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Autonomie : ces universités à la rue à cause de la loi LRU

jeudi 26 décembre 2013, par Chris

- Véronique Soulé, Libération, 22 décembre 2013 -

Décryptage. Trois établissements mis en difficulté par la baisse de la dotation publique n’ont pu voter leur budget. Une conséquence de la réforme Pécresse.

Une université qui envisage de fermer ses portes, trois qui ont renoncé la semaine dernière à adopter des budgets jugés infaisables, des Instituts d’études politiques (IEP) contraints d’augmenter leurs frais de scolarité faute de financements suffisants de l’Etat… L’enseignement supérieur achève cette année dans la tourmente. Officiellement, un quart des universités - 19 sur 76 - prévoient un déficit fin 2013, dont cinq pour la seconde année consécutive. Mais même celles qui affichent une bonne santé s’inquiètent. Une situation qui semble s’installer.

Quelles conséquences dans les universités ?

« Un soutien accru de l’Etat, en matière de dotation [financière] et d’emplois, est urgent. Faute de cela, l’hypothèse d’une fermeture en février, après les examens de début d’année, n’est plus à exclure » : le 17 décembre, la présidence de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, aujourd’hui la plus en difficulté, a diffusé ce communiqué alarmiste. Le conseil d’administration devait, ce jour-là, adopter le budget 2014 avec un déficit de fonctionnement de 5,2 millions d’euros. Mais il a dû reporter son vote à janvier, devant l’occupation de la salle par des étudiants et des enseignants. Pour la présidence de l’université, c’est aujourd’hui une question de survie. Les 800 000 euros de rallonge de l’Etat - en fait une avance remboursable - sont très insuffisants pour combler le trou. Et les mesures d’économie ont atteint leurs limites. Une fermeture - en réalité une faillite, le personnel ne pouvant plus être payé - apparaît toutefois peu probable.

La présidente de Montpellier-III, Anne Fraïsse, confrontée à une situation budgétaire difficile, en avait agité la menace pour l’antenne de Béziers. Après un bras de fer avec le ministère de l’Enseignement supérieur, un accord financier a été trouvé et l’antenne sauvée. Même si les universités sont désormais « autonomes », l’Etat peut difficilement laisser se fermer des établissements qui jouent un rôle clé sur leurs territoires. Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines a connu une hausse de 37% de ses effectifs étudiants entre 2006 et 2012 et a été félicitée pour ses bons taux de réussite en licence et d’insertion professionnelle.

Ces déficits en chaîne entraînent des mesures d’économie qui, à force, détériorent les conditions d’études. Certaines sont présentées comme de la « rationalisation » - développement de tronc commun à des filières, suppression d’options, hausse d’effectifs dans les travaux dirigés, limitation des capacités dans une licence, arrêt du tutorat… Cela inclut des « gels » de postes - qui se traduisent par des suppressions, les sommes correspondant aux salaires allant au fonctionnement de la fac - ainsi que des fermetures de formations.

Comment en est-on arrivé là ?

Les causes de ces déficits, souvent structurels, sont connues. Lorsque les universités sont passées à l’autonomie, conformément à la loi d’août 2007 (la LRU, sur l’autonomie des établissements), l’Etat leur a transféré la masse salariale qu’elles doivent désormais gérer elles-mêmes. Or le calcul de cette dotation a été souvent approximatif et inférieur aux besoins. Par exemple, le glissement vieillesse technicité (GVT), c’est-à-dire la hausse automatique de la masse salariale en raison du vieillissement du personnel qui monte d’indice, n’a pas été comptabilisé. Enfin, rien n’a été prévu afin de compenser la perte, pour les universités, entraînée par l’exemption des frais d’inscription des boursiers. La ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, qui se dit consciente du problème, a débloqué des fonds mais qui ne couvrent pas tout.

À qui la faute ?

La ministre tacle régulièrement sa prédécesseure UMP, Valérie Pécresse, qui a imposé l’autonomie sans les moyens financiers, et qui a laissé les responsables universitaires gérer des budgets multipliés par dix ou vingt sans les y préparer. « Seules 10% des universités ont aujourd’hui la comptabilité analytique », déplore-t-elle. Les présidents d’université estiment, eux, n’avoir rien à se reprocher. Mais ils sont mis en cause dans certains dérapages - des politiques trop généreuses de primes ou d’avancement notamment. A Versailles Saint-Quentin, une bonne partie du déficit vient de la mauvaise négociation d’un partenariat public-privé (PPP) pour réaliser un projet immobilier. Le dispositif du PPP (l’opération est confiée au privé à qui l’université paie ensuite un loyer pendant x années) était une marotte de Valérie Pécresse qui encourageait les facs à y recourir.

Pour les opposants à la LRU, tout le problème vient de l’autonomie qui a permis à l’Etat de se désengager et a appauvri les facs. La ministre refuse d’y croire. [...]


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