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Sorbonne® Universités : simulacre de concertation à Paris 6

mardi 18 mars 2014, par Jean-François Trans

"C’est ainsi que meurt la liberté, sous un tonnerre d’applaudissements."
La Revanche des Sith - Star Wars, épisode III.

Le président de l’UPMC®, Jean Chambaz, continuait hier son simulacre de concertation
sur les statuts de Sorbonne® Universités, en Conseil Académique de l’UPMC®,
précisant que l’élection ne serait pas directe mais indirecte, et se ferait par
un système de "Grands Electeurs". Il précisait que ce dialogue commencé
en Comité Technique la semaine dernière, se poursuivait en Conseil Académique
ce lundi, puis en Conseil d’Administration et se terminerait par le très représentatif
conseil des composantes, soit une "large concertation" de ... moins de cinq semaines.

En Comité Technique, la semaine dernière, il avait présenté une description assez
surprenante des différentes possibilités de constitution d’un regroupement d’universités.
Sa description de la COMUE ressemblait beaucoup plus à une association qu’à ce
qui est prévu explicitement dans la loi du 22 juillet 2013, à savoir un transfert
de compétences des établissements vers cette COMUE. Il affirmait qu’il n’y aura
pas (juré, craché) de transfert de compétences, ce qui parait étrange vu le discours
tenu au niveau ministériel et le contenu de la loi du 22 juillet, qui prévoit
explicitement des transferts de compétences. Sa description du statut
d’association correspondait à la caricature qu’en donne Mme Bonnafous : l’alignement
pur et simple derrière un chef de file qui dicte ses conditions aux autres établissements.
En réalité, dans le statut d’association, chacun des établissements conserve son
autonomie entière sans aucun transfert de compétences, et conserve son budget propre,
le « chef de file » tel qu’il est prévu dans les textes, se contentant d’être le porte-parole
des établissements associés dans la négociation du contrat d’établissement.
Interrogé sur la composition de la COMUE, le président Chambaz avait répondu :
Paris 4, Paris 6, le Muséum d’histoire naturelle, l’université technologique de Compiègne,
le CNRS, l’INSERM, l’IRD, l’INRIA, l’INSEAD auxquels viendront s’ajouter trois ou quatre
membres associés qui souhaitent devenir membres à part entière.
Le président Chambaz critique l’association car il « voit difficilement dans une association des
établissements qui ont des habitudes de discussions avec l’Etat dans le cadre du
contrat, déléguer à un autre établissement de même rang qu’eux cette négociation ».

Rappellons que les statuts de la COMUE doivent faire l’objet d’un décret et devront donc être approuvés
par le ministère. On sait déjà que la DGESIP a demandé que lui soit soumise la version « V0 »
des statuts des COMUE avant même qu’ils soient discutés dans les conseils d’administration.
On devine que le ministère imposera ses vues, y compris des transferts des compétences.
On imagine déjà la suite du discours du président Chambaz : « c’est le ministère qui nous
impose ... » faisant ainsi intégrer discrètement par le ministère des dispositions
statutaires qu’il aurait du mal à faire accepter lui-même devant ses conseils.

Dans le cas des COMUE comme dans celui des associations, les contrats de site sont régis
par l’article L718-5 du code de l’éducation :

« Ces contrats comportent, d’une part, un volet commun correspondant au projet partagé
mentionné à l’article L. 718-2 et aux compétences partagées ou transférées et, d’autre part,
des volets spécifiques à chacun des établissements regroupés ou en voie de regroupement.
Ces volets spécifiques sont proposés par les établissements et doivent être adoptés par leur
propre conseil d’administration. Ils ne sont pas soumis à délibération du conseil d’administration
de la communauté d’universités et établissements ou de l’établissement auquel ils sont associés.
 »

La seule différence réside, dans le cas d’une COMUE, dans l’existence d’une couche technocratique
supplémentaire et permanente, par surcroît réceptacle de compétences transférées. Il est clair
que le « volet commun » y sera plus substantiel que dans le cas de l’association, et que sa
négociation sera la chose particulière des apparatchiks de la COMUE.
A propos du conseil d’administration de la COMUE, le document distribué indiquait (dans son
paragraphe 5) qu’il « sera composé conformément à la loi, dans son état le plus récent ».
Cette étrange formulation est à rapprocher des manœuvres auxquelles
s’est livrée la CPU (et notamment son président)
qui ont résulté dans l’apparition, dans un projet de loi sur l’agriculture, d’un cavalier législatif
permettant l’élection au suffrage indirect de ceux des membres des CA des COMUE qui seront
« élus ». Interrogé pour savoir, à supposer que le choix soit possible, si Sorbonne® Université
opterait pour l’élection directe ou indirecte, le président Chambaz avait répondu (quelle surprise !)
que ce serait la seconde solution qui serait choisie. Le suffrage indirect permettrait d’assurer
(sans rire ...) une représentation plus « équilibrée » entre les différents établissements
et d’éviter par exemple que le plus puissant d’entre eux soit sur-représenté et se retrouve
(horresco referens) en position de faire la loi au CA de la COMUE.
Cet argument est évidemment fallacieux puisqu’il s’agira de scrutins de listes, chacune
de ces listes devant (c’est la loi) représenter à la fois les grands secteurs (sciences, médecine,
lettres etc) et 75% des établissements. Mais on devine qu’il s’agit ici de réaliser l’ « équilibre »
en faisant élire une liste complète : de savantes tractations entre les présidents aboutiront
à concocter une liste de « candidats » qui sera plébiscitée par les CA des établissements,
et dont toute voix dissidente sera évidemment exclue. Quand on considère que la moitié
des membres du CA seront des membres "de droit" ou nommés, on mesure ce qui restera
de représentation authentique du personnel...

Rappellons que l’article L718-8 de la loi du 22 juillet 2013 (article 62) stipule que « Une fois
adoptés, ces statuts sont modifiés par délibération du conseil d’administration de la
COMUE, après avis favorable du conseil des membres
rendu à la majorité des deux tiers
. » Une fois créée, la COMUE ouvre donc une boite de
pandore de changements de statuts successifs par le seul conseil d’administration de la
COMUE (conseil résultant d’un processus de "grands électeurs" et autres nommés), permettant
tous les transferts de compétences des établissements membres vers la COMUE (transferts
de compétences dont on nous jure ses grands dieux qu’ils n’auront jamais lieu...).
Pour reprendre la formule célèbre d’un ex-président de la république, il s’agit bien de la
traduction universitaire d’un coup d’état permanent.

Vous l’aurez compris, il s’agit là d’un simulacre de discussion dans les conseils de l’UPMC®,
puisque le président du PRES Sorbonne® Universités, Thierry Tuot, avait déclaré
dès décembre 2013 : « Les statuts sont déjà prêts. Tous nos partenaires qui le souhaitent pourront en devenir membres. »