit proposer des cursus très sélectifs… Si le jury a envoyé des signaux clairs aux candidats malheureux, qui pourront se présenter à la prochaine vague de sélection, organisée à l’automne, la fusion n’est pas le modèle unique à suivre. Au-delà de la qualité scientifique de chaque pôle, le jury a rappelé qu’il fallait mettre en place des structures efficaces de décision. Vu les moyens en jeu, il n’est pas concevable que des mésententes locales puissent bloquer le développement de ces universités.

Si l’IDEX est réservée aux grandes universités, que prévoit aujourd’hui l’Etat pour les universités plus modestes. Ne sont-elles pas reléguées au second plan ?

L’objectif du gouvernement est de tirer l’ensemble des établissements vers le haut. Si les IDEX sont concentrées sur quelques pôles, d’autres appels d’offres, comme les laboratoires d’excellence, permettent de reconnaître l’excellence partout où elle est. Et elle n’est pas seulement dans les grandes métropoles universitaires. En tant qu’élu d’un petit département, je sais le rôle de l’enseignement supérieur et de la recherche en termes d’aménagement du territoire. Mais il ne faut pas se tromper de combat. Les investissements d’avenir doivent permettre d’aider quelques-uns de nos pôles universitaires à affronter le XXIe siècle et les grandes universités mondiales.

Mais comment bénéficieront-elles aux étudiants ?

En offrant des cursus pluridisciplinaires, de nombreuses passerelles entre la formation et la recherche ou en améliorant les liens avec les entreprises, ces universités se donnent les moyens d’aider au mieux les étudiants à s’insérer professionnellement. Mais pas seulement. Tous les établissements prévoient de développer de nouveaux outils, comme des bibliothèques et des lieux d’étude conviviaux, pour améliorer leurs conditions d’études. Des bourses pour les meilleurs étudiants sont également proposées.

Au-delà du grand emprunt, que comptez-vous faire en tant que ministre de l’enseignement supérieur ?

Il faut bien sûr prendre un temps d’écoute et de réflexion. Vous savez que j’ai travaillé en tant que député sur un rapport sur les conditions de vie étudiante. Je compte donc bien m’y intéresser. Si Valérie Pécresse a déjà beaucoup fait sur la question des bourses ou du logement, je souhaite poursuivre ce travail suivi de près par le président et le premier ministre. Je veux également me pencher sur la question de la santé des étudiants. Ils sont beaucoup trop nombreux à ne pas se soigner et cela ne peut être toléré. Je vais rapidement rencontrer les organisations étudiantes pour avancer sur cette question.

Propos recueillis par Philippe Jacqué


Un jury international de vingt membres

Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, la France a choisi de confier à un jury international le soin de sélectionner les lauréats des initiatives d’excellence. Présidé par le Suisse Jean-Marc Rapp, ancien président de l’université de Lausanne, ce jury rassemble vingt scientifiques canadiens, anglais, allemands, espagnols, portugais, suédois…

Il compte aussi des Français : les industriels Christian Streiff et Jean-Martin Folz, l’ingénieur Yves Bamberger et des universitaires Philippe Aghion, de Harvard, et Philippe Gillet, de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. La présence de ce dernier, ancien directeur de cabinet de la ministre Valérie Pécresse, a créé un certain malaise. "On voulait des gens qui connaissent bien le paysage du supérieur", défend-on au Commissariat général à l’investissement.