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SLU embeddé-e à l’Assemblée Nationale (suite) - 6 décembre 2012
jeudi 6 décembre 2012, par
Compte rendu d’humeur des tables-rondes II et III.
Si la première partie de la matinée avait pu faire croire que soudain la société civile arrivait aux Assises, par l’intermédiaire des étudiants, des syndicats, des associations, lorsqu’on en est arrivé au véritable sujet de débat, à ce qui peut en effet s’inscrire dans la loi, cravates, présidents et présidents (orchestrés par la députée Fabienne Keller, élue UMP du Rhin, qui avait commencé par glousser que seuls les candidats malheureux aux IDEX les critiquaient), “Vincent”, “Bernard” et “Daniel” (administrés par Louis Vogel, président de la CPU) revinrent dare-dare dans la salle Lamartine : c’était la seconde table ronde consacrée à la régionalisation. Et avec elle, un festin de langues de bois et de fumets doucereux. Du contenu de la territorialisation, il ne fut donc guère question : en revanche, paroles rassurantes (mais pourquoi “avoir peur” de la régionalisation, répétait M. le Déault, député PS de la Meurthe-et-Moselle), promesses ronflantes, dénégations surtout (non non, on ne va pas faire disparaître le national) venaient nous envelopper d’une musique ouatée et protectrice… “L’État stratège” ne couvrait-il pas de son aile large et paternelle les prises de parole ?
C’est alors qu’un SLU embeddé et soupçonneux fit remarquer que tant de déni nous incitait à penser qu’il fallait vraiment s’inquiéter, et que l’expérience de l’opacité des PRES, sans parler de ce qui s’était dit lors des Assises Nationales, n’augurait rien de bon de la-régionalisation-qui-n’aura-pas-lieu-mais-ce-n’est-pas-une-raison-pour-en-avoir-peur. Bref, il souligna qu’on croyait déjà entendre déjà les cors de chasse des futures baronnies.
La troisième table ronde eut raison d’une SLU très embeddée (depuis 8h30 du matin). Avec la “formation des étudiants”, les fumées se firent brouillards, les langues de bois tam-tam. Après que la présidente, Mme Dominique Gillot, sénatrice PS du Val-d’Oise, eut introduit la séance par un angle très aigu (les étudiants étrangers), chacun y alla de ses préconisations ou revendications. Un côté de la salle formait le vœu que l’université se mît à ressembler aux classes préparatoires : les étudiants envient “tellement” les classes préparatoires, le système allemand fut érigé par Jean-Baptiste Prévost (ancien président de l’UNEF, membre du Conseil économique et social) en nouveau modèle d’une formation qui apprend plus et mieux. L’on eût aimé que les représentants de l’UNEF n’aient pas été en train de se congratuler quand le président de l’université de Marne-La-Vallée, fixa la sélection en 1ère année, et en M1, pour moyens de remédier à l’échec à l’université, juste avant de passer directement la parole à son voisin de la CPU… car on n’est jamais mieux servi que par ses congénères. De l’autre côté de la salle, ce n’était que formations employables, professionnalisation, taxe d’apprentissage, rapports avec l’entreprise. On réalisait soudain que l’université démocratique et démocratisante du matin, l’université liant enseignement et recherche dès le premier cycle (vœu du Snesup), l’université des enseignants-chercheurs et des étudiants ne faisait plus consensus. “L’État stratège” avait pris sa grande machine à calculer l’économie de fatigue et de conflits gagnée par le transfert de la professionnalisation des entreprises (qui n’en veulent pas) vers les seules universités.
Pendant plus d’une heure, on réintégra les classes préparatoires comme modèle unique, élitiste, et encadré du désirable, il fut question de formation en apprentissage, de pédagogie, de pluridisciplinarité – et tant pis si jamais les universitaires allemands attachés à des formations disciplinaires fortes, toujours doublement disciplinaires dans le cas des futurs enseignants, ne reconnaîtraient comme “pluridisciplinarité” le saupoudrage créé par la nouvelle licence française –, il fut question de la façon dont l’Université allait guérir le chômage des jeunes, la pauvreté désormais reconnue des étudiants, et sans doute aussi la confusion générale. Et tant pis si l’on ne se posait plus la question de la différence entre professionnalisation et employabilité.
Certes, la parole a été indéniablement donnée à la salle, et dans cette salle il y a eu de nombreuses interventions des collectifs de précaires ou des syndicats insistant par exemple sur le lien entre démocratisation et amélioration de l’offre d’enseignement d’une part et emplois pérennes de l’autre. Mais ces prises de parole étaient quasi sans enjeu dès lors que le cap avait été fermement fixé à l’orée de la 3e table-ronde par les rapporteurs des Assises dans un sens tout différent : pour cette la table ronde sur l’enseignement-licence-démocratisation, le maître-mot était "lisibilité" qui permettait d’articuler le rapprochement lycée-université, l’obsession de l’orientation, la pluridisciplinarité obligatoire en licence, avec regroupement en grands domaines de formation. Le tout dans une atmosphère où le conflit, les incertitudes n’avaient aucune place.
Un acquis de cette partie des Assises tout de même : les missions des IUT et BTS – accueillir prioritairement les bacs pro et bacs technologiques – ont été rappelées à plusieurs reprises.
C’est peut-être sur l’existence, tout de même, de principes non définis (quelle est la place de l’université dans la société, quelles sont ses missions au regard de la connaissance et de l’emploi, voire… qu’appelle-t-on exactement pluridisciplinarité) mais néanmoins cruciaux, que la forme du “débat” trouva ses limites : de débat, il était certes difficile qu’il y en eût, près de 200 personnes étaient là. Il avait donc pris d’emblée la forme de prises de parole enchaînées par le président de salle, et bien souvent non reliées les unes aux autres, chacun faisant soit la liste des courses, soit un point sur une question qui avait bien du mal à émerger dans un ensemble minuté par un compteur rappelant qu’on était à l’Assemblée Nationale (rien à voir avec une CNU …). Il était difficile que quelque approfondissement que ce soit apparaisse de cet enchainement dé-rhétorisé de vœux, d’analyses, de revendications, de jeux de passements (Isabelle This-Saint-Jean, vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France pour l’ESR, rappelant à chaque sujet que la région est prête à… aider les étudiants, la recherche, le bâtiment, etc.). Cela n’empêcha pas que des choses fussent dites. Mais lorsqu’on en était arrivé au cœur du sujet – régionalisation, formation des étudiants –, la clarification dudit sujet manquait – et l’on se prenait à regretter les députés Le Déault et Claeys, plus au fait des dossiers et des priorités que leurs collègues.
Si l’exercice de rattrapage démocratique a donc eu lieu, il est resté sans enjeu, et ceci au prix de l’évidement de l’objet véritable de la journée - la traduction législative exacte des Assises. Peut-être que si les députés avaient davantage pris la parole pour indiquer des mesures législatives précises qu’ils comptaient faire adopter, les problèmes posés par les grandes orientations dégagées des Assises auraient eu une chance d’apparaître, et le(s) vrai(s) débat(s) de s’engager.
Il reste qu’une classe s’est donnée à voir pendant cette journée, dont on ne connaissait que le volant CPU – une classe blanche (à 99%), mâle (98%), parisienne ou île-de-francienne (99%), moitié chenue moitié vibrionnante (50-50%) –, la classe des "présidents de" : présidents d’université, donc, présidents de PRES, présidents de conférence de grandes écoles, de petites, de moyennes structures, présidents des fusions et des recompositions. Cette classe tout terrain reconnaît ses objectifs par-delà les accidents des élections nationales, et saura, on peut lui faire confiance, maintenir le cap.