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Formation [des enseignants] : Pourquoi la place du concours ne peut être pour partie en M1 et pour partie en M2 - Le café pédagogique, 15 octobre 2012

lundi 15 octobre 2012, par Mariannick

Pour le Groupe Reconstruire la Formation des enseignants (GRFDE), la formation à cheval sur la fin de M1 (admissibilité) et la fin de M2 (admission), telle qu’elle est proposée pour le concours de juin 2013 par le ministre, n’est pas souhaitable. Le GRFDE, qui regroupe de grands noms de la recherche, comme E Bautier, P Rayou, P Meirieu, JY Rochex, R Brissiaud, R Goigoux, F Dubet ou encore A Ouzoulias, craint que l’initiation à la recherche soit sacrifiée sans que pour autant la formation professionnelle soit de bon niveau. Le GRFDE demande que le concours soit installé au niveau L3 et soit suivi de 2 années de formation aboutissant à la délivrance d’un master.

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Le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, a annoncé qu’une deuxième session de concours serait ouverte en 2013. Les épreuves écrites d’admissibilité auront lieu en juin 2013 et seront ouvertes aux étudiants de Master 1 au moins. Les épreuves orales d’admission, professionnelles, auront lieu en juin 2014 pour les étudiants admissibles au concours et inscrits alors en Master 2.

Après l’effondrement des viviers de candidats aux concours, consécutif à la désastreuse réforme de la masterisation, on comprend que ce dispositif constitue un moyen d’encourager les étudiants à se présenter de nouveau aux concours pour devenir enseignants et de « réamorcer la pompe » dès l’année 2012-2013 . Un concours plus précoce (une admissibilité en M1 plutôt qu’en M2), un calendrier plus cohérent avec les rythmes universitaires (des épreuves d’admissibilité en juin plutôt qu’à l’automne), une rémunération (même modique) pour les admissibles, une formation alternée annoncée, autant d’éléments susceptibles en effet de trouver un écho favorable auprès des étudiants.

Cependant, un dispositif qui placerait de manière pérenne des épreuves d’admissibilité en M1 et des épreuves d’admission en M2 ne nous semble ni souhaitable ni même viable.

Il n’est pas souhaitable pour de multiples raisons

• Il soumet les étudiants à la pression de la préparation d’un concours durant les deux années de master, ce qui est à la fois anxiogène et dissuasif pour les étudiants.

• Il est contre-productif du point de vue des apprentissages et de la formation propres à un diplôme de master. Un tel horizon de compétition sélective par concours durant ces deux années ne permettra pas aux étudiants de progresser dans leur travail d’apprentissage, d’analyse et de prise de recul critique. Les effets de normalisation exercés par les épreuves de concours sur les formations sont très importants et bien connus. Plutôt que d’approfondir leurs capacités de réflexion et d’autonomie, les éventuelles prises de risque intellectuel, toujours fécondes, les étudiants avisés essaieront surtout de se mettre en conformité avec les attentes supposées des jurys de concours. On est très loin des attendus d’un diplôme de master.

• Le programme des masters sera, une fois de plus, beaucoup trop lourd et incohérent. Focalisés sur les épreuves de concours, quelle disponibilité les étudiants auront-ils pour s’investir à la fois sur la préparation de leurs stages, pour réellement progresser dans la partie à la fois disciplinaire et professionnelle de leur formation ainsi que pour s’initier à la recherche ? Les deux années passées ont montré à l’envi combien la multiplicité d’injonctions contradictoires exerçait une pression intolérable sur les étudiants, notamment en année de master 2. Faut-il étendre aux deux années du master ces tensions perpétuelles, instaurer une sorte de darwinisme à mille lieux d’une réelle formation universitaire ? Le concours national de la fonction publique est le mode de recrutement le plus égalitaire qui soit, il confère un statut aux lauréats. Par sa nature sélective, il implique que les candidats se consacrent pleinement à sa préparation. Il ne peut cependant devenir l’alpha et l’oméga d’une formation universitaire, surtout en master.

• Si la préparation aux concours occupe les deux années de master, quelle partie de la formation sera sacrifiée ? Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que c’est d’abord l’initiation à la recherche qui sera passée par pertes et profits. Confrontés aux exigences d’un concours et aux nécessités pratiques de la préparation de 6 heures d’enseignement hebdomadaires en responsabilité devant élèves en M2, les étudiants seront contraints de hiérarchiser rapidement leurs contraintes - car on ne peut guère parler de choix dans une telle situation. Mais qu’est-ce qu’une formation au métier d’enseignant sans pratique de la recherche ? Il ne s’agit pas de former des répétiteurs mais bien des concepteurs de leur enseignement. Que seront des masters sans réelle initiation à la recherche ? Des sous-diplômes bientôt sans valeur. Les étudiants auront été trompés.

• Mais s’ils donnent aussi la priorité aux épreuves du concours sur la préparation et l’exploitation de leurs premières expériences d’enseignement, ils n’en seront pas mieux formés au métier. Comment qualifier en effet une institution de formation des professeurs qui les encouragera alors à un demi-investissement dans leur travail auprès des élèves ? Ce ne sera ni formateur, ni responsable à l’égard des élèves et de leurs parents.

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il n’est pas du tout souhaitable que les épreuves de concours soient étalées sur le M1 et le M2.

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