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"Haro sur le CNRS" par Pierre Cornillot

"Votre Santé", 22 juin 2008

samedi 28 juin 2008, par Laurence

Pour lire le texte sur le site de "Votre santé".

La ministre chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Valérie Pécresse s’est attaquée au démantelement de l’organisation de la recherche publique, et principalement le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique).

De tous les côtés, s’élèvent de nombreuses voies autorisées pour crier au scandale et dénoncer le réel risque de démolition de la recherche publique en France. Oh ! bien sûr, nous entendons l’argumentaire préparé pour nous assurer qu’il n’en sera rien. Et nous savons tous très bien que cette charmante dame ne fait rien d’autre que de mettre en œuvre le programme de réorganisation, de modernisation de la recherche en France, et plus généralement de l’enseignement supérieur et de la recherche, voulu par la droite et engagé par le président Sarkozy.

Déjà, une nouvelle loi, votée aux vacances 2007, avait transformé les universités, théoriquement au nom de l’autonomie, en fait au nom d’une « modernisation » qui voulait corriger les « excès » démocratiques et mettre les présidents d’université, élus par un petit conclave qui tient lieu de conseil d’administration, dans une position de directeurs d’entreprise ! Saine mais périlleuse entreprise, car l’université est une vieille dame qui a ses habitudes et ses préférences, et il ne faudrait pas qu’au nom d’un classement international très contestable, on en soit réduit à tout transformer sans crier gare.

Or, justement, quand il s’agit de la recherche, les universités ont vu leurs missions renforcées, préalable indispensable à la réforme du système français de la recherche publique. Connaissant le CNRS, principale cible de la réforme en cours, on comprend mieux les vrais mobiles de cette action.

Il ne s’agit rien d’autre que d’un règlement de compte politique dont la droite française rêvait depuis des années. Pensez donc, cet organisme mis en place en 1939 par la gauche, avait récupéré depuis des années la réputation d’être une fourmilière de communistes, de gauchistes et au mieux de socialistes.

Vingt fois, les gouvernements de droite ont cherché à mettre au pas ce conglomérat d’individus tous plus louches les uns que les autres. Qu’un travail considérable y ait été effectué ne sauve rien aux yeux des imbéciles qui veulent sa peau. Et si les actions de blocage que vont entreprendre les défenseurs du CNRS, ne sont pas suffisantes, nous assisterons au démantèlement d’un outil de travail irremplaçable.

Permettez-moi de citer ce commentaire tiré de la revue La Recherche dans son numéro 416 de février 2008 , page 62, à propos de la nouvelle organisation de la recherche publique en France, et de la mise en place de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) : « Inchangé depuis l’après-guerre jusqu’à la crise de 2004, le pacte qui fonde la politique de la recherche française est en profond bouleversement. Une organisation totalement nouvelle est en train de se mettre en place, marquée par la prééminence de l’Etat. Pour imposer ses choix scientifiques, la puissance publique s’appuie sur de nouvelles structures : premier de ces lieux de pouvoir, l’Agence nationale de la recherche (ANR) (…).

Elle distribuera cette année 955 millions d’euros à des chercheurs sélectionnés sur projets. Ses moyens sont croissants, son pouvoir d’intervention élargi. L’Agence nationale de la recherche tient désormais le haut du pavé du financement de la recherche en France, au grand dam des organismes scientifiques. »

Ayant longtemps vécu dans ce monde, je voudrais terminer en citant un collègue américain à qui j’expliquais un projet de développement de nouveaux laboratoires de recherche dans notre faculté de médecine : « Pierre, n’oublie jamais qu’un laboratoire nouvellement créé demande dix ans de travail pour parvenir à un niveau international, et que le simple déménagement d’un laboratoire de réputation internationale se fait sentir pendant cinq ans sur la qualité de ses travaux. »

J’aimerais que nos apprentis sorciers qui savent tout sur tout et n’ont rien à apprendre de personne, comprennent le prix que va payer la recherche française pour leurs facéties dérisoires et des règlements de compte d’un autre temps. La seule consolation, c’est que ni la ministre en question, ni notre omniprésident ne connaissent le plus traître mot de la recherche, sinon ils en parleraient avec un peu plus de respect et n’agiraient pas de la sorte…

Billet express de Pierre CORNILLOT