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L’homme qui riait dans les cimetières - Henri Audier, Blog Educpros, 5 février 2014
lundi 10 février 2014, par
La ministre de l’ES-R vient de nommer un petit jeune de 70 ans pour une mission officielle sur le doctorat, plus précisément pour préparer la mise en œuvre des mesures législatives visant à améliorer la reconnaissance professionnelle de celui-ci.
Ce petit jeune, c’est Patrick Fridenson. Qui c’est ce Monsieur ?
Souvenez-vous. Nous sommes au printemps 2009, chaque semaine quelques dizaines de milliers d’universitaires, de chercheurs, de personnels, d’étudiants manifestent. En accord avec eux, estimant inacceptable la base de discussion imposée par Valérie Pécresse, les syndicats de la FSU et de la CGT, approuvés par SLR et SLU, refusent de cautionner la manœuvre et de se rendre au ministère. C’était sans compter sur la capacité de la ministre d’affaiblir le mouvement en obtenant que le SGEN-CFDT, suivi par les Autonomes et l’UNSA, participe aux fantomatiques négociations qu’elle organise. Le « penseur » du SGEN-CFDT n’était autre que Patrick Fridenson, qui décrocha ainsi ses galons grâce à la caution majeure qu’il apporta à Valérie Pécresse dans la présentation de son décret sur le statut des E-C et dans la destruction du système de formation des enseignants – même si celui-ci était loin d’être parfait.
Bien sûr, un syndicat peut estimer qu’il a, avant tout et en toutes circonstances, un « devoir » de négociation : c’est un choix d’orientation. Mais dans le cas de ce monsieur, comment ne pas avoir un dégoût profond quand on lit le compte-rendu qu’il fait lui-même des prétendues négociations. Voir : « Les négociations avec Pécresse vues de l’intérieur », Observatoire Boivigny, 4 mars 2009 ;
Passons d’abord sur le choc médiatique qui met en transes notre syndicaliste en peau de lapin : « Après avoir montré ses papiers à la sécurité, on se retrouve encadré par une masse de micros, de caméras, puis on va s’installer à la table de négociation, on a de nouveau une séquence photos et vidéo et, quand on ressort, à n’importe quelle heure, les journalistes sont encore là. C’est un grand moment de médiatisation ».
Comment se déroule la négociation elle-même ? Là, notre vedette d’une semaine n’a aucun état d‘âme, aucun scrupule (ce n’est pas le genre) d’agir contre la volonté du milieu et de « négocier » sans la participation des syndicats les plus représentatifs. « C’est du non-stop : on sait quand on commence, mais on ne sait pas quand on finit. Mardi (03/03/09), ça a duré de 14h à minuit et vendredi (27/02/09), ça avait duré 7h. Il n’y a pas de pauses, quand vient l’heure des repas, on nous apporte des sandwichs et des boissons. L’idée, c’est : on avance, on avance, on avance… Vendredi, on a défini les grand principes, on a relevé les points d’accord, et mardi on a travaillé le décret de 84 morceau par morceau, jusqu’à trouver un accord. Une nouvelle version du texte est produite au fur et à mesure. »
Y a-t-il eut des avancées ? On ne sait lesquelles, mais on sait que ce n’est pas Fridenson qui a fait peur à la ministre. En effet, à la question « Tout se passe-t-il à la table des négociations ? », notre vedette médiatique répond désolé : « Non, il y a toute une série de choses qui se passent hors réunions, en coulisse. Au ministère bien sûr, mais aussi à l’Elysée, à Matignon. Il y a par exemple celui que l’on surnomme « l’absent », le SNESUP, qui ne souhaite pour l’instant pas participer aux négociations. En ce moment, la ministre fait la danse du ventre devant ce syndicat et il fait monter les enchères. » Donc, on sait que quand on a avancé si peu que ce soit, c’est grâce à « l’absent » qui a fait peur.
Mais le plus représentatif parce que c’est là que ce monsieur se lâche, c’est sa réponse à la question : « L’atmosphère est-elle bonne ? ». Au cours de sa vie, l’auteur a participé, à plusieurs grandes négociations. C’est totalement angoissant du fait qu’on porte, à ce moment-là, les espoirs, en tout cas les attentes et les besoins de tout un milieu. On est tendu, oppressé et on n’a sûrement pas envie de rire. Pourtant, à cette question portant sur l’atmosphère des négociations, notre monsieur répond : « Elle est hilare ! Ce sont des négociations très sérieuses, mais tout le monde plaisante, ce n’est pas crispé du tout, je n’avais jamais vu ça auparavant. Il y a des moments de tension bien sûr, mais il y a toujours quelqu’un qui revient avec un mot drôle, c’est un mélange d’affrontements et de grands moments de détente. » Ah, quel bon souvenir lui a laissé ce moment de fraternité…
Cette nomination, c’est une insulte à tous ceux qui défendent l’ES-R et qui se sont battus en 2009 contre Pécresse, aux syndicats les plus actifs qui verront rouge, ou plutôt « jaune ». Alors, pourquoi ce choix sur un sujet crucial et sur lequel tant de gens ont une pratique et une compétence ? Comment cette boulette [1] du ministère a-t-elle été possible ? Nous avons cherché longtemps pour comprendre, échafaudé des hypothèses, retourné la question dans tous les sens, jusqu’au jour où nous sommes tombé sur le lien (toujours actif) : « Acheter Patrick Fridenson pas cher ou d’occasion [2] ». Bien sûr, voilà l’explication ! Avec la grande dèche des crédits, c’est tout ce que le ministère pouvait s’offrir.
À lire là.
[1] Boulette ?, cher Henri, c’est plutôt une habitude, relis les articles de P Dubois ici par exemple (NdSLU)
[2] Sur price minister NdSLU