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Ecole : une loi qui rassemble, Université : une loi qui divise - V. Soulé, Blog "C’est classe", Libération, 30 mai 2013

vendredi 31 mai 2013, par Mariannick

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Rarement on aura autant parlé éducation au Parlement. A peine votée par le Sénat, la loi de Refondation de l’école retourne ces jours-ci à l’Assemblée. Tout juste votée par les députés, la loi sur le Supérieur et la Recherche file au Sénat. Mais le parallèle s’arrête là : si la première rassemble à gauche, la seconde divise.

"Les deux lois ont la même cohérence : tout faire pour empêcher l’échec, en primaire et les premières années de licence", a expliqué le député PS Yves Durand, rapporteur de la loi de Refondation de l’école, lors d’un point presse le 28 mai."Ce ne sont pas du tout des lois bavardes ou techniques comme le dit la droite : c’est un vrai retournement après les politiques éducatives des 10 dernières années".

Si elle tendent au même but, selon le PS, elles n’ont toutefois pas la même réception à gauche :

- Avec sa volonté de mettre l’accent sur le primaire, où se joue déjà l’échec, de rebâtir la formation des enseignants, détruite sous Nicolas Sarkozy, ou encore de faire porter les efforts sur les territoires en difficultés, où l’école creuse encore les inégalités sociales, la loi sur l’école suscite bien plus d’adhésions.
Outre les socialistes, leurs alliés écolos et dans une moindre mesure le Front de gauche, qui s’était abstenu en première lecture à l’Assemblée, estiment que le projet de Refondation marque un tournant et fixe les bonnes priorités. Même s’ils émettent aussi des réserves. Et puis il y a les 60 000 postes - dont 5 000 pour le Supérieur - promis durant le quinquennat.

- Avec sa volonté affichée de privilégier la réussite étudiante, de relancer la démocratisation et de mettre la recherche au service de la compétitivité et du redressement productif, le projet de loi sur le Supérieur suscite nettement moins d’enthousiasme.

Une partie de la gauche clame sa déception face à la rupture attendue mais qui n’a pas eu lieu avec l’ère Sarkozy. Les uns auraient voulu que l’on revienne sur l’autonomie des universités. Or le PS n’est pas hostile au principe et assume une certaine continuité. Les autres attendaient des gestes forts en direction des étudiants, des chercheurs, des précaires, etc. Mais la ministre Geneviève Fioraso brandit les "contraintes financières".

Le projet de loi concocté par le ministre de l’Education Vincent Peillon, adopté au Sénat dans la nuit du 24 mai au 25 mai, a ainsi recueilli les suffrages des socialistes, du Front de gauche et des écolos (176 voix pour, 171 contre). La droite et le centre ayant voté contre.

Mis au vote quatre jours plus tard à l’Assemblée, le texte sur le Supérieur et la Recherche de Geneviève Fioraso n’a, lui, guère dépassé les rangs socialistes (289 votes pour, 248 contre). Le Front de gauche et les écolos l’ayant rejeté, aux côtés de l’UMP et des centristes. A titre de comparaison, le projet de Refondation avait recueilli 320 voix pour (avec 227 contre) en première lecture à l’Assemblée.
Les écolos, emmenés par la députée Isabelle Attard, porte-parole du groupe, ont été intraitables. Dans une tribune le 25 mai signée avec deux autres élus, ils fustigent les nombreux "reculs" par rapport aux conclusions des Assises de l’automne.

La plupart de leurs amendements ont été rejetés. Ils demandaient notamment la suppression du statut dérogatoire de "grand établissement", qui permet de sélectionner les étudiants et d’imposer des droits de scolarité. Ils réclamaient la création de l’allocation d’études promise par Hollande, et une amélioration du statut de doctorant, plus nette que dans la loi. Ils dénoncent aussi le "recul de la démocratie universitaire" et la mission de "transfert" de la recherche vers le monde économique, figurant dans la loi .

Pour la députée PC Marie-George Buffet, expliquant le vote négatif du Front de gauche, il n’y a pas de "vraie rupture". "La logique d’appels à projets", qui épuise les équipes de recherche en quête de fonds, subsiste, ainsi que le crédit impôt-recherche qui profite d’abord aux entreprises.

Le Front de gauche a aussi réclamé en vain un système de pré-recrutement des enseignants et une allocation d’études. Marie-George Buffet déplore enfin "l’affaiblissement de notre langue", allusion à l’article 2 autorisant l’enseignement en anglais à la fac.

La loi Fioraso sera discutée au Sénat à partir du 18 juin. Le députés PS Vincent Feltesse, rapporteur du projet à l’Assemblée, regrette le vote négatif des écolos et du Front de gauche . "C’est d’autant plus dommage que toute la partie sur la réussite étudiante de la loi est largement consensuelle et qu’elle passe ainsi par pertes et profits", a-t-il souligné.

Les socialistes espèrent faire mieux au Sénat, avec dans l’idéal un ralliement des écolos ou au moins une abstention de l’autre gauche.