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Motion commune ASES-AFS relative au projet de loi ESR (20 février 2013).

mercredi 20 février 2013, par Jara Cimrman

Pour lire cette motion sur le site de l’ASES

Motion commune ASES-AFS relative au projet de loi ESR



L’ASES et l’AFS, associations professionnelles et savantes de sociologie, expriment leurs vives inquiétudes devant le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), dont elles ont pris connaissance dans ses deux premières versions avant discussion au CNESER. Elles s’indignent du procédé mis en place par le ministère qui avait promis à une communauté universitaire et académique très fragilisée par les réformes de 2002, 2007 et 2009, une vaste consultation nationale et un projet de loi doté de moyens ambitieux, en rupture avec la mandature précédente. Conduites à marche forcée, les Assises nationales de l’ESR ont donné lieu à deux rapports, puis 6 mois après à un projet de loi, qui semble avoir été écrit et pensé bien avant la consultation : en effet, loin de corriger les dérives du Pacte de la Recherche et de la LRU, dénoncés par la majorité des acteurs universitaires qui se sont exprimés lors de ces Assises, l’actuel projet de loi en accentue bien des aspects. La liste des mesures annoncées qui attisent nos inquiétudes est longue, nous ne les détaillerons pas, les syndicats comme les collectifs Sauvons l’université et Sauvons la Recherche le font par ailleurs. Nous rejoignons l’essentiel de leurs conclusions et propositions, qu’il s’agisse de :
La présence et prérogatives des différents corps des élus représentants la communauté qui ne cessent d’être remises en cause par le modèle de gouvernance proposé ;
La fragilisation de la recherche et la précarisation des jeunes chercheur-se-s (financement sur projets, dépendance vis-à-vis du monde économique et politique, des régions en particulier) ;
La dérégulation nationale des formations, des diplômes, des financements (via l’accréditation notamment) ;
La secondarisation du premier cycle universitaire qui va à l’encontre du socle fondateur de l’université (lien entre recherche et enseignement supérieur) ;
La fragilisation et la disparition alarmantes des personnels et des établissements (aucun engagement de moyens supplémentaires, maintien des responsabilités et compétences élargies, aucune mesure réelle permettant de lutter contre la précarité…) ;
ainsi que les épineuses questions posées par le transfert des compétences au monde économique, par la création des ESPE, par la tentation de substituer aux enseignements présentiels des enseignements numériques, par l’absence de financement public et de cadre garantissant l’autonomie et la liberté de la recherche, etc.

Les études et recherches menées en sociologie, comme dans les autres sciences sociales, risquent de particulièrement souffrir de ce projet de loi. Les effets de cet appauvrissement scientifique seraient contre-productifs en termes d’investissement public, d’intérêt général, de même qu’ils contribueraient à affaiblir le rayonnement scientifique international de la France. Nous tenons en outre à souligner notre indignation face au maintien de l’évaluation et du décret sur le statut des enseignants-chercheurs dans sa formulation du 23 avril 2009, sur lesquels le ministère s’était pourtant engagé à revenir. Nous avions, dans nos deux contributions aux Assises de l’ESR, attiré l’attention sur les dérives et dangers d’une évaluation systématique, non menée par des pairs élu-e-s, sur des critères imposés et à des fins controversées sinon opaques. L’AERES serait remplacée par le Haut Conseil National à l’évaluation, dont les missions et prérogatives sont quasiment identiques à celles de l’ancienne institution. L’ASES a consacré une partie de ses réflexions sociologiques aux procédures d’évaluation ; ses conclusions l’ont conduite à demander l’abrogation du décret du 23 avril 2009. En effet, l’évaluation systématique des établissements, des formations, des laboratoires, des enseignant-e-s chercheur-e-s, des enseignant-e-s ne nous permettra pas d’exercer convenablement nos missions, ni de produire de meilleures recherches. Bien au contraire elle favorisera les risques psychosociaux fragilisant la santé des enseignant-e-s chercheur-e-s et des BIATSS, dont les charges administratives se sont considérablement accrues. Alors que nos conditions de travail et d’emploi se sont fortement dégradées depuis une décennie, ainsi que celles des BIATSS, impactant les conditions de formation de nos étudiants, nous attendons du ministère un projet de loi doté de moyens à la mesure des engagements électoraux pris en 2012 pour un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche démocratique, public et gratuit. Il ne sert à rien de parler sempiternellement d’excellence de l’ESR en mettant en œuvre des politiques qui ne font qu’anéantir ses conditions de possibilité concrètes.