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Lettre de la CPU n° 78 - 18 novembre 2011

samedi 19 novembre 2011, par Laurence

Edito

Le Ministère vient de rendre publics, pour la 2ème année consécutive, les taux d’insertion professionnelle des masters professionnels des universités françaises. Une nouvelle fois, ils sont suivis de l’inévitable classement tiré de ces taux, publié cette fois dans le Point.

Si l’on peut se féliciter de ces indicateurs utiles aux universités qui démontrent par ailleurs la réussite de nos établissements lors de l’entrée de leurs étudiants dans la vie active, des progrès importants dans la méthodologie et de la concertation importante avec le ministère pour les établir, la pérennisation par la presse d’un classement , dont la CPU a déjà dit tous les dangers, est inquiétante et pose deux problèmes, l’un politique, l’autre technique.

Le problème politique : c’est la volonté de changer un système universitaire fonctionnant en réseau pour le remplacer de façon artificielle par une compétition sans signification, titrée « Nos meilleures universités » en présentant un classement sur un critère aussi limité que l’insertion professionnelle des masters professionnels. Avec des écarts de l’ordre de 1%, un tel classement est une absurdité pour qui connaît les statistiques et leur marge d’incertitude. Mais c’est malheureusement une absurdité qui, une fois écrite, devient une sorte de dogme qui s’installe dans les représentations que l’on peut se faire de notre paysage complexe de l’enseignement supérieur.

Le problème technique (le plus évident, mais il y a en a d’autres), c’est l’effet de distorsion induit par la taille très variée des échantillons recensés. Ainsi le classement met en évidence entre autres, le paradoxe suivant : pour réussir son insertion professionnelle, en droit, il faut aller dans une université de sciences ; pour réussir en sciences humaines, choisissez une université de droit ; et, pour les sciences, rien ne vaut une université de lettres, puisqu’il est évidemment plus facile d’obtenir de bonnes statistiques sur 30 étudiants d’un seul master, que sur tous ceux d’une université !

Mais ce qui est une évidence pour nous, qui connaissons nos universités, a bien peu de chance de frapper le lecteur non spécialiste, celui là même qui est censé choisir son orientation d’après de tels critères.
Il convient donc d’utiliser ces indicateurs avec beaucoup de prudence, en les croisant entre eux, et en évitant tout classement restrictif et, par là même, forcément faux.

S’ils avaient le souci d’informer plus que de vendre, les médias sérieux devraient s’attacher à cette pédagogie précautionneuse, indispensable dans un domaine aussi sensible pour les étudiants et leurs familles.

Le réseau Euraxess France devient une association

L’association Euraxess France, en charge de l’accueil et du soutien à la mobilité des chercheurs étrangers en France, tient sa première Assemblée Générale à Nancy les 5 et 6 décembre 2011.

Le réseau Euraxess France, fort d’une longue expérience, est la réponse des Universités aux demandes des chercheurs étrangers quant à leur installation en France, à la fois sur les plans administratifs (demandes de visas et de permis de travail, assurance santé, informations sur les régimes d’allocations chômage et de retraite...) et pratiques (recherche de logement, cours de langue, aspects culturels...). L’ensemble de ces services est entièrement gratuit.

Composé de 22 centres de services et de 8 points de contact locaux répartis sur tout le territoire, le réseau français est l’un des plus étendu et des plus actif des 38 réseaux membres de l’initiative européenne. A l’instar de ses homologues européens, le réseau français était jusqu’à présent totalement informel. Le passage au statut associatif, une première en Europe, va lui donner une existence juridique ainsi qu’une plus grande autonomie dans son fonctionnement et son financement.

Les activités du réseau français s’inscrivent notamment dans le cadre du rôle de pivot joué par Euraxess dans les orientations politiques européennes telles que l’Espace européen de la Recherche et la stratégie UE2020.

L’association est un interlocuteur privilégié du Ministère de l’intérieur et du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont des représentants sont systématiquement conviés aux assemblées générales du réseau, tenues 2 fois par an. Ces assemblées sont l’occasion de réunir l’ensemble des membres du réseau afin de partager leurs pratiques, ainsi que de clarifier certains points cruciaux de leur activité avec les représentants des Ministères (conventions d’accueil, délivrances de visas et titres de séjour, coûts d’entrée, questions consulaires...). L’Assemblée générale de décembre 2011 permettra également de dispenser une formation sur la communication interculturelle, et de faire un point sur les régimes d’allocations chômage et de droits à la retraite des chercheurs étrangers de passage en France.

Le réseau est par ailleurs structuré en divers groupes de travail chargés de réfléchir à des thématiques intéressant les chercheurs (publication récente d’un guide sur les pratiques françaises en matière de location immobilière) ou les personnels des centres (enregistrement des chercheurs, formation des personnels, communication et promotion).

EUA : Scorecard de l’autonomie, 2ème partie

L’association européenne de l’université (EUA) vient de rendre publique la seconde partie de son étude sur l’autonomie des universités en Europe, consacrée au « scorecard » de l’autonomie, analyse comparée de l’autonomie des universités européennes, appréciée dans quatre grands domaines (gouvernance, finances, GRH, formation) interrogeant la France, et ses universités, sur le niveau qu’elles ont atteint, et bousculant certaines idées reçues.

L’étude, en utilisant la typologie dégagée par l’EUA dans son premier rapport sur l’autonomie, en 2009, distingue quatre grands champs et donne, pour chaque Etat, le pourcentage qu’il y atteint. La pondération des différents critères utilisés a été définie après interrogation des présidents d’université et n’est donc pas arbitraire, mais représente l’image qu’une majorité de présidents d’université en Europe ont de l’autonomie. Dans cette logique, ce n’est donc pas tant la place relative occupée par chaque Etat -et donc leur classement- qui doit interroger, mais bien le niveau atteint dans chaque catégorie, étant entendu qu’aucun lien automatique ne peut être fait entre le niveau d’autonomie dans chaque domaine et les performances des universités. Le lien peut en revanche être fait entre le niveau de financement des universités et la bonne réalisation de leurs missions ; les progrès à venir pour les universités devant aller dans les deux directions : amélioration du niveau de financement des universités, qui demeurent, malgré les efforts récents, sous-financées ; amélioration de certains axes sur l’autonomie, pour autant qu’on les considère souhaitables et liés à une meilleure performance des établissements dans leurs missions de formation et de recherche

Ainsi la France se situe-t-elle à un niveau intermédiaire/haut en termes d’autonomie organisationnelle, intermédiaire/bas pour ce qui est de l’autonomie financière et de ressources humaines, et bas pour ce qui est de l’autonomie académique.

Comme l’ont rappelé les auteurs du rapport lors de leur conférence de presse de lancement, l’autonomie est une notion qui ne peut être objectivement mesurée que difficilement, et qui dépend fortement de l’histoire, de la culture, des contextes et des valeurs propres à chaque pays ; par ailleurs, si les niveaux atteints dans certaines catégories peuvent être évalués, il n’existe pas de modèle unique d’autonomie, les différents acteurs impliqués –universités, Etat, acteurs socio-économiques, autorités administratives, etc. – interagissant de manière particulière. Les auteurs ont enfin convenu que la réalisation de cette étude européenne avait nécessité de simplifier des situations toujours complexes, et en évolution permanente, en particulier en France.

Convaincus de l’intérêt de cette étude, les présidents d’université vont inviter ses auteurs pour un échange lors de leur prochaine réunion du 15 décembre. Cet échange contribuera à la préparation du colloque annuel de la CPU qui se tiendra les 8, 9 et 10 février 2012 à Marseille, intitulé : « L’université pour l’avenir, avenir des universités ». Au cours de ce colloque, la CPU souhaite, alors que la quasi-totalité des universités vont, en 2012, renouveler leurs équipes de direction sur fond d’élections présidentielles et législatives, tirer le bilan de la politique universitaire conduite ces dernières années, de la mise en œuvre de l’autonomie acquise par les établissements et avec tous, envisager leur avenir.

Par ailleurs, en accord avec l’EUA, la CPU va faire traduire ce rapport afin d’en assurer la diffusion au sein du monde francophone, grâce à son partenariat avec l’Agence Universitaire de la Francophonie.

Rencontre avec les membres de la CP2U

8ème (et dernier) article présentant la CP2U. Cette semaine rencontre avec Sophie Béjean, présidente de l’université de Bourgogne et présidente de la commission des moyens et des personnels.

1/ Pourquoi avez-vous choisi de vous présenter à la présidence de la commission ?

Je m’étais impliquée dans cette commission depuis deux ans en tant que vice-présidente aux cotés d’Yves Lecointe, alors président de la commission, et nous avons fait du très beau travail pendant ces années sur des questions importantes sur lesquelles je me suis engagée avec détermination et conviction. J’ai porté notamment le dossier du modèle d’allocation des moyens aux universités dit « Sympa », sur lequel nous avons d’ailleurs obtenus des résultats concrets, avant que le ministère n’en gèle le fonctionnement.

Au moment où je me suis présentée, venait de s’ouvrir le sujet de la masse salariale et des règles et principes qui doivent présider à l’évolution de cette masse salariale et donc au transfert des moyens aux établissements pour qu’ils puissent assumer et utiliser les leviers de leur autonomie. C’est toujours une question centrale aujourd’hui sur laquelle toute la CPU doit se mobiliser car il en va de l’avenir de nos établissements. Nous venons d’apprendre que le processus est engagé et que le GVT sera partiellement financé, excellente nouvelle qu’il faudra consolider pour l’avenir.

2/ Quels sont les grands chantiers et objectifs de la commission pour cette année ?

Les questions qui concernent la commission des moyens et des personnels sont très larges. Elles concernent évidemment les moyens liés à l’immobilier, à la dévolution du patrimoine, qui est un volet facultatif de l’autonomie pour lequel le travail avec le ministère a été plus difficile à engager. De plus seulement quelques établissements sont rentrés dans le dispositif.

Il y a également toutes les conséquences des appels à investissements d’avenir, des initiatives d’excellence, qui sont encore devant nous et qu’il nous faudra analyser. Bien sûr, toutes les questions autour des ressources humaines. Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet avec Vincent Berger qui est VP à mes cotés. Il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine car il relève finalement de la responsabilité que nous avons désormais vis-à-vis de l’ensemble des personnels des universités. Il faut que l’autonomie ait des retombées positives pour les collègues, pour les personnels, les enseignants-chercheurs, les personnels administratifs et techniques. Il faut faire vivre la collégialité de la communauté universitaire.

Nous travaillons également sur la parité avec le groupe animé par Vincent Berger. C’est un volet indispensable et qui doit être relié en cohérence avec tout ce qui concerne les moyens et l’autonomie des établissements. Ce groupe travaille sur tout ce qui est lié à la rémunération, à la politique indemnitaire, à l’action sociale, à la place de certaines catégories de personnels… Ce sont des questions essentielles. Nous avons développé des projets et travaillé en concertation avec la DGRH sur ces questions.

Il y a aussi d’autres réflexions de fond, comme celui des modes de financements de l’enseignement supérieur et de leurs effets distributifs. Ces financements ne doivent-ils pas bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin ? Il faut donc se poser la question de l’équité sociale de notre système. Le groupe de travail que nous avons mis en place avec Jacques Fontanille et avec des membres de la commission des moyens, s’inscrit dans le cadre de ce débat de fond. C’est un débat important.

Au delà du financement des universités, il est important que ces dernières réfléchissent à ce qu’elles produisent en terme d’équité sociale et comment les règles de financement dont elles bénéficient vont se traduire à la fois pour améliorer l’accès du plus grand nombre à l’enseignement supérieur et pour faciliter la réussite de ceux qui ont le plus de difficultés. Ces sujets de fond dépassent finalement le cadre du financement propre des universités.


3 / Comment fonctionne la commission ?

La commission des moyens est une commission qui intéresse beaucoup de présidents. Une quarantaine y sont inscrits et participent avec beaucoup d’assiduité. C’est une commission qui a un éventail de questions assez large et qui nécessite sur certains sujets des groupes de travail spécifiques.

Je souhaitais que nous soyons efficaces dans notre réflexion. Il fallait que nos réflexions puissent se traduire par des positions, des décisions, de l’expertise. Par exemple, sur les effets redistributifs, le groupe de travail animé par Jacques Fontanille, fait le point sur ces questions, recense les études existantes, fait intervenir des experts, des chercheurs, analyse les données internationales, extrait les données pertinentes par rapport aux questions que le groupe se pose. Tout ce travail de fond a permis l’élaboration d’un document très intéressant, car il apporte de l’expertise et en même temps il pose des questions. Cela permet à la CPU de pouvoir être force de propositions, de questionnements et d’expertise, sur les différents scénarios envisageables qui donneront lieu à des positions publiques par ceux qui doivent les prendre lors des prochaines échéances politiques de notre pays.

L’étude de questions techniques et l’invitation d’experts dans notre commission sont très importantes et enrichissantes. Pour autant ce qui est fondamental est la place du débat et des positions politiques que notre commission doit préparer et proposer à la CPU. C’est dans cette direction que je conçois mon rôle à la présidence de cette commission.

Pour moi apporter une expertise est extrêmement important. Je vois déjà, avec quelques mois de recul que cela fonctionne. Notamment en faisant venir des invités par exemple. C’est toujours très intéressant pour le débat avec les présidents.