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Un cavalier qui surgit hors de la nuit - 3 mars 2014
lundi 3 mars 2014, par
Le suffrage indirect introduit en catimini au conseil académique. SNESUP.
La loi Fioraso modifiée en catimini par une loi sur l’agriculture, Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 28 janvier.
Qui a pleuré pour obtenir ce magnifique "cavalier législatif" ?, qui a gagné la bienveillance de l’UMP le jour du vote ? Qui se réjouit aujourd’hui de son adoption ?
LE SUFFRAGE « INDIRECT » INTRODUIT EN CATIMINI AU CONSEIL ACADÉMIQUE
SNESUP
L’Assemblée Nationale a adopté le projet de loi sur l’agriculture en première lecture lors de sa séance du 14 janvier. Dans ce projet, l’article 27 bis ajoute une « précision » à l’article L 718-12 du Code de l’Éducation, qui porte sur le conseil académique des Communautés d’Universités et d’Etablissements (Comue). Il stipule ainsi que « les représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs, les représentants des autres personnels et les représentants des usagers sont élus au suffrage direct ou indirect dans des conditions fixées par les statuts de la communauté. » Selon l’exposé des motifs, l’objectif consiste à « permettre des élections au suffrage indirect des représentants des personnels et des usagers pour le conseil académique des communautés d’universités et établissements comme c’est le cas pour le conseil d’administration ».
Ainsi, subrepticement, la loi votée en juillet 2013, loi dite de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, est modifiée par le biais de la loi sur l’agriculture. Le SNESUP-FSU proteste contre cette méthode honteuse, qui transforme le dispositif électif dans les Comue, à l’insu des personnels et de leurs organisations syndicales.
Par ailleurs, en rendant possible une élection au suffrage indirect, c’est un processus toujours moins démocratique de représentation des personnels des universités et établissements constituant la Comue, et les écartant encore plus des instances décisionnelles, qui est mis en place.
A un moment où les enquêtes d’opinion montrent une défiance générale vis à vis de la politique au sens large, qui crée un doute sur le mécanisme démocratique lui même, nos ministères montrent un très mauvais exemple en instaurant, chaque fois qu’ils le peuvent, et éventuellement à l’insu des principaux acteurs, le recours à des mécanismes indirects d’élections dans les universités et établissements de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
La loi Fioraso modifiée en catimini par une loi sur l’agriculture
Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 28 janvier 2014
La méthode est pour le moins cavalière. Nuitamment, le 10 janvier, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale du projet de la loi « Agriculture, alimentation et forêt », le gouvernement a fait adopter un amendement qui modifie la loi sur l’enseignement supérieur et de la recherche, deux textes qui ont peu de rapport l’un avec l’autre. Est ce l’heure tardive, l’amendement a été adopté sans susciter la moindre question ou discussion.
La loi portée par Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche,adoptée le 22 juillet 2013, crée, dans son article 62, les communautés d’universités et d’établissements (Comue). Ces groupements doivent réunir les établissements, écoles publiques ou privées, universités d’un même site géographique, pour qu’ils s’accordent sur leur offre de formation et une stratégie, voire s’ils le souhaitent mutualisent leurs moyens dans les domaines numérique, international ou autre.
L’article 62 de la loi Fioraso organise la gouvernance de ces nouveaux groupements. Leur conseil d’administration devra compter au moins 30 % de personnalités extérieures (collectivités locales, entreprises) et 50 % de représentants des enseignants-chercheurs et des étudiants, proportion qui tombe à 40 % si la communauté compte plus de dix établissements. La loi Fioraso prévoyait que ces représentants soient élus au suffrage direct, et que 75 % des établissements membres disposent d’au moins un siège, précisions introduites grâce à un amendement porté par la sénatrice écologiste Corinne Bouchoux. Outre le conseil d’administration, un conseil académique plus large est également créé. Consultatif, ce dernier est voué à définir les grands axes stratégiques. Cette instance doit comprendre au moins 70 % de représentants élus des usagers et personnels, le mode de scrutin étant laissé à l’appréciation des communautés et précisé dans leurs statuts.
Des instances moins démocratiques
L’amendement à la loi sur agriculture voulu par le gouvernement a apporté deux novations. Il supprime le scrutin direct pour designer les représentants des établissements au conseil d’administration " le scrutin direct était inapplicable, notamment dans les grands ensembles, avec une base électorale trop importante". fait-on valoir au ministère "le suffrage indirect permet un travail plus fluide puisque ce sont les établissements qui désigneront leur représentants dans la communauté" ,
Autre novation : la condition que 75 % des établissements adhérents soient représentés a été supprimée "Cela aurait conduit à des conseils d’administration pléthoriques de plus de 150 membres, on est revenu au texte avant l’amendement écologiste », poursuit on au ministère où l’on ne cache pas que les présidents d’universités ou de certains établissements sont montés au créneau.
« Le scrutin indirect, outre qu’il implique un cumul des mandats, est moins démocratique et permet de balayer les contre-pouvoirs », s’insurge Marc Neveu, secrétaire général du Snesup, principal syndicat de l’enseignement supérieur qui a découvert incidemment cette modification sans en avoir été informé.
Le risque est sans doute que ces communautés d’établissements apparaissent lointaines, voire technocratiques aux étudiants comme aux enseignants-chercheurs.
Mail de JL Salzmann, président de la CPU, aux présidents d’université.
Objet : CPU-BUREAU : Adoption d’un amendement modifiant les règles
électorales des COMUE
Mesdames, Messieurs les Président(e)s [1],
La loi du 22 juillet 2013 relative à l’Enseignement supérieur et à la
Recherche, a introduit deux dispositions relatives aux élections pour
désigner les membres des CA et des Conseils académiques des COMUE :
- L’une conditionnant la recevabilité des listes de candidats au CA à la représentation minimale de 75% des établissements dans le ressort de la COMUE
- L’autre rendant obligatoire l’organisation de scrutins directs pour les
COMUE de moins de dix membres.
Nous avons été nombreux à nous inquiéter des risques de blocage institutionnel induits par ces deux dispositions : - des conseils pléthoriques et donc peu décisionnels
- des élections directes difficile sinon impossible à organiser
- et, en définitive, une constitution laborieuse des COMUE et une
application tardive de la Loi.
Le Bureau de la CPU s’est rapproché des cabinets du ministère de
l’Enseignement supérieur et de l’Agriculture afin de permettre l’adoption
d’un amendement visant à supprimer ces deux dispositions du Code de
l’Education. Vous trouverez cette amendement en pièce-jointe.
J’ai le plaisir de vous informer que l’amendement, déposé par le Gouvernement dans le cadre de l’examen en cours par l’Assemblée nationale
du Projet de Loi relatif à l’Avenir de l’Agriculture a été adopté dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 janvier 2014, défendu par Stéphane LE FOLL, ministre de l’Agriculture, avec le soutien des rapporteurs chargés du texte, des groupes de la majorité parlementaire et la bienveillance du
groupe UMP (après l’art. 27 voir ici).
Sous réserve d’une validation par le Sénat (qui commencera l’examen du texte en séance plénière le 9 avril), puis en deuxième lecture, et si le Conseil constitutionnel n’est pas saisi, le Code de l’Education devrait donc être modifié dans l’intérêt des [présidents d’]universités [2] d’ici le mois de juin/juillet. Nous vous tiendrons informé(e)s de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives.
[1] Quand on vous disait que les présidents ne parlent pas en notre nom…
[2] Encore du mauvais esprit de SLU