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Les "prépas" contraintes de s’adapter face à la concurrence, Le Monde, 3 février 2012

vendredi 3 février 2012, par Sylvie

À lire sur le site du Monde

Les classes préparatoires sont-elles menacées ? Une enquête inédite de la Conférence des grandes écoles (CGE, qui rassemble 220 établissements) montre que les étudiants qui intègrent une grande école (quelle que soit l’année d’entrée) ne sont plus que 38,5 % à être issus d’une prépa : 40,2 % pour les écoles d’ingénieurs et 37 % pour les écoles de management.
Si l’on ajoute à ces données le fait que, pour la première fois depuis longtemps, le nombre d’élèves de prépa baisse, passant de 81 100 en 2009-2010 à 79 900 en 2010-2011 (- 1,6 %), le contexte devient un peu morose.

Finies les classes préparatoires aux grandes écoles ? Ces formations d’excellence demeurent la voie royale pour accéder aux écoles les plus réputées. Publiques à 84 %, elles sont les pépinières de la République, là où poussent, à forte dose d’engrais, les futures élites du pays. Dans le top 10 des écoles d’ingénieurs, neuf étudiants sur dix viennent de prépa. Sur les 400 élèves entrés à Polytechnique en 2011, 10 seulement venaient de l’université...

Dans les écoles de management les plus cotées, cependant, l’accès est plus ouvert. La première d’entre elles, HEC, indique bien sur son site Internet que "les classes préparatoires sont la voie royale pour intégrer une école comme HEC". Reste que 38 % de ses élèves sont passés par d’autres chemins. L’enquête de la CGE montre de manière éclatante que si le modèle élitiste classique perdure, la perception qu’en a la société est largement décalée.

Le modèle évolue en interne Les classes préparatoires véhiculent toujours une image peu amène de boîtes à concours sans pitié pour héritiers. Une légende noire qui rebute certains élèves. "Le mal qui nous ronge, c’est l’autocensure", soupire Joël Vallat, proviseur du lycée Louis-le-Grand, à Paris, qui accueille 900 élèves en prépa. M. Vallat ne nie pas que la charge de travail soit très lourde, mais il rejette vigoureusement les notions d’individualisme forcené ou de compétition exacerbée qui restent associées aux classes préparatoires. Certes, ils sont toujours classés, mais M. Vallat assure que "les élèves bossent ensemble. On ne note plus en dessous de zéro et on va jusqu’à 20".

A Louis-le-Grand, une double notation a été mise en place : l’une est alignée sur les concours (donc radicale), l’autre permet de ménager les élèves et d’établir des bulletins "présentables". Les notes sont supérieures de "cinq à dix points" dans ce dernier cas.

Par ailleurs, les classes préparatoires ont fait un effort d’ouverture sociale. La part des boursiers n’y était que de 14 % en 1998. Elle est aujourd’hui en moyenne de 26 %, et même de 35 % dans un établissement aussi prestigieux que celui de M. Vallat.

La multiplication des alternatives La fabrique de l’élite passe aujourd’hui par un grand nombre de chemins de traverse. Les prépas intégrées séduisent de plus en plus, notamment dans les écoles d’ingénieurs. Un quart des élèves ingénieurs intègrent leur école dès la sortie du lycée et commencent par deux années de prépa.

D’autres voies sont très proches des prépas et visent, dans une perspective d’égalité des chances, à les ouvrir à de nouveaux publics. D’importance très relative en termes d’effectif, ces dispositifs jouissent d’une aura médiatique liée à leur forte connotation politique. Le lycée Henri-IV, à Paris, a par exemple créé une prépa à la prépa. Ce sas d’une année après le bac doit permettre aux "élèves brillants, ambitieux mais limités financièrement" d’aller aussi loin que possible, et notamment d’envisager une prépa.

Dans un autre registre, le lycée René-Cassin de Strasbourg a ouvert en 2009 une classe préparatoire aux grandes écoles de management en trois ans, exclusivement destinée aux bacheliers de la filière professionnelle.

Détour par l’université Objectif : décrocher un BTS, un DUT, voire une licence avant de tenter un concours de grande école. 18 % des jeunes qui intègrent une grande école ont opté pour un institut universitaire de technologie (IUT) et 9 % une section de technicien supérieur (STS). Un cycle préparatoire d’un an a même été créé pour eux : adaptation technicien supérieur (ATS). Il y a sans doute parmi eux des étudiants qui veulent s’épargner le choc de la prépa.

Mais l’effet cliquet n’est pas négligeable. Passer par l’université permet de décrocher un diplôme en cours de route, ce qui offre une porte de sortie, au cas où. Alors que le parcours prépa-école, c’est la garantie de ne pas toucher de salaire avant au moins cinq ans.

Certaines universités vont plus loin et ont mis en place des cursus qui s’approchent du modèle prépa. L’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense a créé en 2006 une licence humanités. On y étudie les lettres, l’histoire, la philosophie et les langues. L’emploi du temps est dense et les enseignants mettent l’accent sur la méthodologie et l’accompagnement des étudiants. D’autres facs ont créé une classe prépa, stricto sensu, comme l’université de Bretagne-Sud en 2009. Mais de tels exemples sont rares.

Et aussi :

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