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"La réduction de la masse salariale est le véritable objectif de la loi sur l’autonomie des universités". Anne Fraïsse, BastaMag, 20 novembre 2013

jeudi 21 novembre 2013, par Jara Cimrman

Les universités françaises sont-elles au bord de la faillite ? Selon Anne Fraïsse, présidente de l’université Paul Valéry à Montpellier, le risque est réel. Très inquiète pour l’avenir des universités françaises, elle dénonce les effets néfastes de la loi LRU votée sous Sarkozy et la politique similaire poursuivie par l’actuel gouvernement, qui laisse les universités s’enfoncer dans des difficultés financières insolubles. Explications.

Basta ! : Quels bénéfices retirez-vous de la loi sur l’autonomie des universités ?

Anne Fraïsse : Que pouvons-nous faire de plus aujourd’hui que nous n’avions pas le droit de faire avant ? Rien. Par contre, nous sommes plus surveillés et plus encadrés. Surtout, la réduction de la masse salariale est le véritable objectif de la loi sur l’autonomie des universités. Car depuis que nous sommes passés aux « responsabilités et compétences élargies » (RCE) imposées par la loi sur l’autonomie des universités [2], l’Université Paul Valéry Montpellier 3 connaît un déficit qui s’accroit chaque année [3]. C’est un déficit structurel, dû principalement à l’obligation d’assumer d’importantes charges salariales, qui ont été transférées du budget de l’État à celui des universités sans que les moyens ne suivent.

La situation a-t-elle changé depuis l’élection de François Hollande ?
Avec la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, le gouvernement socialiste poursuit cette politique qui force les universités à réduire leur masse salariale et fermer des formations, mais sans le dire. C’est ce qui est le plus choquant de mon point de vue. Le fait de diminuer la masse salariale en temps de crise est un choix politique qui peut s’entendre. Ce qui est insupportable, c’est le mensonge. Les socialistes prétendent mener une politique sociale de soutien aux universités alors que leur gestion est purement financière. Ils annoncent sans cesse des aides nouvelles mais font en vérité des prélèvements supplémentaires, pour le redressement des finances de l’État, sur le jour de carence, etc. Il faut connaître tout cela pour se rendre compte que les prélèvements se multiplient via des biais différents.

Par exemple ?
Prenons l’augmentation de 50% des boursiers à taux zéro, c’est à dire exonérés des droits d’inscription : c’est une grande mesure sociale décidée par l’État et intégralement financée par les universités. Mais l’enveloppe censée couvrir le manque à gagner du non paiement de l’inscription par les boursiers ne couvre pas les pertes engendrées. A Montpellier 3, nous avons 46% de boursiers. Cela fait 1,5 million d’euros de ressources en moins. Pour compenser, l’État nous donne 160 000 euros...

Certains vous répondront que c’est aux universités de mieux gérer leurs budgets.
Dans les premiers temps de l’application de la loi sur l’autonomie des universités, nous avons beaucoup entendu que les universités étaient de mauvaises gestionnaires. Mais au gré des déficits successifs, qui concernent toutes les universités, la réalité finit par ressortir. Les universités françaises ne sont pas être toutes gérées n’importe comment ! Il y a bien un problème structurel, une situation impossible à tenir et provoquée par la loi, sur laquelle les socialistes n’ont pas du tout l’intention de revenir. A Montpellier 3, nous sommes passés de 20 millions d’euros par an (fonctionnement et investissement) à 89 millions d’euros (fonctionnement, investissement et masse salariale). 86% du budget est consacré à la masse salariale. Prenons l’impression des bulletins de salaires, qui peut paraître anecdotique, mais qui s’ajoute à tout le reste : c’est désormais à notre charge sans que nous disposions de financements supplémentaires. Nous sommes un peu dans la même situation que les conseils généraux : un transfert de charge du budget de l’État vers celui des universités sans que les moyens ne suivent.

Lire la suite de cet entretien sur le site Bastamag.