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Laurent Wauquiez danse avec les chiffres - Véronique Soulé, Blog Libé, 30 novembre 2011

jeudi 1er décembre 2011, par Mariannick

Autant le ministre de l’enseignement supérieur est incollable sur les classes moyennes modestes, autant il est approximatif sur l’enseignement supérieur. "Cinq établissements sur 150 ont des difficultés financières", a asséné Laurent Wauquiez ce matin sur France Inter. Le 17 novembre, il y en avait 8 sur 83. Cherchez l’erreur...

A moins de cinq mois de la présidentielle, les problèmes budgétaires rencontrés par les universités font tache. Le candidat-non-déclaré Nicolas Sarkozy veut brandir l’autonomie des universités - avec la loi LRU ou "loi Pécresse" - comme l’une des réformes phare de son quinquennat. Alors, il y a un peu d’embrouille sur les chiffres.

Pour comprendre le le tour de passe-passe, reprenons le déroulé qui est plutôt confus :

- Le 17 novembre, le ministère de l’Enseignement supérieur annonce que 8 établissements, sur 83, sont dans le rouge. Comme ils ont eu des déficits deux années de suite, leurs budgets vont être décidés par les Recteurs (conformément au décret financier du 27 juin 2008). En clair, ils sont mis sous tutelle, mais le mot n’est pas prononcé car c’est contradictoire avec l’autonomie.

- Le 23 novembre, il en publie la liste - 6 universités et 2 établissements. Mais plusieurs protestent, avançant des raisons purement techniques à ce déficit.

Le jour même, le ministère se ravise et retire l’université de Nice-Sophia-Antipolis. Il avait regardé les comptes un peu vite. On passe alors de 8 à 7.

- Aujourd’hui interrogé sur France Inter, Laurent Wauquiez parle de "moins de 5 établissements sur 150 qui vont finir l’année avec des difficultés importantes". D’où viennent ces nouveaux chiffres - moins de 5 établissements, et non plus 7, sur 150 au lieu des 83 évoqués jusqu’ici - qui arrangent bien les affaires du ministre ?

Deux établissements, explique Laurent Wauquiez, ont été retirés de la liste - l’Insa de Rouen et Paris 13-Villetaneuse - car leurs déficits s’expliquent par des "amortissements d’investissement" et ne sont donc pas des déficits de fonctionnement. De 7, nous voilà donc à 5.

L’astuce vient ensuite : le ministre ne prend plus comme référence les seules universités. Ce qui ne l’empêche pourtant pas de conclure : "Moins de 5 sur 150, cela montre que les universités ont réussi à s’approprier l’autonomie, que l’on peut faire confiance aux présidents d’université"....

Cette fois Laurent Wauquiez prend comme référence l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur rattachés à son ministère :

- les 83 universités - en fait, il n’y a en plus que 81 depuis la fusion des 3 universités de Strasbourg,

- les 15 grandes écoles d’ingénieurs et les 8 IEP (Instituts d’études politiques) de province - la liste figure sur le site du ministère sous le titre d’"établissements à caractère administratif" -, soit un total de 23,

- les 46 grands établissements, Écoles normales supérieures (ENS), instituts polytechniques, etc - la liste figure sous le titre d"’ "établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel". Mais attention, il faut recompter ! Le site annonce 2 instituts nationaux polytechniques mais il y en a 4, 14 instituts et écoles extérieurs aux universtiés mais il y en a 17, etc....

Bref, on arive à 152. Le chiffre du ministre est donc à peu près juste, mais le raisonnement tordu. Toutes les universités ont vocation à devenir autonomes, donc à gérer leurs budgets et à être responsables de leurs déficits - 75 sont déjà autonomes, les 8 restantes le seront au 1er janvier 2012.

Pour les grands établissements et les grandes écoles, ce n’est pas du tout pareil. Ils ont le choix. Et seuls 14 ont choisi de devenir autonomes à ce jour, ajouté à 7 au 1er janvier 2012 - comme l’EHESS, le Collège de France, l’Ecole centrale de Lille... Soit un total de 21.

Comment dès lors en conclure que l’autonomie, ça marche bien puisque "seuls 5 sur 150 établissements ont des problèmes financiers" ?

Pour comparer ce qui est comparable - des établissements risquant d’être mis sous tutelle car en déficit -, il aurait fallu plutôt additionner les 83 universités autonomes ou qui s’apprêtent à l’être avec les 21 établissements, autonomes ou devant l’etre. Soit un total de 104.

Parlant du ministre qui a succédé en juin à Valérie Pécresse, les présidents d’université qui sont des gens bien élevés, disent qu’"aujourd’hui, on a un cabinet qui est tout de même beaucoup moins technique"...

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